Trouver une occupation

Appel des salles universitaires occupées en Île de France

A l’heure où nous écrivons ce texte, il y a quatre salles dans les universités d’Île-de-France qui ont été arrachées aux autorités universitaires. Nous aimerions raconter ici cette vague d’occupations, et proposer quelques pistes pour la suite.

Le déchaînement de violences policières, la capture de la question politique par des élections présidentielles plus ridicules que jamais, exigent que nous nous constituions en force d’affirmation. L’expérience du mouvement contre la Loi travail nous a démontré l’importance et la difficulté que nous avions à trouver des espaces d’organisation et de rencontres qui se tiennent à distances des partis politiques et des syndicats. C’est dans la rue que s’est déployée une entité multiforme où chacun-e apprenait à créer sa place. Le cortège de tête nous a permis de nous voir, de nous rendre compte de notre puissance, et aussi de mettre-en-lumière les limites que nous avions à franchir.

La mobilisation des dispositifs antiterroristes pour empêcher toute forme d’activité politique devient trop grossière pour être tenue par les présidences d’université ; creusons cette brèche. Nous ne rentrons pas chez nous, nous prenons des espaces, nous tissons des complicités inédites : c’est cela que permet la prise d’un lieu commun. C’est peut-être également cela, le premier geste d’une ingouvernabilité en acte. Nous avons des histoires à nous raconter, des savoirs à partager, des actions à envisager et à mener. Sans écarter la possibilité et la pertinence possible de blocages et d’occupations totales des facultés et d’écoles supérieures (ce ne sont pas les raisons qui manquent), les occupations de salles sont pour le moment envisagées à partir du désir de trouver et d’affiner une rythmique commune. Un jaillissement qui contraste avec le bruit permanent de cette immobilité fulgurante que constituent la temporalité et l’ordre normal des choses.

Ce que nous voulons dire, c’est que ces occupations veulent répondre à des besoins concrets, urgents, en constituant des espaces de vie commune, et que c’est depuis celle-ci que nous envisageons la lutte politique. Nous pensons qu’une lutte sans commun en partage est une lutte mortifère et sans doute perdue d’avance. Notre imaginaire est nourri par les zad, où la défense offensive que les habitants mettent en place pour contrer les expulsions est à la hauteur de la qualité de vie qui s’y expérimente patiemment et intensément. Il importe peu que l’espace libéré soit grand, nous partons depuis là où nous sommes, depuis l’endroit que nous habitons, avec les forces que nous avons. Comme disait Archimède « Donnez-moi un point d’appui, et je soulèverai le monde ».

Face à l’évidente absurdité de l’organisation de ce monde, trouver du sens dans une vie partagée est un point de départ pour la conjurer. Si les occupations se déploient, c’est parce qu’il est aujourd’hui plus sensé de passer du temps à nous rencontrer, à discuter, à voir des films, jouer de la musique et en écouter, imaginer des actions, nous saisir de quoi faire des repas et des fêtes ensemble, que de vouloir « devenir quelqu’un » dans une société aussi misérable.

Nous voulions raconter de façon sommaire ce qu’il se passe dans nos facs à l’heure actuelle. Mais aussi et surtout, nous aimerions faire un appel : multiplions les occupations, dans toutes les facs, dans tous les lycées, dans tout lieux de passage. Constituons, sans attendre, une constellation d’espaces ingouvernables. Pour le moment, ici, nous tenons : Spring is here.

Assemblée inter-fac d’Île-de-France

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