Justice d’exception, justice fasciste

Le 30 mai, Guillaume Peltier (vice-président LR à l’Assemblée) proposait de créer une justice d’exception sans appel, quitte à passer outre les institutions de la République par voie référendaire. Loin d’être un simple dérapage, cette déclaration traduit une réelle volonté fasciste.

De quoi Guillaume Peltier est-il le nom ?

Guillaume Peltier, député et vice-président du groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée nationale, a une idée : « créer une justice exceptionnelle, sans appel possible : la Cour de Sûreté de la République, avec trois magistrats spécialisés. » Une idée qui n’a pas manqué d’embarrasser ses collègues et le camp macroniste, qui parviennent de moins en moins à se démarquer du Rassemblement National.

Cet étonnement est une farce : Guillaume Peltier est passé par le Front National de la Jeunesse (FNJ, actuel Génération Nation), où il a fondé la Jeunesse Action Chrétienté (chargée de recruter dans les rangs des catholiques intégristes), avant de rejoindre le Mouvement National Républicain (MNR, issu d’une scission provoquée par Bruno Mégret en 1999). Il a ensuite milité dans les rangs du Mouvement pour la France (MPF, fondé Philippe de Villiers, aristocrate nostalgique de l’Ancien régime adepte de la théorie du grand remplacement et de la guerre civile qui vient).

La proposition de justice d’exception soutenue par Guillaume Peltier ne sort pas de nulle part. La droite conservatrice n’est pas proche de l’extrême droite : les idées fascistes y sont déjà implantées, et défendues par des cadres dirigeants. Assez de fausses protestations et d’indignation mal jouée : le bateau a déjà pris l’eau, il s’agit désormais de le couler.

Un élément du programme fasciste

Non seulement la proposition de Guillaume Peltier illustre son parcours de petit sorbonnard fasciste, mais elle nous rappelle qu’aucun ravalement de façade ne pourra jamais effacer les liens entre nos ennemis mortels et ceux de nos ancêtres. Et pour cause, le projet que porte Guillaume Peltier est un projet profondément fasciste qui fait écho à l’action judiciaire du régime mussolinien, plus précisément au Tribunal spécial pour la défense de l’État .

Ce tribunal spécial était une Cour chargée de juger les délits commis contre la sécurité de l’État et du régime fasciste en Italie. Créé en 1926 par une loi portant sur des « mesures pour la défense de l’État », qui rétablit au passage la peine de mort, il était actif entre 1927 et 1943. Il était composé de 7 personnes, sélectionnées par le ministre de la Guerre : un président choisi parmi les généraux des différents corps d’armée (dont la milice fasciste, la MVSN [1]), cinq juges choisis par la milice fasciste, et un greffier issu du personnel militaire. Tous les historiens s’accordent pour dire que ce Tribunal spécial fut une des armes les plus efficaces pour écraser l’opposition au régime.

Où va la surenchère sécuritaire ?

Les médias de bloc bourgeois réactionnaire s’activent ouvertement pour rétablir la peine de mort, en donnant la parole à des raclures condamnées pour appel à la haine. Les flics militent pour qu’on leur octroie un permis de tuer et qu’on abolisse le droit au silence (so much for the présomption d’innocence). Face à la surenchère sécuritaire, le bilan de la justice d’exception fasciste doit nous alerter sur les perspectives concrètes du pouvoir, et sur l’ampleur de la politique carcérale que l’État est en capacité de mener contre les classes populaires et les mouvements contestataires.

En Italie, le Tribunal spécial pour la défense de l’État a jugé 5 619 personnes et en a condamné 4 596, en grande majorité des ouvriers. Il a promulgué 978 condamnations pour délit politique, 746 renvois vers d’autres tribunaux pour délits politiques et 293 renvois vers d’autres tribunaux pour sabotage. Il a ordonné 42 peines de mort, dont 31 exécutées, et 3 peines de travaux forcés à perpétuité. Au total, il a distribué 27 752 années, 5 mois et 19 jours de réclusion [2].

Le fascisme n’adviendra pas contre la République, mais bien par et dans ses institutions. Vouloir les conserver à tout prix, comme si elles étaient encore capables de « sauver » la démocratie bourgeoise de son évolution naturelle, traduit au mieux un idéalisme ignorant, au pire un opportunisme coupable.

Note

Article rédigé par le Groupe Révolutionnaire Charlatan : https://twitter.com/GRCpaname

Notes

[1Milice volontaire pour la sécurité nationale

[2A. Dal Pont, A. Leonetti, P. Maiello, L. Zocchi, Aula IV. Tutti i processi del Tribunale speciale fascista. Roma, Anppia, 1961, p. 548

Mots-clefs : extrême-droite | justice

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