La répression est magique

Didascalie : scandé en chœur et suivi de 5 claquements de mains rythmés.
Perspectives de politisation

La répression tombe sur ceux dont l’État peut craindre, à tort ou à raison, une certaine capacité subversive, sur ce qui fait ou pourrait faire désordre. C’est le mécanisme par lequel le pouvoir arrête ce qui est en mouvement, s’attache à geler la dynamique de la lutte, à la glacer dans un instantané qui va être scruté, reconstruit, et dont il va falloir s’expliquer, à l’entraver aussi en essayant d’engluer ceux qui entendent ne pas se laisser faire dans l’anti-répression.
Dans un moment de conflictualité intense et diffuse, en tout cas quand cette intensité dépasse un certain seuil, la normalité du fonctionnement quotidien est perturbée ou menacée. C’est cette perturbation et ce qu’elle rend possible qu’il s’agit pour le pouvoir d’endiguer. En effet, la répression, en particulier sous ses formes policières et judiciaires, cherche à bloquer des processus en devenir, potentiellement riches en transformations tous azimuts et en bouleversements, et à produire un effet de sidération à grande échelle, pour renvoyer chacun à sa propre misère en opérant une séparation aux conditions du contrôle. Elle fabrique une représentation fictionnalisée de la situation pour infléchir le cours des choses, en imposant, dans les faits et les discours, un ensemble de points de fixation et de préoccupations desquels, quoi qu’on en pense, personne ne peut s’abstraire.

Pour cette raison, s’opposer de manière conséquente à la répression, c’est aussi refuser les assignations qu’elle constitue et sur lesquelles elle s’appuie, les refuser concrètement, s’efforcer de ne pas être réductible à telle ou telle pratique partielle, refuser le verrouillage produit par l’assignation à une place ou à une autre, ré-arpenter des potentialités variées, ne pas abandonner telle ou telle pratique à une logique de compartimentation. Aujourd’hui, ce serait par exemple se mettre en chemin de pouvoir élaborer collectivement, écrire et diffuser des tracts – en lire aussi – mettre en branle de l’intelligence collective, faire ou tenir une banderole, taguer ci ou casser ça, s’affronter à la police ou organiser une AG, participer à un blocage, enflammer une barricade ou aller rencontrer des gens en lutte pour discuter politique etc., ou tout ça à la fois, nuit et jour, ou tour à tour, chacun ou ensemble.

Voilà sans doute ce que devrait vouloir dire, par exemple, « être sauvage ».

C’est ainsi qu’on peut cesser d’être là où on nous attend, où on nous trouve et où on nous arrête ; c’est déjà à ce moment-là qu’on construit l’offensive tout en commençant à se défendre et qu’on se tient prêt à affronter d’éventuelles suites policières et judiciaires, au cas où. Il faudrait donc sans doute commencer par là : contre les services d’ordre, il n’y a pas à constituer de services du désordre. La binarité et la symétrie mimétique appartiennent à l’État et ses avatars. N’acceptons donc ni le rôle du gentil ni celui du méchant, et si « le casseur » n’existe pas, c’est bien, entre autre, précisément, pour ces raisons-là : parce que cette professionnalisation et cette séparation des tâches, ce rapport taylorisé à la conflictualité, qui n’est la plupart du temps qu’une fiction répressive, ne nous intéresse pas et ne doit pas pouvoir nous définir.

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