« Toi tu la fermes le paillasson » : un contrôle policier du samedi soir ça ressemble à ça !

Chronique d’une soirée veille de jour férié ou même au bar tu arrives à te faire couvrir d’insultes par un flic visiblement vraiment républicain du 20e arrondissement.

Je me trimbalais de bar en bar un soir de 13 juillet dans le 20e avec des copains et des copines. On était passé·e·s au bal des Gilets jaunes ou l’ambiance était vraiment très détendue et très sympa et puis on a décidé de bouger vers 21 ou 22h.
On se retrouve donc ensuite au bal du PC du 20e, place des Rigoles et puis sur un bar de la rue des Pyrénées. Vers 23 heures, on voit des choses qui se passent assez ordinairement. Une équipe de flics déboule sur la rue des Pyrénées et course des gens. On devine assez vite qu’ils viennent du bal des Gilets jaunes. Je me permets de dire au flic, qui pointait tout le monde avec son LBD de se calmer. La réponse sera à la hauteur de la soirée : « Toi ta gueule ! » Ce n’est qu’un début.

Du coup au coin de la rue, on devine que des gens se sont fait arrêter. Je laisse ma bière sur le zinc et je me dis que je vais aller voir ce que ça donne avec une copine. Quand on arrive, on retrouve des gens qui pleurent à cause des gaz.
Une personne nous dit qu’une meuf vient de prendre un tir de flash-ball dans le dos à un mètre.

Les gens sont un peu choqués, mais y a pas trop de flics en vue. On remonte la rue des Rigoles pour voir et on devine des voitures de flics. Il y a en effet une équipe qui stationne. Deux jeunes hommes sont attachés par terre. Arrêtés. Bon j’espère qu’ils n’ont pas pris trop cher au commissariat, parce que vous allez voir, l’ambiance était assez tendue du fait de flics particulièrement en verve. Voyez plutôt.

Parmi les flics, un grand mec, cagoulé, environ 1m90, disperse les badauds qui regardent. Nous l’appellerons Gros Nounours (c’est ce qui le caractérise le plus, un monstre de gentillesse). Il dit assez clairement « Allez arrêtez de vous rincer l’œil ».
Forcément ça marche pas trop, les gens, dont nous, restent un peu. Bon en vrai ça n’a pas grand intérêt, c’est sûr, mais personne ne venait l’emmerder. Et du coup, il commence à faire de l’humour en disant : « C’est votre police républicaine qui vous le demande ». À ce moment-là, on comprend que c’est un peu du trollage. La suite nous prouvera bien qu’il n’était pas trop républicain.
Je me permets donc de lui glisser : « Bah dis donc en cagoule, la République, elle a changé hein ! » Bon, c’était la dernière fois que je faisais le malin, j’ai vite compris qu’avec ce genre de mec fallait pas trop appuyer.

Gros nounours me flanque donc sa Maglite (une grosse torche très puissante) dans les yeux et me dit : « Vous avez quoi monsieur ? Vous avez trop bu ? » Sa voix précise bien que je suis tombé sur le genre de mec qui manque d’humour sur sa personne.
Je ne réponds rien et il se permet d’ajouter d’un air triomphaliste (et toujours avec la Maglite dans la tronche) : « C’est vos impôts qui nous payent hein ».

Là je lui dis : « Bah les miens bof hein, je paye pas grand-chose ».
Et là, le show démarre et dépasse largement le contrôle de police. « Bah ouais vous payez rien, bande d’assistés. Faudrait se mettre à travailler » puis un petit « Sale crasseux ». Bon, évidemment Gros Nounours ne m’a pas demandé mon taf, tout ça tout ça.

Là, je commence à me dire que ça pue et je me casse avec la pote et il continue « Gros porc, salopard, bande de paillassons ». La copine qui est avec moi se retourne et lui dit : « Bon ça suffit, les insultes ». Il ne la regarde pas et lui dit : « Toi tu la fermes le paillasson ». Et là, il précise son corpus idéologique avec un « Je vous chie dessus, vous les gens de gauche. Je chie sur vous et vos convictions ! » Grand bien lui fasse. Mais bon la République, tout ça, c’est un peu oublié. Quoique pour lui, les pleins pouvoirs votés à Pétain, ça doit lui parler. Et ensuite au passage il continue avec un petit « Fils de pute » lâché comme ça.

Assez clairement, le mec cherche l’outrage pour arrondir ses fins de mois et surtout le gars a envie de se taper. Moi et la copine, on a suffisamment connu des affaires de meurtres policiers pour ne pas finir à se faire tabasser dans un fourgon. Et surtout, on n’a pas oublié que c’est Gros Nounours qui a le pouvoir. Voir le pouvoir dans de si tristes patounes, c’est désolant, mais bon, c’est la police en 2019 et ça a pas l’air parti pour changer. Il ne s’agit pas de dire que la police quand les syndicats était de gauche était meilleurs, mais en quelques années je n’avais jamais vu un contrôle comme ça, avec un flic qui exprimait si clairement ses opinion sans se faire recadrer. Tu sens bien que Gros Nounours est le prototype du gars qui a passé sa journée en patrouille à mater des sites fafs sur son smartphone en se chauffant tout seul sur l’invasion de l’Europe par les hordes de musulmans fanatiques/le lobby transgenre/le complot juif (barrez la mention inutile).

On pouvait espérer que ses collègues le calment un peu, mais bon c’est faire preuve de naïveté, ils ont au contraire repris sa phrase « C’est pour faire ce genre de taf que vous payez des impôts », hilares.
Amis de la justice et du fascisme bonsoir, comme disait l’autre.

Mots-clefs : violences policières | police
Localisation : Paris 20e

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