Editer la parole des prisonniers et des prisonnières, rencontre croisée avec Les éditions du bout de la ville et le journal L’Envolée

Rencontre à la librairie Quilombo, mercredi 20 septembre avec l’équipe des éditions du bout de la ville et L’Envolée, journal d’opinion des prisonniers et des prisonnières.

La librairie Quilombo met en avant les éditions du bout de la ville depuis quelques mois. L’équipe des éditions du bout de la ville présentera son travail d’édition sur la prison ainsi que le comité de rédaction de L’Envolée, journal d’opinion des prisonniers et des prisonnières en France depuis plus de 20 ans.

Quel est le sens politique de la publication et de l’édition de paroles de prisonniers et de prisonnières ?

Que signifie censurer une telle parole ?

Cette soirée sera notamment l’occasion de revenir sur le numéro 57 (juin 2023) de L’Envolée qui raconte et analyse les censures de l’administration pénitentiaire - notamment les trois numéros de L’Envolée publiés depuis deux ans.

Présentation des éditions du bout de la ville par la librairie Quilombo (extrait) :

" Les éditions du bout de la ville font également la part belle aux textes de prisonniers et de prisonnières. Il y a un véritable paradoxe social de la prison : elle est à la fois un angle mort de la société, une oubliette moderne que personne ne veut regarder en face, et dans le même temps il n’y a jamais eu autant de prisonniers et de prisonnières, autant de proches de personnes incarcérées, donc autant de personnes touchées par la prison. Depuis le Groupe information prison en 1972 et le Comité d’action des prisonniers (CAP), il existe une pensée critique extrêmement puissante qui s’élabore derrière les murs des prisons, par les prisonnières et les prisonniers eux-mêmes, qui ne s’est jamais arrêtée jusqu’à aujourd’hui. En 2017, les éditions font paraître Ça ne valait pas la peine mais ça valait le coup. 26 lettres contre la prison d’Hafed Benotman. Ce dernier était l’un des fondateurs de L’Envolée, le seul journal d’opinion écrit par des prisonniers et des proches de prisonniers en France, auquel participent plusieurs membres des éditions. Ce magnifique livre est un recueil de lettres, de textes et d’interventions de ce braqueur-écrivain-prisonnier qui nous a quittés en 2016. En octobre 2021, à l’occasion du quarantième anniversaire de l’abolition de la peine de mort, ils éditent La peine de mort n’a jamais été abolie, dits et écrits de prison choisis par L’Envolée. Dans ce livre au titre explicite, des prisonniers et des prisonnières racontent avec une impitoyable lucidité le quotidien mortifère de l’enfermement – isolement, absence de soin, suicides, morts « suspectes » – mais aussi la solidarité et les mouvements de protestation.

En 2022 sort Sur la sellette. Chroniques de comparutions immédiates, de Jonathan Delisle et Marie Laigle. Pendant un an, les auteur·e·s ont pris place dans la salle 4 du tribunal de Toulouse pour observer et chroniquer les procès en comparution immédiate qui s’y tiennent. Cette procédure expéditive, qui s’applique potentiellement à tous les délits, voit les accusé·e·s jugé·e·s en quelques minutes. C’est une justice à l’os, débarrassée de tous les apparats qui peuplent nos imaginaires de « Justice ». On y voit des grands bourgeois envoyer en prison à la chaîne des personnes appartenant aux classes les plus défavorisées de la société, qui n’ont aucun espace pour se défendre ou faire entendre les raisons qui ont pu les amener à sortir de la légalité. La justice de classe s’y montre à nu. Les récits d’audience rassemblés dans le livre sont éloquents et dévoilent, dans un style sec, factuel, la fonction essentielle de l’appareil judiciaire : enfermer les pauvres."

Lire la suite : https://librairie-quilombo.org/l-editeur-du-moment

L’Envolée n°57, édito, juin 2023 (extrait) :

"Le ministère de la Justice a interdit fin janvier 2023 la diffusion du journal en détention (le n°56, cette fois), et saisi des exemplaires dans les cellules des abonné·e·s. C’est la troisième fois en deux ans : le ministère avait déjà interdit la diffusion du n° 52 en janvier 2021 à cause d’un dossier consacré au décès de plusieurs prisonnier·e·s, et au printemps 2022, une note nationale avait privé tou·te·s les prisonnier·e·s de la lecture du n° 55 en raison de « propos diffamatoires à l’égard de l’administration pénitentiaire » ; il s’agissait encore de passages dénonçant le caractère mortifère de la prison. Éternel retour… Les offensives de la censure – officielle ou officieuse –, c’est toute l’histoire de l’AP avec L’Envolée.

Qu’on se batte contre la torture blanche des quartiers d’isolement, qu’on dénonce le mythe de l’impossible « réinsertion » après la peine, qu’un média de gauche enquête sur les conditions indignes de telle ou telle prison, au fond, le maton de base, il s’en tamponne le coquillard : c’est pas lui qui est visé, c’est son administration, c’est le droit, voire la société… Lui, il peut se dire qu’il y est pour rien. Mais dénoncer les fouilles abusives, l’arbitraire des placements au mitard, attaquer les violences des collègues, écrire que la violence et la déshumanisation sont les fondements structurels de la prison, ça, ça les froisse, les bichons.

C’est pas d’hier qu’on le dit ; et ça leur a jamais plu, comme en témoignent les censures, retenues de journaux et plaintes qui émaillent l’histoire de L’Envolée depuis sa création en 2001. La nouveauté, c’est que cette vérité de base, « la prison tue », commence à émerger de plus en plus dans le débat public, et que des liens se tissent avec celles et ceux qui dénoncent d’autres violences d’État – notamment celles des policiers. La nouvelle bordée de censures administratives dont notre petit canard fait l’objet prend un poids particulier au moment où l’on voit, d’un côté, des familles s’organiser pour se battre suite à la mort d’un proche en prison, et de l’autre, des syndicats de matons obtenir toujours plus de reconnaissance et de moyens. Quand les porteurs d’uniformes d’obédience fasciste sont de plus en plus influents et organisés. Bien sûr qu’ils n’ont jamais aimé que ce qu’ils font au fin fond des quartiers d’isolement ou des mitards soit révélé et dénoncé ; mais ils se sont donné de plus en plus de moyens de faire pression pour pas que ça se sache."

Lire la suite : https://lenvolee.net/lenvolee-57-est-de-sortie-special-censure/

Localisation : Paris 20e

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