Comment le pouvoir politique supporte la culture du viol et de l’inceste

Petit historique de la Ciivise. Article de Manif’Est

Janvier 2021 : #metooinceste :

Le livre de Camille Kouchner, La Familia Grande, dénonce l’inceste commis par son beau-père Olivier Duhamel sur son frère. L’impact de ses révélations lance une vague de témoignages et de polémiques intenses. Sous l’impulsion de #NousToutes, le mouvement #metooinceste est créé. Des milliers de témoignages sont diffusés en deux jours. Face à cette vague, le gouvernement est contraint de créer la Ciivise : Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles Faites aux Enfants.

Composée d’une vingtaine de membres, elle inclut des professionnel.les (droits, santé), des survivantes et des associations de victimes. Son mot d’ordre : « on vous croit ».

La commission se déplace alors dans toute la France organisant des rencontres et mettant en place un numéro afin de donner la parole aux victimes d’inceste. Elle met en avant des milliers de témoignages de personnes concernées, martelant l’omniprésence de la problématique (10% de la population en France directement concernée).

Assez vite, la commission prend position sur des sujets qui dérangent. Un des premiers rapports intermédiaires s’intéresse à un des cas d’inceste : celui des enfants incestés dont les parents sont divorcés. Elle vient en soutien aux mères d’enfants incestés qui cherchent à les protéger (https://www.ciivise.fr/les-travaux-avis/avis/). De nombreuses personnes témoignent des problématiques avec la justice auxquelles elles ont été confrontées. Le plus souvent ce sont des femmes divorcées. Au « mieux », le système judiciaire n’a pas reconnu les faits alors classés sans suite. Dans le pire des cas, elles sont elles-mêmes poursuivies pour avoir essayer de protéger leur enfant en refusant de l’amener chez l’agresseur. Ce délit, dit de non-représentation, oblige effectivement les mères à présenter leur enfant à l’autre parent en cas de garde alternée. Car aujourd’hui encore, le pouvoir des pères est bien plus important que l’intégrité physique d’un enfant.

En novembre 2023 : le rapport final de la CIIVISE est publié. Plus de 700 pages, dont certaines parties ont un prisme antipatriarcal :

Ce n’est donc pas l’incapacité physique ou mentale de l’enfant, justifiant sa particulière vulnérabilité, qui fonde l’enfance en elle-même, mais la domination patriarcale. Car la domination tient au pouvoir du patriarche, du père, et non à la nature du dominé.

Malgré des félicitations d’usage et l’énorme travail déployé par la CIIVISE, aucun membre du gouvernement n’est allé à la présentation de ce rapport rendu publiquement le 20 novembre 2023. Il est vrai que c’était un investissement temporel important, plus de 5 heures. C’est le minimum quand on rapporte trois ans de travail, d’analyse, et 30 000 témoignages.

82 recommandations sont portées par la commission, réparties en 4 axes : repérage, traitement judiciaire, réparation incluant le soin et prévention des violences sexuelles dont :

  • Suspendre de plein droit l’autorité parentale, ainsi que les droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant.
  • Suspendre les poursuites pénales pour non-représentation d’enfants contre un parent lorsqu’une enquête est en cours contre l’autre parent pour violences sexuelles incestueuses.
  • Prévoir, dans la loi, le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant.
  • Organiser le repérage par le questionnement systématique des violences sexuelles auprès de tous les mineurs et auprès de tous les adultes par tous les professionnels.
  • Garantir la prise en charge par la solidarité nationale de l’intégralité du coût du parcours de soins spécialisés du psychotraumatisme

Beaucoup de recommandations qui peuvent sembler légitimes – voire provoquer des réactions du type “WTF, comment ça ?!! Un parent accusé de viol sur son enfant a des droits de visite ?” – sont pourtant très radicales et remettent en question le fonctionnement du système judiciaire. Comment va réagir le gouvernement ? Va-t-il appliquer toutes ces recommandations sans sourcilier ? Aligner les billets ? Évidemment non, personne ne s’y attend. Va-t-il fermer la commission pour faire taire ces individus gênants qui ont l’outrecuidance de faire leur taf ? Non plus, l’agenda politique ne permet pas d’agir aussi grossièrement. Il préfère tenter d’autres stratégies, à peine moins subtiles, pour renvoyer au silence toutes les victimes d’incestes.

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