Un « nouveau nomadisme » de tous les dangers en plein Paris

Il est sept heures. Près du Port de l’Arsenal, les Parisiens s’activent déjà comme des automates dans un désordre mécanique. Les automobilistes foncent, les cyclistes klaxonnent et zigzaguent, les piétons se pressent en tentant de survivre aux plus forts.

Non loin de là, les travaux gigantesques dans les rues voisines de la Gare de Lyon provoquent déjà un bruit assourdissant et une poussière qui envahit les bronches – au cas où la pollution de la capitale ne suffirait pas à les saturer.

Sur le trottoir d’un boulevard, sous un arbre, deux petites tentes d’infortune, l’une d’un blanc virant au gris et l’autre d’un bleu fatigué, restent parfaitement immobiles, indifférentes à l’agitation extérieure. Sur un coin de gazon ayant résisté farouchement au bitume, elles semblent flotter dans un autre temps, un monde à part.

Tout en étant à la merci de la violence extérieure.

Non loin de là, un homme d’affaire au costume impeccable et gris s’énerve en tentant de faire marcher un horodateur récalcitrant. Il reste bouche-bée et s’enfuit à toute jambe lorsqu’il voit surgir d’une des tentes, une tête, puis deux, puis trois… Toutes ébouriffées.

Visiblement ces têtes lui semblent menaçantes. Ou peut-être ne veut-il pas réaliser que dans ce monde où il vit, un monde de voitures puissantes, de costumes haut de gamme et de déjeuners d’affaires, existent aussi des familles avec enfants forcées de vivre à même les pavés parisiens. Et ce non loin de la Bastille, symbole républicain de la lutte populaire contre l’injustice des puissants s’il en est.

Car ce sont bien deux jeunes couples avec l’un quatre enfants en bas âge et l’autre trois enfants plus âgés, dont une adolescente-brindille, qui ont émergé des tentes les uns après les autres. Habillés avec goût et soin, comme s’ils sortaient d’un hôtel trois étoiles. Seules les coiffures hérissées et les visages éprouvés laissent entrevoir la dureté de la vie à la rue.

Mais sans prendre le temps de s’apitoyer sur leur sort, les deux familles s’affairent. Les deux jeunes femmes peignent avec soin leurs longs cheveux noirs et les nouent en chignons. L’adolescente a emmené la marmaille avec elle un peu plus loin et occupe tout ce petit monde, qui, dans les rires comme dans les cris, montre une énergie parfaitement insensible à la peur du lendemain...

Repris du site Dépêches Tsiganes

Localisation : Paris

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