Grève historique à Radio France, suite...

Quelques nouvelles après 20 jours de grève à Radio France.

On l’a déjà écrit, la grève est historique à Radio France.
Historique dans sa longueur, c’est la plus longue depuis mai 68 !
Historique dans son cassage des barrières à l’intérieur de la maison : il n’y a jamais eu une telle convergence entre les métiers (des agents de ménage aux producteurs stars en passant par les ouvriers, les musiciens, les réalisateurs...)
Historique dans le soutien de ses auditeurs qui se manifeste quotidiennement par leurs messages et leurs cadeaux aux grévistes. Et pour que la très démagogique Pascale Clark fasse une émission plutôt positive sur la grève jeudi dernier (en en profitant aussi pour la casser pendant deux heures), c’est qu’elle sait que les auditeurs la suivront.

Arnaud Contreras

En Vrac

Une semaine riche pour les grévistes.
Il y a eu une manif devant l’assemblée nationale.
Des producteurs "stars" de la maison ont réalisé une émission pour soutenir et expliquer le mouvement. Sa diffusion ayant été refusé par la direction, elle a été diffusée par le net.
Les locales en grève sont montées à Paris pour participer à la manif vers Matignon.
Tous les jours ou presque, les orchestres de la maison, dont les concerts sont annulés par la direction au dernier moment pour empêcher les musiciens d’être grévistes (et ce au prétexte de Vigie Pirate !), jouent en AG ou dans l’agora pour soutenir le mouvement.
La SNJ, grande absente de l’intersyndicale (ce qui explique que beaucoup de journalistes ne sont pas grévistes) a rejoint le mouvement vendredi dernier.
Des collectifs de métiers, ou inter-catégorie se montent pour échanger, témoigner, écrire des livres blancs, faire des propositions, réformer sans casser ni appauvrir.

Bref ça bosse dure chez les grévistes mais l’énergie ne faiblit pas grâce aux soutiens : SUD Rail, les gens des services publics espagnols, canadiens, les anciens de Fralib, de France Télécom, les fameux grévistes de la Poste 92... Et la caisse de grève a dépassé les 50 000 euros. « On va bientôt pouvoir se payer un bureau », rigole-t-on en AG.

Pourquoi débloquer ?

La direction a lâché de vagues broutilles en mode promesse (sur les externalisations et sur la verticalisation des métiers) mais n’a pas encore compris les revendications du mouvement et l’ampleur de celui-ci.
Les grévistes ne veulent pas de réduction de la masse salariale et encore moins de suppression de services (qu’il s’agisse d’un orchestre ou d’une chaîne). Et là-dessus, aucune réponse.
La direction a bloqué les négociations depuis lundi 30 mars. La tutelle (le ministère de la culture) l’a obligée à y retourner samedi. Mathieu Gallet n’a pas daigné venir préférant envoyer ses sous-fifres sans réelles nouvelles propositions.

La com’ de Mathieu Gallet coûte cher, et pourtant...

Depuis sa « courageuse » prestation face à l’assemblée au 2e jour de grève, et une réunion informelle avec la rédaction de France Inter, il ne s’est plus adressé directement aux grévistes. Par contre il communique. En interne d’abord.
Pratiquement quotidiennement, il envoie un mail à l’ensemble des collaborateurs de la maison pour leur dire qu’il est avec eux, qu’il a entendu la colère, qu’il a fait des propositions et qu’il faut maintenant retourner au travail.
Les "textos" [1] censés faire un point sur "le mouvement" ne relaient que la voix de la direction.
Et puis dans les médias : le Monde, LCI, et même sur ses propres chaînes jeudi et vendredi, instrumentalisant la radio publique et ses quelques journalistes non grévistes pour balancer son discours.

Son message est celui de tous les patrons dans ce genre de moment :
Le coût de la grève, « déjà 2 millions d’euros » selon lui. Pure propagande : la redevance [2] ne va pas baisser parce que la radio est en grève.
Et puis la menace du mouvement sur l’entreprise. « Radio France ne passera pas l’été si rien n’est fait » déclare-t-il. Il oublie que c’est lui qui veut tuer des orchestres, des chaînes, des employés...

Malgré son isolement dans la maison, au cours de ses interventions médiatiques, Mathieu Gallet s’est placé sémantiquement de leur côté en employant un « nous » pour parler des gens de Radio France. Comme si les personnels de la maison ronde se reconnaissaient en lui alors qu’il ne parle à personne et qu’il se fait désormais escorter lors de ses rares passages dans la maison de la radio.

Cette com’ de fin de semaine a été la goutte qui a fait déborder le vase. Vendredi, l’assemblée générale , qui jusque-là a toujours refusé de personnaliser leur ennemi, a voté une motion de défiance contre Mathieu Gallet qui sera apporté mardi au CSA chargé de faire et défaire les dirigeants de l’audiovisuel public.

Fuckink politiks

Du coté du gouvernement, on serait très content de voir la tête de Mathieu Gallet tomber. Fleur Pellerin emploie publiquement un vocabulaire ferme à son égard. Tout le monde s’accorde à penser que les infos sur le train de vie du PDG parues dans le Canard viennent de fuites gouvernementales. Ça serait une manière pour les socialos de mettre la pression sur le CSA pour qu’il nomme à la tête des services publics audiovisuels [3], quelqu’un de plus proche d’eux [4].
Mais au-delà de leur petite guéguerre, notre très chère classe dirigeante, quelque soit sa couleur, a le même projet. Fleur Pellerin a déjà montré dans ses déclarations que le gouvernement ne voyait pas d’autres alternatives à un plan social prévoyant la suppression de 380 postes (ce qui veut dire au moins 500 départs, vue que Radio France sera quand même contraint d’embaucher), voire à la suppression d’une chaîne (on parle de fusionner France Musique et FIP).

Quitte à rentrer dans le jeu de la politicaillerie, on se dit qu’un départ de Gallet permettrait à tout le monde de souffler. Les grévistes reprendraient le travail la tête haute sans avoir rien perdu pour l’instant. Ils auraient ainsi du temps pour mener à terme leur travail actuel de proposition globale pour un service public de la radio. Et d’être ainsi prêt à affronter un nouveau patron, forcé de marcher sur des œufs.

Sur le mur de l’agora de Radio France

Note

Pou se tenir au jus : Le Meilleur des ondes, collectif de grévistes a un blog et poste des sons ici. (Sont aussi très actifs sur les réseaux sociaux).

Les collectifs d’auditeurs se montent sur internet : une pétition et un Face de bouk.

À lire, la tribune des grévistes parue dans Le monde.

À écouter, une émission de la mégacombi de Radio Canut sur le mouvement.

Notes

[1bulletin d’infos internes envoyés à tous les collaborateurs de la maison

[2principale ressource de Radio France. Radio France coûte 26 euros par an à chaque foyer payant cet impôt. Ce qui n’est pas très cher pour 7 radios, 4 orchestres, etc.

[3Le CSA doit nommer dans les prochaines semaines le nouveau président de France Télévision

[4Mathieu Gallet est catalogué à droite suite à son passage dans les cabinets d’Albanel et de Mitterand sous Sarkozy

Mots-clefs : grève
Localisation : Paris 16e

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