Hong Kong : trois mois d’insurrection

Dans ce texte, des camarades anarchistes de Hong Kong proposent un résumé chronologique de l’insurrection en cours. Passant en revue ses succès et ses limites, ils s’attaquent à ses aspects citoyennistes et à sa foi en une régulation interne du système démocratique, éléments qu’on a pu retrouver en France chez une partie des Gilets jaunes. Les dynamiques conflictuelles à l’intérieur du mouvement sont aussi abordées, ainsi que les solidarités politiques qui font sa force face à la répression.

Le site Agitation autonome publie la traduction d’un second article sur Hong Kong, comprenant une chronologie des évènements et une interview d’un collectif anarchiste local.

« La lutte à Hong Kong s’est polarisée à l’échelle internationale. Certaines théories du complot sont déterminées à considérer toute forme de protestation contre le gouvernement chinois comme le fruit d’une machination orchestrée par les États-Unis, comme s’il était impossible pour les acteurs et actrices de la révolte de suivre leur propre agenda politique, indépendamment de calculs impérialistes. D’autres soutiennent le mouvement sans se préoccuper des mythes nationalistes et néolibéraux qui perdurent en son sein.

Les évènements à Hong Kong montrent comment un mouvement peut rejeter activement la légitimité d’un gouvernement, ses lois et sa police tout en conservant une foi naïve en d’autres gouvernements, d’autres lois et d’autres polices. Aussi longtemps que cette foi perdurera, le cycle est condamné à se répéter. Pourtant, les derniers mois d’insurrection à Hong Kong peuvent nous aider à imaginer ce à quoi ressemblerait une lutte contre toutes les formes de capitalisme, de nationalisme et d’État à l’échelle mondiale – et nous aider à identifier les obstacles qui nous séparent de l’émergence d’une telle lutte.

Historique des évènements

Vous pouvez trouver un historique plus détaillé ici. Si vous êtes déjà familier avec les évènements des trois derniers mois, passez directement à l’interview plus bas.

Juin 2019

Au printemps 2019, le gouvernement de Hong Kong introduit un projet de loi autorisant l’extradition de personnes arrêtées vers d’autres pays, dont la Chine continentale. Une manifestation massive et pacifique contre le projet de loi a lieu le 9 juin, attirant des millions de personnes. La semaine suivante, des internautes, sur le forum en ligne LIHKG, proposent que le mouvement emploie des tactiques de protestation économique — par exemple, le retrait collectif des comptes épargne et la grève générale. Ceci n’apparaîtra que bien plus tard.

Le 12 juin, alors qu’une réunion est prévue au Conseil législatif à propos du projet de loi sur l’extradition, les protestataires et la police s’affrontent autour du siège gouvernemental et de la tour CITIC. La réunion est suspendue. Les policiers tirent plus de 150 munitions de gaz lacrymogène et des balles de caoutchouc sur les manifestants et manifestantes, blessant de nombreuses personnes ; ils en arrêtèrent cinq, au motif d’émeute.

Alors que le gouvernement annonce le 15 juin que le projet de loi doit être suspendu, un manifestant fait une chute mortelle plus tard dans la journée. Dans le testament qu’il a laissé, il appelait au « retrait complet du projet de loi sur l’extradition, la rétractation du chef d’accusation d’émeute, la libération inconditionnelle des étudiants blessés, la démission de Carrie Lam ». À compter de ce jour, la plupart de ces revendications sont adoptées au sein de la lutte. Deux millions de personnes participent aux manifestations du lendemain, le 16 juin. »

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