L’écoterroriste, un ennemi intérieur de plus ?

Décryptage d’une propagande contre-insurrectionnelle depuis le buzz médiatique de l’attaque des méga-bassines. Article d’Enquête Critique.org

Le 29 octobre 2022, plus de 8 000 militant.es se sont rassemblé.es à Sainte-Soline afin de s’opposer au projet de méga-bassines qui menace l’écosystème local par la privatisation et l’artificialisation des ressources naturelles. Réussissant à déborder le dispositif policier inédit qui s’était alors déployé, les militant.es ont cependant fait face à une forte vague de répression et de criminalisation politique et médiatique qui s’est cristallisée autour de la notion d’« écoterrorisme ».

Réinscrivant la figure de l’écoterroriste dans l’histoire de la doctrine contre-insurrectionnelle française, un collectif d’auteur.ices a soumis cet article au réseau d’Enquête Critique, qui en a accompagné la finalisation. Ses auteur.ices proposent une analyse de la stratégie de l’État et des classes dominantes face à des soulèvements qui ne peuvent plus être contenus. En combinant appareils médiatiques, politiques et policiers, à l’image des récentes menaces de dissolution des Soulèvements de la Terre, l’État cherche à écraser les perspectives révolutionnaires et à tuer dans l’oeuf toute proposition d’alternative au capitalisme néolibéral.

[ Cet article est écrit par des militant-es anarchistes, prenant part au mouvement écologiste depuis plusieurs années. ]

Le 29 octobre dernier à Sainte-Soline était une grande première pour le mouvement écologiste de ces dernières années. Pour s’opposer à la construction de méga-bassines dans la région (rétention d’eau au profit de l’agriculture industrielle), trois cortèges ont convergé en direction de l’un des chantiers en cours. Outre le fait que ces manifestations ont rassemblé des mouvements écologistes très divers (partis, syndicats, organisations citoyennistes, mouvement autonome, antifascistes…), on a observé de manière exceptionnelle [1] un ralliement autour des pratiques offensives de sabotage et de black blocs [2] organisés. De chaque côté du cortège central, prévu pour être pacifiste et familial, se sont déployés deux autres cortèges avec black blocs utilisant projectiles et pyrotechniques pour déborder les forces de l’ordre en présence. Cette diversité des tactiques a permis qu’une partie du groupe accède à la bassine et envahisse le chantier pourtant bien gardé. La tournure que prennent actuellement les Soulèvements de la Terre [3] (réseau ayant appelé à l’action et l’ayant revendiquée) est donc une réussite d’un point de vue massification des luttes écolo. C’est la première fois depuis longtemps que les pratiques de sabotage et d’affrontement avec la police met autant d’activistes d’accord. Les mouvements plus modérés reconnaissent enfin l’importance d’actions offensives, la diversité des tactiques prend la place du traditionnel débat stérile violence ou non-violence. Et ça... c’est clairement mauvais pour l’État capitaliste, qui veut à tout prix éviter que les désordres rallient de plus en plus de monde.

Après l’attaque des méga-bassines du 29 octobre, une bonne poignée de médias se déchaîne ! On nous dénigre avec force dans Le Point, Paris Match, Marianne, Le Figaro, L’Express, Valeurs Actuelles... Mais pas n’importe comment : l’imaginaire et le vocabulaire de la guérilla, assimilée au terrorisme, nous présente comme des spécialistes de la violence, envahissant le mouvement écolo qui était « sain » jadis, car modéré et pacifiste... Cette diabolisation rappelle les tactiques contre-insurrectionnelles développées par les institutions politiques et militaires depuis la guerre d’indépendance de l’Algérie. On l’appelle la « DGR », pour doctrine de guerre révolutionnaire, et elle désigne toute une boîte à outils pour tuer les révolutions dans l’œuf, en coupant les rebelles du soutien de la population. L’analyse qui va suivre se base donc sur un parallèle entre la rhétorique propagandiste des médias cités plus haut, et la pensée issue de la DGR, encore bien présente à l’esprit de la classe dirigeante française.

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Note

(article trouvé sur Numérozéro.info)

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