Une petite analyse militaire du 9 avril

Parce qu’il convient de rappeler que nos luttes avancent quand la police recule.

Parce qu’il convient de rappeler que nos luttes avancent quand la police recule, que nos conquis sociaux ne s’arrachent que quand le risque insurrectionnel fait trembler les genoux des dominants, Il est peut-être temps de compiler ici quelques considérations d’ordre stratégique et militaire de la manifestation de ce 9 avril :

Tout d’abord : le 9 avril, place de la Nation, de 17h00 à 19h00, peut-être faut-il commencer par dire cela : assurément, les forces de répression ont pris une branlée.
La flicaille qui avait tenté de prendre position sur le kiosque à Nation a été repoussée très efficacement, on lisait la surprise (sinon la peur) dans leurs yeux, de perdre si vite du terrain, la scène leur était grotesque : non seulement la situation les a amenés à se déployer sur un monticule planté, en hauteur (peut-être pour être visible des copains qui leur balançaient des objets en tout genre ?) mais leur déplacement vers l’arrière pour se replier était tout à fait entravé par les arbustes plantés, révolutionnaires peut-être eux aussi, qui les empêtraient sérieusement, et qui les menaçaient, à tout moment, de s’éclater au sol et de rompre les lignes de la milice du capital.

Les 2 formations de CRS alors prises à partie reculaient en direction de l’avenue Dorian, où étaient en position quelques 60-80 CRS, plus lourdement équipés, qui verrouillaient la nasse à l’embouchure de la place de la Nation.
Le dispositif de nasse policière de l’avenue Dorian a continué à être la cible d’un caillassage nourri de la part des manifestants-es, même une fois les deux formations de CRS repliées en son sein.

Les deux formations de CRS en mauvaise posture, en train de se replier vers l’avenue Dorian (photo par Taranis News)

Le dispositif policier de la nasse à ce moment s’est révélé tout à fait inefficace à disperser les manifestants qui le canardaient ; multiples charges avortées, suivies de replis (plusieurs crs sont tombés au sol tout seul à ces occasions), grenadage au cougar, lacrimo en tir tendu, tir de grenade de dés-enserclement et ce pendant presque 2 heures, un feu nourri de la milice du capital qui n’a, ni dispersé les manifestants-es, ni réduit au silence la réponse en jet de projectiles, qui s’est faite à base de pétards, de bouts de macadam, de grilles d’arbres, et même d’un feu d’artifice.

La seule chose qui a sauvé la ligne policière, c’est … le sens du vent.
Les forces manifestantes avaient le vent en face, un vent du sud-ouest.

Un vent qui dispersait les gaz lacrymogènes vers les manifestants, vers le centre de la place de la Nation.
Il suffisait dès lors de saturer l’air de gaz lacrymo, pour que l’air devienne absolument irrespirable, que la brume formée soit telle qu’aucune visibilité de manifestants ne soit possible.
Et c’est précisément ce qui s’est passé.
Le taux de dioxygène est tombé en dessous de 21%, même les masques à gaz des manifestants ne permettaient plus de se protéger efficacement des lacrymos.
La place, littéralement noyée sous les gaz, a même vu ses sous-sols contaminés : Couloirs du métro impraticables : la Ratp bloque ses trains pendant une bonne heure au moins.
Ainsi, la pacification sociale et politique de ce 9 avril n’a été ni l’œuvre d’une stratégie militaire poussée (plusieurs ratés sont à dénombrer d’ailleurs), ni d’une compétence de grenadage particulière, ni d’un système avancé de charges successives, il aura suffi de gazer au maximum la place. (Je vous rassure : ça n’a pas été fait exprès, les groupes de CRS du kiosque n’avaient pas du tout l’intention de concentrer les tirs des manifestants, et la fixation au point sud-ouest de la place est un hasard total : les décideurs CRS et GM sont bien trop cons pour ça.)

