Pour Le Parisien, l’affaire du tireur fou relance la polémique sur la vidéosurveillance :
Ce sont les images de son visage, capturées par les caméras de vidéosurveillance, qui ont permis l’arrestation d’Abdelhakim Dekhar, le « tireur » du journal « Libération », de la Société générale, à La Défense, également suspecté de l’agression d’un journaliste de BFM TV. Pourtant, au lendemain de son interpellation, la polémique autour de la politique menée par la Ville en matière de vidéoprotection fait rage. Et les « réticences » autrefois affichées par Bertrand Delanoë, une fois encore pointées du doigt par la droite parisienne, qui revendique un dispositif plus étoffé dans les rues de la capitale.
D’autres avaient commencé, dans les premières heures de cette véritable chasse à l’homme, à se moquer de l’inefficacité des caméras pour identifier et retrouver immédiatement un homme seul dans Paris, fût-il armé. Comme ce membre du Parti Pirate sur le Huffington Post :
Depuis vendredi matin, un homme armé d’un fusil à pompe fait des aller-retour dans Paris. Un coup chez BFM, l’autre chez Libération. Parfois, il tire. Pour s’échapper, il prend le métro.
Une fois de plus, la vidéosurveillance fait preuve de son inutilité la plus totale face à des actes criminels. Pour les automobilistes « vidéoverbalisés », c’est autre chose.
Dans ce récit surréaliste, notre homme a même pu faire un tour à la Défense avant de prendre une Twingo qui fait le buzz sur les réseaux sociaux (Arnaud Montebourg s’en réjouit déjà).
Après une prise d’otage finie sur les Champs-Élysées, le tireur a pris les transports en commun. Depuis, il « court » toujours, même si on a plutôt l’impression qu’il se promène tranquillement.
Ou encore sur les réseaux dits « sociaux », véritables amplificateurs de parano ce jour-là :
Voici le nombre de caméras surveillance à Paris, mais à part ça, ça fait 3h que le mec est en cavale, au calme... pic.twitter.com/91OI362H8b
— Feyz (@FeyzBelha) 18 Novembre 2013
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Encore heureux qu’on ne puisse pas être immédiatement retrouvé par le réseau de caméras ! Une critique de la vidéo-surveillance dont on peut douter de l’efficacité, comme le note cet autre article. Les partisans de la vidéo-surveillance ont alors beau jeu de réclamer l’augmentation du nombre de caméras ou l’amélioration de leurs capacités.
Mais cette traque nous renseigne surtout sur autre chose : les capacités réelles des caméras municipales installées à Paris.
Nous avions déjà sur le wiki de sous-surveillance abordé le sujet des capacités techniques des dômes municipales à Paris.
Nous avions émis quelques suppositions sur leurs portées. La préfecture de police de Paris a diffusé une image (ci-dessous) issue des caméras municipales lors de l’affaire dite du « tireur fou » (les autres ayant été prises par un réseau privé, celui de BFM, ou de la RATP, à la pointe du flicage).
Nous avons cherché à savoir quelle caméra pouvait avoir été utilisée pour cette image, pour en mesurer la portée.
Tout d’abord le lieu de la photo est situé près de la rédaction de Libération au croisement rue Dupetit-Thouars et rue du Temple comme le montre cette vue sur Google StreetView.
Pour la caméra : d’après la carte, la caméra utilisée serait celle du 89 rue de Turbigo [1]. Sa zone de surveillance potentielle est affichée en rouge ci-dessous.
Après une mesure approximative sur le site map.meurisse.org nous en arrivons à une distance d’environ 100m, ce qui confirmerait ce que nous avancions sur le wiki.
Cette mesure inquiétante montre que les caméras parisiennes sont déjà bien assez efficaces ! Presque un portrait robot à 100 mètres. Et alors que les promoteurs de la vidéosurveillance n’ont pas encore réussi à mettre en place ici les dispositifs flippants comme ceux de New York ou d’Oakland [2].
Face à la vidéo-surveillance, à nous de savoir en quoi elle consiste pour mieux la combattre et la contourner, à nous de dénoncer le projet paranoïaque de société qu’elle porte, mais aussi ce qu’elle permet déjà : elle est surtout efficace pour repérer des groupes de personnes, des manifestant-e-s par exemple.
Si les capacités de surveillance des institutions ou des entreprises privées sont réelles, elles ne sont pas encore omnipotentes, et le combat est loin d’être perdu. À condition qu’on se saisisse du sujet avant que les surveilleurs ne gagnent encore du terrain.
De cette affaire, on retirera ainsi qu’une casquette permet déjà de rendre difficile l’identification par la vidéo-surveillance : le « tireur fou » a finalement été balancé par une personne à laquelle il s’était confié. À l’ancienne.
A. & C., participants au projet Sous-Surveillance.