Comment vaincre la répression patronale, même sans faire partie d’un syndicat

Texte du site « Terrains des luttes » sur les lutte dans la restauration aux états unis. Chronique d’une résistance dans le néo liberalisme ambiant...

Aux États-Unis, comme en France, la répression patronale ne touche pas seulement les syndicalistes, mais aussi les simples salariés quand ils essaient de faire valoir leurs droits. Dans ces situations, quelques constantes apparaissent pour riposter efficacement : ne pas agir seul sur son lieu de travail, disposer d’un appui extérieur et d’une expertise juridique solide, mobiliser des soutiens pour protester publiquement et rendre visible le problème… Exemple avec le cas d’un restaurant à Santa Fe, Nouveau Mexique.

Lorsqu’on travaille sans protection syndicale, il peut sembler impossible de se mobiliser pour des conditions de travail meilleures, de crainte d’être licencié. Mais Somos un pueblo unido (Somos), un centre de travailleurs au Nouveau Mexique, est en train de mettre au point une méthode afin d’aider les groupes de travailleurs, aussi petits soient-ils, à améliorer leurs condition de travail, tout en évitant la répression patronale.
Le principe ? Les travailleurs volontaires forment un comité, se mettent d’accord sur la stratégie à adopter et s’engagent à prendre des risques ensemble. Somos les aide à mettre au point leur stratégie, pour qu’ils bénéficient de la protection des lois fédérales et du soutien de la communauté.
Carlos Campos était employé depuis sept mois dans un restaurant à Santa Fe lorsqu’il a formé un comité avec deux collègues. Les vingt-neuf autres employés du restaurant, parmi lesquels des mères célibataires, avaient peur de grossir leurs rangs, de crainte de perdre leur emploi. Par le passé, chaque fois que Carlos et ses collègues avaient exprimé des revendications à propos de leurs conditions de travail, le patron leur avait répondu : « La porte est grande ouverte. Vous pouvez la prendre ». « On savait qu’on devait s’organiser », explique Carlos. Pour sa première action publique, le comité a remis au patron du restaurant une lettre où les employés exprimaient leurs revendications, en particulier le paiement des heures supplémentaires, le respect de la pause déjeuner ainsi que la suppression de l’obligation d’assister à une réunion mensuelle sans aucune rémunération. Le patron les a licenciés tous les trois sur le champ. Mais ce licenciement n’était que le début du combat …

Vaincre la peur

En effet, Carlos et ses collègues étaient protégés par la loi. D’après la section 7 du National Labor Relations Act, les travailleurs de la plupart des secteurs – qu’ils soient syndiqués ou non – ont le droit de « mener des actions concertées, afin d’obtenir la tenue de négociations collectives, ainsi que d’autres formes d’aide mutuelle ou de protection. »
Le concept d’action concertée signifie que deux employés ou plus décident d’agir de concert, pour obtenir une augmentation ou une amélioration de leurs conditions de travail. Néanmoins, de récentes décisions de justice ont établi que ce concept pouvait également s’appliquer à un seul travailleur, s’il agit au nom d’un groupe.
Si les travailleurs sont victimes de représailles patronales, le National Labour Relations Board (NLRB) peut donner l’ordre au patron de leur « rendre ce dont ils ont injustement été privés. »
Mark Gaston Pearce, président du NLRB a écrit en 2012 : « Nous pensons que la protection des actions concertées est l’un des secrets les mieux gardés du National Labour Relations Act, notamment en ces temps de crise économique. »
Sur les conseils de Somos, Campos et ses collègues ont immédiatement pris deux décisions : ils ont déposé une plainte auprès du NLRB et ont organisé une grosse manifestation devant le restaurant. Leur histoire a aussitôt été relayée par les médias locaux. En quatre mois, Carlos était de retour à son poste. Le NLRB avait ordonné à son patron de le réintégrer et de lui restituer les salaires non versés. Son patron a ensuite instauré des pauses déjeuners, a mis fin aux réunions non rémunérées et a procédé au paiement des heures supplémentaires. « Les employés auront toujours peur et les patrons en jouent. » dit Carlos. « Mais nous avons des droits et nous entendons les faire respecter. »
Le comité de Carlos a dû affronter un licenciement. Mais selon Somos, la plupart du temps, les patrons n’opposent pas la moindre résistance. Mener de telles actions peut être un moyen rapide de redonner confiance aux travailleurs et d’obtenir des résultats concrets.

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