Les risques liés à la situation propre au 9 avril :

  • Le gaz lacrymogène, quand la concentration augmente avec la multiplication des tirs, (comme ça a été le cas) est extrêmement nocif, il comporte du CS et du monoxyde de carbone, il est possible de faire des crises respiratoires sérieuses, un risque lié à sa sécurité, même doté d’ un masque à gaz (pas tous, certains sont totalement hermétique), est à considérer (garder son calme est nécessaire, la panique est mauvaise conseillère.)
  • le brouillard et le larmoiement des yeux amoindrit la visibilité du côté manifestant, il est plus compliqué de réagir face à une charge de crs, et donc des dégâts au corps-à corps sont à considérer, voir des interpellations au hasard.

Le sens du vent (si le vent est assez fort) est un facteur déterminant, un vent qui rapporterait les gaz lacrymogènes vers les rangs des crs n’est pas un « bonus », mais un élément de combat non négligeable, non seulement ils seront contraints de mettre leur masque à gaz, une opération longue, et fastidieuse quand on est en équipement intégral, et (l’incapacité de poser le bouclier), mais également, qui peut les plonger dans le brouillard total (si ils insistent à tirer de la grenade lacrymo), ce qui a pour effet immédiat qu’ils ne peuvent plus utiliser efficacement le LBD40 (grand-frère du flash-ball) ni les grenades de dés-encerclement, puisque les manifestants deviendront invisibles à leurs yeux.
Un autre effet intéressant, est qu’une fois plongé dans un épais brouillard, la capacité de réaction face à un projectile ne dépasse pas quelques millisecondes, la montée de bouclier en cas de projectile se produira trop tard, rendant les projectiles plus dangereux, et les boucliers moins efficaces.
Les gaz lacrymogènes sont également des gaz à haute capacité inflammables et sont susceptibles de stimuler une source d’ignition : une formation de Gendarmes Mobiles ou de CRS noyée sous les gaz sera nettement plus sensible à des jets de fumigènes, de feu d’artifices, ou de cocktails Molotov.

Ce qui aurait été préférable de faire :
Il est facile à froid de donner des indications et bien plus complexe de les appliquer en réalité, (d’autant plus que concernant ce cas-ci, c’est les provocations policières qui sont à l’origine du caillassage initial, et non d’une organisation en amont.) mais quelques idées exposées ici ne coûtent rien, et peuvent donner davantage d’impact pour une prochaine fois :

  • s’attaquer à la ligne opposée sur la place de la Nation, Avenue de Taillebourg, ou bien Avenue du Trône, pour obtenir un vent favorable, et donc obtenir une ligne CRS affaiblie par ses propres lacrymos.
  • pratiquez un dispositif de défense à partir de petites d’équipes en bouclier de 15-25, qui permettent de s’approcher des lignes de la milice du capital pour rester à portée de tir à la main (le 9 avril, 70% à 80% des tirs s’écrasaient devant eux, la faute à une impossibilité de les approcher a découvert, et à l’urbanisme contre-insurrectionnel Haussmannien.)
  • Rester en mouvement latéral, en équipe, sans jamais croiser les trajectoires de tirs amis.
  • organiser le renvoi des palets de lacrymogènes vers les lignes ennemies, c’est le nœud du dispositif de neutralisation des autres armes de la milice du capital. (arrêtez d’essayer d’attraper les palets à la mains, même avec des gants, ils sont brûlants, c’est fait exprès, tirez les au pieds avec des bonnes chaussures, ou avec une crosse de hockey, ils iront plus loin.) Ne pas tirer les palets sur ou derrière les lignes des milices de répression, les tirer devant elles, pour que le vent se charge de les gazer et de leur brouiller la vue.
  • Tirer les projectiles à ignition une fois que les milices se seront gazer toutes seules et qu’elles sont noyées dans un brouillard, les effets seront décuplés.
  • rester concentré sur les mouvements des autres formations de la milice du capital qui entourent la place, qui pourrait tenter de briser leur ligne de nasse pour aller aider leurs collègues, qui prendraient vraiment cher si toutes ces conditions étaient réunies.

Enfin, on ne le dira jamais assez : protégez-vous : gants : genouillères, coudières, boucliers fait maison, casques, masques à gaz, foulards, maalox, désinfectant, lunettes de ski, la police ne vous tape pas parce que vous avez « débordé » mais parce que vous manifestez, on ne compte plus le nombre de manifestants qui se font péter la gueule gratuitement, alors peu importe vos objectifs en manifs, protégez-vous !

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