Pacifistes, réveillez-vous ! Réponse à « À bas les pacificateurs »

Ce texte est une réponse à l’article « À bas les pacificateurs » paru récemment sur notre site d’information préféré. Si les membres du RAS [1] n’étaient pas présent.e.s lors des événement décrits dans l’article, il s’agit avant tout de discuter du message véhiculé par l’article, tant par le fond comme par la forme.

Il est peut-être important de préciser que ce texte n’est pas le texte d’un collectif « pacificateur », mais bien d’un collectif convaincu de la nécessité de l’action violente contre les infrastructures, et tout obstacle visant à en assurer la sécurité.

Sortir du positionnement révolutionnaire caricatural

Il est grand temps de sortir du positionnement révolutionnaire caricatural « nique les réformistes/légalistes », opposé au positionnement légaliste par excellence « nique les casseurs ». Vu les conditions actuelles d’urgence sociale et écologique, il est grand temps d’unir les forces, ne serait-ce que temporairement, pour en arriver à une situation plus raisonnable. Nous disons raisonnable, car soyons honnêtes le chemin est long pour la gôche (la vraie, celle qui n’a jamais gouverné) dans la France d’aujourd’hui (et nous parlons de la France parce que c’est le seul pays dont nous maitrisions un tant soit peu finement la situation politique).
Sortir de cette binarité et prendre le temps d’une réflexion plus stratégique évitera de taper violemment (verbalement) ce coup-ci contre de potentiels alliés, si ce n’est camarades, en les traitant de « fils de chien » publiquement, quand celleux-ci se font rares. Sortir de cette binarité évitera ce genre de posture qui font sortir des phrases grandiloquentes du type « la non-violence s’arrête précisément là où un génocide commence », qui ne veulent pas dire grand chose. Comme il est facile de taper sur les camarades avec qui l’on est pas d’accord.
Pour faire bref, nous pensons ici que les postures révolutionnaires et celles de pureté militante face à son propre camp et dans nos cercles sont contre-productives.
Pour faire re-bref, nous avons besoin d’action, sous quelque forme qu’elle soit, et nous pensons qu’il en existe une large palette.

S’il faut détruire il faut aussi construire

S’il faut tuer pour détruire, il faut pardonner pour construire. Dès lors, comprendre que la phrase « Vigiles, ouvriers de la sécurité » est tout sauf dénuée de sens devient crucial. N’oublions pas que s’il est des âmes perdues qui aiment à exercer la violence contre leur congénères, l’alimentation en personnel de notre chère institution policière, de la gendarmerie et autres services de sécurité repose également sur des mécanismes systémiques de précarisation de l’emploi, et de capture sociale (bizutage, appartenance au groupe, reconnaissance sociale) des individus parfois animés d’intentions tout à fait louables mais peu clairvoyants sur la réalité des choses (cf. https://emmaclit.com/2018/05/28/lhistoire-dun-gardien-de-la-paix/ ou le témoignage correspondant). Si tout les flics sont des chiens, il existe une hiérarchie qui garantit que tous le soient ou qu’ils dégagent.
Alors sortons de la binarité et soyons plus fins dans notre analyse : s’il est des humains impardonnables, n’oublions pas qu’une grande majorité peuvent l’être et ne faisons pas taire celleux qui veulent pardonner et rassembler même s’iels sont parfois aveugles de n’avoir jamais rien subi.
Car si notre mouvement révolutionnaire oublie les compromis nécessaires à la paix dans la diversité, il se perd dans les limbes du totalitarisme.

Quelle stratégie adopter face au pacifisme ?

Partager les expériences

Nous pensons que s’opposer frontalement au pacifisme publiquement et dans nos cercles est contre-productif. Cela n’aura pour effet que d’éloigner de potentiels alliés, qui nous le répétons, se font rares en ces temps, n’en témoignent le nombre de personnes dans le cortège de tête lors du 1er Mai dernier ou la fréquentation des manifestations pour la liberté et contre le génocide du peuple palestinien.
Nous pensons qu’il faut mettre le pacifisme de notre côté, ou en tout cas, une certaine forme de pacifisme, celui au moins qui partage nos idées, et prend le temps de se mobiliser pour une cause qui lui semble juste. Nous ne parlons pas du pacifisme de celleux qui luttent pour conserver l’ordre établi, et qui ayant tout « [sont] pour la paix », pour paraphraser un grand discours.
Nous pensons que pour cela, il faut laisser au pacifisme l’occasion de se convaincre du bien fondé de l’action violente. Pour cela les exemples ne manquent pas, on pourra penser aux brigades anarchistes de la CNT-FAI en Catalogne et Aragon pendant la guerre d’Espagne, au Black Panther Party, à la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, aux groupes armés révolutionnaires du Rojava ou l’EZLN, etc., etc. On évitera soigneusement d’utiliser des exemples impliquant des visions du monde radicalement opposées à la gauche, qui sont celles de groupes armés comme le Hamas (cf. ce regard critique).
Les vécus de toustes seront également précieux, on connaît toustes l’histoire d’un.e camarade impliqué.e dans une action déterminée.

Résoudre le dilemne

Quand bien même les pacifistes seraient-ils convaincus, cela amène à résoudre une injonction en premier lieu contradictoire : comment un mouvement/collectif pacifiste peut-il soutenir publiquement un mouvement/collectif violent. Cela ne fait en effet pas de sens au premier abord.
Nous pensons que des stratégies permettent de sortir de cette contradiction et permettent une véritable alliance des mouvements pacifistes et d’action violente.
La première stratégie consiste à sortir de la dialectique de l’opposition entre le mouvement pacifiste et le mouvement d’action violente : on n’est pas obligés de prendre position sur telle ou telle action, ou entrer dans le jeu du condamner/ne pas condamner. Bien sûr, cette stratégie est difficilement tenable si la personne en face devient insistante (typiquement un journaliste ou un pote relou).
Cela amène à la seconde stratégie, qui consiste à condamner en adoptant une analyse pseudo-rationelle de la situation : on cherchera dans ce cas à expliquer, dire que l’on condamne mais que l’on comprend ces violences comme étant le fait de violences systémiques subies, dire que bien que cela soit regrettable cela est inévitable puisque les gens s’y voient obligés, etc. Cela revient à nuancer un discours qui condamne officiellement la violence, sans pour autant la justifier.
La troisième stratégie, que l’on pourrait appeler celle du double discours, consiste à adopter un discours officiel public qui condamne la violence tout en soutenant implicitement au sein de nos cercles nos camarades engagé.e.s dans l’action violente, qui sont celleux qui prennent en plus le plus de risques. Cette dernière stratégie permettant de tenir un discours public consensuel ’nous condamnons la violence’ qui n’est pas mal pris par les concernés puisqu’iels savent, au fond qui sont leur alliés.

Aux pacifistes ne comprenant pas ces stratégies et qui persistent dans le dénigrement de l’action politique violente, ou pire s’y opposent dans nos cercles et publiquement, nous conseillons une retraite paisible loin du tumulte politique, et leur souhaitons une longue vie et une mort heureuse, loin de la faim, des bombes et des canons.

Aux autres pacifistes, nous disons : réveillez-vous !

RAS (Réseau Anarchiste de Solidarité)

Notes

[1Réseau Anarchiste de Solidarité

À lire également...