Témoignage d’un dérapage policier

Témoignage anonyme d’une scène surréaliste survenue la nuit du 29 au 30 novembre 2015, révélatrice selon nous du sentiment d’impunité des forces de l’ordre sous l’état d’urgence, et de la fascisation de leurs méthodes.

« L’incident que je vais relater ici s’est déroulé dans la nuit du 29 au 30 novembre dernier, au cours de mon transfert du commissariat de la rue de l’Evangile vers celui de la rue de Clichy, dans le 9e.

Nous avons été informés de notre destination (le comico du IXe) dès notre sortie de « grande » cellule, rue de l’Evangile. Et c’est important, car cela caractérise un mensonge proféré plus tard par un policier.

Accompagné de deux camarades (Matthias et George), nous avons été installés à l’arrière d’un monospace de la police nationale, sur la même banquette. Je suis monté en premier dans le véhicule, je me situais donc à gauche sur la banquette. George était au milieu, et Matthias sur la droite, c’est à dire près de la porte coulissante du véhicule. La configuration du véhicule est donc la suivante : deux flics à l’avant, deux flics sur la banquette du milieu, et nous trois à l’arrière.

Difficile, y compris pour le professionnel de la route que je suis, de qualifier le style de conduite adopté par le chauffeur du monospace. Ce qui est certain, c’est que l’intégralité du trajet a été effectuée gyrophare allumé, sirène quasiment en continu, et à (très) grande vitesse. Ajoute à ça mon sens de l’orientation défectueux, résultat, quand le véhicule s’est arrêté et que la porte s’est ouverte, j’étais incapable de dire où je me trouvais. Pareil (je crois) pour mes deux camarades. On était égarés.

Bref. La porte s’ouvre, donc, et nous voyons apparaître un flic en chemise blanche d’uniforme, armé d’une petite mitraillette. Il est entouré de deux subalternes (en blouson bleu d’uniforme) qui, durant les quelques minutes qu’a duré la scène, n’ont pipé mot.

Le flic commence par dire à ses collègues qu’il aime bien parler avec les gauchistes, que ça l’amuse, et s’approche de Matthias. Il place le canon de son arme à quelques centimètres de la bouche de mon malheureux camarade, et commence (je restitue les paroles de mémoire, en gros, quoi) :
« T’as peur ? Tu devrais pas, t’as rien à craindre. L’arme que tu as dans la bouche n’est pas dangereuse. Les AK47, oui, c’est dangereux, mais ça, tu vois, c’est du matériel de merde. Alors t’as rien à craindre. Mais ça va bientôt changer. Grâce à votre président Hollande, grâce à vous (les gauchistes) en somme, nous aurons bientôt du nouveau matos, et là, je te promets que ça va défourailler. Là, tu auras de bonnes raisons d’avoir peur. »

Puis s’adressant à nous trois :

« Vous dites que vous êtes des écolos ? Vous manifestez pour sauver la planète ? Les vrais écolos, c’est nous ! Moi je suis écolo, moi je veux sauver la planète. Comment ? Mais en arrêtant d’acheter du pétrole aux arabes, pardi ! Vous vous dites écolos, mais vous serez les premiers à nous faire chier si les arabes meurent de faim parce qu’on cesse de leur acheter du pétrole. Alors que nous, on en a rien à foutre que les arabes meurent de faim. Voilà pourquoi nous sommes les vrais écolos… »

Fin de la scène, la porte claque aussi furtivement qu’elle s’était ouverte, et le pilote remet les gaz en déclarant : « c’est dommage, y’a pas de place pour vous ici, on va devoir vous emmener au comico du 9e ».

Nous avons interpellé les flics présents avec nous dans le véhicule sur les propos tenus par leur collègue. Avec plus ou moins de conviction ou de dégoût, ils ont tous défendu leur collègue, et ont tous essayé de justifier ses propos.

Finalement, nous sommes bel et bien arrivés à destination : le commissariat de la rue de Clichy, où nous avons terminé notre GAV avec trois autres camarades. »

PS : Les noms ont été modifiés.
Nous invitons les personnes qui se reconnaîtraient dans la description des faits à prendre contact avec nous afin de reconstituer au mieux le déroulement de la scène, et à envisager quelle réponse y apporter à l’adresse suivante :
saint-denis@alternativelibertaire.org

Mots-clefs : violences policières
Localisation : Paris 9e

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