Tout acte de désobéissance est un devoir

Récit d’une manifestante suite à la manifestation du 29 novembre, place de la République. Le témoignage a été reçu par mail et ne portait pas de titre. Le titre est extrait du texte.

J’étais présente à la manifestation dimanche dernier, le 29 novembre.
Je suis partie après avoir entendu la “deuxième sommation”, car il me paraissait de toute façon n’avoir rien à faire face aux flics excités d’être de sortie et d’avoir été lâchés en armes sur du petit gibier.

Si je ne me suis pas sentie complètement défaite et en colère, après être repartie, puis avoir entendu par quels mensonges dérisoires les médias, police, pouvoir politique, étaient en train de légitimer les violences, c’est bien parce qu’il y a eu quelques uns pour entreprendre de leur latter la face et me donner un peu satisfaction et, surtout, de l’espoir. Cela, je pensais utile de vous le dire, et de l’expliquer, après avoir lu l’article où vous dites avoir reçu des critiques des manifestants soucieux de montrer leurs intentions pacifiques et d’apporter une voix légitime.

C’était la première fois que je me rendais à une manifestation, parce qu’habituellement je ne voyais jamais qu’il se dessinait clairement un camp du bien. Cette fois-ci le discours du pouvoir a exploité avec une impudence sans réserve le massacre de novembre pour faire appel en chacun aux plus abjects et mornes soucis de conservation de soi, dans le but pur et simple de soumettre la société tout entière, au moment même où sa faiblesse ne faisait désormais plus aucun doute.
Il importait de masquer la vérité sur ce massacre, il importait de réprouver qu’on cherche à le comprendre, il importait que l’État prenne l’apparence de la force alors que son incapacité à garantir la sécurité des gens venait d’être dévoilée, il fallait transformer le choc, la perte, l’interrogation, en affolement impuissant : ça aurait pu être moi, se disait-on, ça pourrait l’être encore, je n’ai qu’à remettre mon entière confiance dans le plan d’action militaire et sécuritaire de l’État pour croire encore en ma propre survie si menacée.

Dans le même temps se préparait la Cop 21.
En interdisant la manifestation, en interdisant de se déplacer tout court, semblait-il, pendant la durée de l’événement, le pouvoir politique dirigeait à nouveau les consciences de chacun à avoir pleinement foi dans sa capacité à ralentir ou à amoindrir la destruction de l’humanité et des autres espèces de vie qui habitent la terre.

C’est ainsi qu’en l’espace de quelques jours, le pouvoir a achevé de me convaincre qu’il n’était là que pour se conserver au prix de la destruction de toutes choses. Il ne fait aucun doute d’après moi que le principal souci qui l’agite, ce sont les élections.

Pour ces raisons, je pense que tout acte de désobéissance est un devoir aujourd’hui, ainsi
l’exemple des personnes qui ont essayé de se battre contre la police a fait que je ne cède pas au renoncement.

Fraternellement,
Une manifestante

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