Entretien avec quelques militant·e·s au sujet de la coordination informelle en prévision du G20

Traduction d’un article publié dans Rauch-Zeichen, Worte und Taten gegen die Welt der G20, brochure allemande sortie cet automne et publié sur Indymedia Nantes.

« Moin, Moin ! » [1] Fin de l’été 2016, plusieurs communiqués appellent à une coordination d’actions directes en vue du sommet du G20 à Hambourg. Vous y avez participé. Quelles étaient vos intentions et quelles perspectives offraient cette démarche pour vous ?

Chuzpe :
Il y a déjà eu, lors de différents grands événements des propositions similaires et des campagnes d’actions directes, comme lors du G8 d’Heiligendamm en 2007 ou dans le cadre de la Destroïka en amont de l’ouverture de la Banque Central Européenne en 2015 à Francfort. L’idée n’est pas très nouvelle. Partant d’une analyse anarchiste, je vois la nécessité d’une conflictualité permanente et je suis sceptique avec la mise en scène du théâtre politique, où chacun·e joue le rôle qui lui est attribué. À travers la focalisation sur un tel événement, les luttes quotidiennes sont souvent mises à l’écart. Mais en même temps, j’y vois aussi la possibilité que s’ouvre dans ces moments un terrain de tension, dans laquelle la portée de nos interventions peut s’amplifier. Pour cela, je trouve qu’un point de polarisation sur la pratique d’actions directes qui s’ancrent dans des luttes locales et se font référence les unes aux autres est une bonne méthode pour dissoudre cette contradiction et pousser à un processus dans la durée. Dans le même temps, la pratique d’actions directes dans la mobilisation donne aussi la possibilité de montrer cet outil de lutte, ce qui peut inspirer et motiver d’autres gens.

Peter-Pan :
Je pense que beaucoup d’actions qui ont eu lieu pendant l’année se situent dans des luttes spécifiques. Chaque lutte spécifique est très importante et possède sa propre légitimité, mais la mise en lumière de points communs se perd souvent. Pour créer une ambiance, mais surtout pour trouver des points communs dans les différentes stratégies et analyses, des points de repère sont importants. Ce qui se met très bien en place avec cette sorte de coordination. Des gens, des groupes, mais aussi des mouvements, qui ne se connaissent pas, peuvent, à travers une telle campagne, échanger et rentrer en contact.

HoodLum :
Le but était aussi de dépasser une campagne et d’arriver à créer des lignes à l’échelle européenne sur lesquelles on peut travailler ensemble. Des événements comme le G20 ont comme conséquence que les textes sont plus largement traduits et diffusés que d’habitude. À travers cela, il devient possible de trouver des affinités envers d’autres luttes ou structures et de se baser là-dessus. Par exemple, en ce moment, les actions contre la construction de nouvelles prisons en Suisse sont sûrement inspirées par la lutte qui a eu lieu en Belgique. On doit alors faire connaître nos idées ou au moins on peut les faire évoluer si on se rend compte que l’on n’est pas seul·e·s à les porter. Je crois que beaucoup de groupes cessent leurs activités, parce qu’ils ne voient pas immédiatement de résultats, ce qui propage le sentiment d’isolement et le manque de sens pour de telles actions directes. Des coordinations comme celle du G20 ou l’appel grec pour un « décembre noir », voire la plus vieille campagne anti-olympique, peuvent perdurer au-delà de l’événement, si elles sont suffisamment approfondies.

Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de choses qui se sont faites écho en amont du G20 ou de points communs entre différentes luttes ?

Peter-Pan :
Bonne question. Le G20 était probablement lui-même le plus grand point commun, ce qui explique aussi pourquoi, après ce genre d’événement, se manifeste toujours un certain calme. Mais je crois que le contexte de la « campagne » contre le G20 a crée la possibilité que différents groupes se focalisent sur un même sujet. Jusqu’à maintenant, chaque groupe portait différentes positions. Maintenant, avec la coordination, une position commune était portée avec différentes tendances. Un des points communs les plus évident est sûrement le choix de l’action directe, ce qui montre l’incompatibilité avec les règles de l’État et les valeurs de la société. C’est sur cette base que l’on s’est rencontré.

Chuzpe :
J’ai eu l’impression qu’il y avait un fort besoin d’une dimension internationale, ce qui est aussi assez évident avec un thème comme le G20. Un point de repère, qui s’est dégagé assez vite après les premières actions et qui s’est manifesté dans le choix des cibles, dans les analyses tout comme dans les recherches a été les attaques contre des grandes entreprises, qui sont connues comme étant des profiteurs de guerre, qui bénéficient du diktat de la Troïka sous direction allemande. Ceci pourrait aussi être vu comme la continuité d’un discours qui a déjà été mis en valeur en amont de l’ouverture de la Banque Centrale Européenne à Francfort. À côté des entreprises de merde comme Cosco, Telekom Hochtief, Deutsche Bank, Allianz et d’autres qui profitent des privatisations en Grèce, des multinationales comme ThyssenKrupp, Thales, Actemium, Sodexo et beaucoup d’autres ont été prises pour cibles. Ce que je trouve intéressant, c’est le référentiel international qui s’est développé. Ça crée la possibilité d’échanger sur d’autres luttes ailleurs dans le monde et surtout d’élargir des terrains de luttes respectifs. Par exemple, il y a eu en solidarité avec la ZAD une voiture de diplomate français incendié tout comme il y a eu, en solidarité avec des prisonniers grecs un commissariat qui a vu sa façade noircie par les flammes.

HoodLum :
Qui suit avec attention les textes venant d’autres régions remarque, par exemple, que l’industrie de la sécurité privée est, mondialement, de plus en plus pris pour cible, tout comme les sabotages contre la fibre ou les antennes augmentent. Il y a souvent, dans ces textes, des sous-entendus qui font référence à ce qui se passe en Allemagne. Et vice-versa. Ça, c’est la condition qui permet la possibilité qu’un jour, des gens se rencontrent aussi réellement et que des discussions orales puissent avoir lieu et que d’un point de vue stratégique, une sorte de direction commune puisse être trouvée. De plus, celles et ceux qui ont participé à ces actions directes en amont du sommet, et qui pour une partie était également présent·e·s à Hambourg, sont naturellement la cible d’une pression politique dans leurs régions et villes de la part des ennemi·e·s politiques de gauche. En Italie ou en France, il y a déjà eu plusieurs fois des affrontements en manif avec les syndicats et leurs services d’ordre. En Grèce, il y a des embrouilles sur les objectifs ou les temporalités des actions. Les dissociations et les points de rupture après Hambourg rendent plus simple le fait de trouver des contextes dans lesquels il y a du commun. Cela signifie que l’on a voulu aussi renforcer cette tendance que certain·e·s nomment nihiliste ou insurrectionnelle, bien que ces formulations ne soient pas adaptées. À travers le communiqué de l’attaque du commissariat Zografou (à Athènes), on peut voir que certain·e·s ont repris à leur compte l’appel d’attaquer quelque chose dans leur ville. Je trouve ça chouette.

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Notes

[1Expression de la région d’Hambourg pour dire « Salut ! »

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