Burkinophobie et racisme. Ce qu’il faut dire !

Août nous a offert un nouvel épisode d’une interminable série française, saison été 2016. D’abord, des maires ont inventé des règlements saugrenus qui prétendaient décider de qui avait le droit d’aller à la plage. De qui était habillé de manière adéquate, respectueuse de la morale publique, de la laïcité.

Car certains vêtements avaient un lien évident avec ces « terroristes-qui-nous-font-la-guerre ». Ensuite, Valls en a rajouté dans le délire paranoïaque, comme d’habitude, affirmant que la République était menacée par un projet de contre-société fondé sur l’asservissement des femmes et qu’il nous fallait défendre nos valeurs et nos libertés (mais pas celles des manifestants ou des grévistes qui réclament des nouveaux droits sociaux, bien sûr). On a aussi vu défiler commentateurs, chroniqueurs, experts, des coutumes et des sociétés, mais surtout des religions des autres. Des hommes pour la plupart, promus spécialistes et juges des vestiaires féminins, et devenus soudain féministes, mais du féminisme qui sait avec certitude ce qu’est l’émancipation et qui est prêt à l’enseigner à celles qui ne le savent pas, si besoin par la force.

Comme lors des épisodes précédents, un morceau de tissu déclenche une nouvelle « croisade laïque », car le laïcisme français est devenu chose sainte. Et une fois de plus, la guerre vise le corps des femmes, objets du voyeurisme collectif et d’un débat dont elles sont largement exclues.

Il y a donc des choses qu’il faut dire.
Il faut dire que le débat est vicié dès le début par une représentation rance de l’Islam comme ennemi, qui se reproduit tout le temps dans les rhétoriques politiques et qui fournit un alibi à des mesures de “sécurité” et à une logique de guerre dignes de l’état d’urgence.
Il faut dire donc qu’il s’agit de racisme et que c’est un racisme d’état.
Il faut dire que l’islamophobie fait que certaines mosquées ont été ciblées après les attentats, que des filles ont été privées de leur droit à l’instruction, que des femmes ne peuvent pas accéder aux emplois qu’elles veulent, que des mères ne peuvent pas accompagner leur enfants pendant les sorties scolaires. Et qu’après tout ça, elles doivent encore se laisser faire la leçon par des gens qui ne les considèrent jamais comme des interlocutrices, qui les méprisent et les enferment dans le même espace privé dont ils prétendent vouloir les libérer.
Il faut dire que le racisme structurel qui sévit en France fait que noirs et arabes sont discriminés par les employeurs, insultés par les médias et par les politiques, et pire encore, ciblés et tués par la police sans que justice ne soit jamais faite.
Il faut dire que ce soi-disant féminisme, blanc, bourgeois et bien-pensant, qui prétend enseigner aux autres comment on devient libre parce qu’ils sont trop bêtes pour le savoir, reproduit la même oppression patriarcale et paternaliste qu’il prétend combattre.
Il faut dire qu’à tout ça s’ajoute une bonne quantité de colonialisme envers les citoyen.ne.s non désiré.e.s, qui produit une fois de plus une stratification sociale et porte le conflit sur des bases identitaires créées ad hoc.
Il faut dire que c’est très dangereux qu’une partie de la soi-disant “gauche” paraisse légitimer, ne serait-ce que par son silence, ce discours d’une rare violence.
Il faut dire que toute libération est un processus collectif, qui émerge par la rencontre de subjectivités qui s’auto-déterminent par cette même rencontre, entre discours qui ont la même dignité. Et cela est exactement le contraire de s’auto-proclamer libérateurs des autres.
Il faut dire qu’il n’y a pas à choisir entre antiracisme et antisexisme car ces deux batailles nous appartiennent.

Dans une période où l’on cherche par tous les moyens à nous diviser, c’est un effort collectif, celui de défendre et développer des espaces communs de discussions entre subjectivités en lutte. Des espaces où partager des expériences, élaborer de nouvelles stratégies et favoriser la contamination de pratiques qui puissent alimenter toutes nos batailles.

Des camarades que vous avez croisé sur les pavés

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