Tout bloquer, sauf la convergence des luttes

Beaucoup se plaignent d’une certaine confusion associée au mouvement BloquonsTout. Certain·es proposent des mesures. Mais résumer la colère en quelques revendications serait mettre l’orage en bouteille, alors qu’il faut déchaîner la tempête. Contre Macron et son monde.

Les raisons de la colère

L’idée du 10 septembre a germé dans des sphères obscures, plutôt conspi, déjà pour des questions de ras-le-bol. Mais le mouvement a rapidement été investi par la gauche radicale, qui l’a transformé en revendications sociales. Le budget Bayrou, la suppression de jours fériés et d’autres raisons (très bien résumées sur indignonsnous.fr) fédèrent une grande part de la population contre ce programme de casse sociale, et ont suffi à mettre en marche la mobilisation.

Mais ces quelques mesures impopulaires ne sont en fait que la goutte d’eau qui fait déborder le vase, pour reprendre l’expression cynique qu’Édouard Phillipe avait employé devant des étudiant·es de l’ESSEC. Si les gens sont si remontés, ce n’est pas que pour des raisons économiques. Il y a un déni de démocratie permanent depuis plusieurs quinquennats. Essayons de faire une petite liste des décisions imposées : loi Duplomb malgré +2 millions de signatures, résultat des législatives bafoués, réforme des retraites malgré une opposition de 9 salarié·es sur 10, 49.3 à la chaîne, écrasement des gilets jaunes... Arrêtons nous là [1]. Mais souvenons nous que les syndicats ont plusieurs fois perdu des luttes proprement imperdables.

Ce ras-le-bol ne porte pas que sur des questions économiques : le soutien au génocide, la criminalisation des luttes écologiques (comme à l’A69), l’abandon des classes populaires à la misère, le soutien à l’internationale fasciste, et l’escalade vers une guerre mondiale thermo-nucléaire. Bref, un capitalisme en phase terminale avec qui nous disparaîtrons si rien n’est fait.

Que proposer ? Pour l’instant : rien

Des assemblées populaires proposent déjà dans leurs tracts certaines mesures. Des meilleurs services publiques, retour de l’ISF, hausse du pouvoir d’achat, parfois le RIC. Mais comme exposé précédemment, arrêterions-nous vraiment de lutter si on obtenait quelques miettes ? Quelques « conventions citoyennes » qui seront allègrement ignorées par la suite ?

Et qui décide des mots d’ordres ? Les plus habitué·es à parler, comme toujours, qui sont aussi celleux qui par leurs méthodes sclérosent les luttes depuis des années ?

Il y a une quantité infinie de mécontentements qu’il faudrait lister. Essayer de les ordonner sur des petits tracts ne va générer que des guerres de chapelles stériles qui vont paralyser le mouvement et le couper d’une grande partie de la population. Alors qu’il faut élargir l’horizon.

Cahiers de doléances

Le but de ce mouvement n’est pas l’élaboration d’un programme. Mais rester dans la négation n’est pas suffisant : il faut proposer des choses, mais quoi ?

Les cahiers de doléances sont une option intéressante. Pas pour les faire remonter à nos bons souverains pour qu’ils se torchent avec, mais pour recueillir les revendications des personnes mobilisées, et voir des axes communs surgir d’eux-mêmes. Encore une fois, le site indignonsnous.fr travaille très bien cette idée. Il ne faut pas sous-estimer le nombre de primo-militant·es, qui se mobilisent pour la première fois de leur vie, et qui ne doivent pas se voir confisquer leur colère. Le mouvement social ne se décrète pas : il se construit sur le temps long.

La piraterie n’est jamais finie

Pour finir, ne nous concentrons pas seulement sur notre petit hexagone. La flamme de la contestation brûle aussi au Népal, en Serbie, en Indonésie et ailleurs. Le symbole du drapeau pirate de One Piece est d’ailleurs repris internationalement. N’oublions pas les USA, que les fascistes au pouvoir peuvent faire basculer à tout moment dans la guerre civile. N’oublions pas non plus Israël, qui ne se « défend » que par l’attaque, mais que la pression internationale (ou simplement les blocages de containers d’armes en France) pourrait faire flancher.

Et si la mobilisation actuelle se transformait encore, cette fois-ci en une grande convergence des luttes ? Gilets jaunes, écologistes, défenseur·euses de la cause palestinienne, jeunesse, sans-papiers, universités et syndicalistes côte-à-côte, uni·es par chacunes de leurs luttes infructueuses. Une puissance qui fait trembler le pouvoir. Rien n’est joué, nulle part.

Notes

[1Salomé Saqué a d’ailleurs très bien analysé la situation dans une vidéo pour Blast.

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