Témoignage pour la journée du 24 novembre

Récit en détail d’un périple qui commence par les Champs, passe par Madeleine, revient sur les Champs et finit dans le 16e arrondissement !

Je me suis rendu sur les champs vers 10h du matin afin d’une part d’être présent mais aussi dans une démarche syndicale et militante d’aller vers d’autres groupes qui ne viennent jamais dans les manifs « traditionnelles ».

Il est certain pourtant que des groupes d’extrême-droite sont présents et que des représentants des gilets jaunes sont plutôt à droite voir d’extrême-droite mais je pense qu’ils sont marginaux. La majorité des personnes viennent de province et aussi des quartiers populaires et expriment un ras-le-bol contre Macron.
Ce n’est pas définissable dans une grille de lecture schématique droite / gauche, c’est surtout une rage profonde d’injustice et d’envie d’en découdre contre le système. C’est presque un mélange sans-culotte / communard du XXIe siècle. C’est déconcertant et réjouissant à la fois.

Au sein de notre section syndicale CGT nous n’avons pas hésité à nous rendre dès le 17 novembre place de la Concorde avec notre banderole de 2016 « L’État ruine le peuple ». Le succès rencontré nous a surpris comme si le cortège de tête s’était transformé en quelque chose de nouveau et d’inattendu. Plus besoin d’appel syndical à manifester mais une liberté d’agir enfin.

Quel plaisir de marcher sans flics devant nous sur l’Assemblée nationale (à ce moment les flics n’étaient pas là…) puis vers l’Élysée et enfin de dresser des barricades rue de Rivoli. Cette sensation-là, nous avions tous bien l’intention de la revivre ce 24 novembre.

Le matin donc, comme prévu, l’attaque des flics sur le cortège provoque immédiatement des affrontements avec des jets de projectiles, charges de manifestants et de flics et dressage de barricades.
Durant cette matinée j’ai vu un groupe de l’Action Française (six personnes environ) avec un drapeau à fleur de lys mais franchement c’était assez pitoyable au milieu d’une foule immense d’enragés de toutes conditions et de toutes cultures. Ils étaient là mais bien en retrait lors de charges et montage de barricades (ce n’est pas trop leur culture de se mélanger avec une population en colère !).

Les flics nous repoussent à coups de lacrymos, canons à eau, grenades de désencerclement jusqu’à l’Étoile.
Un groupe de flics se positionne devant la tombe du soldat inconnu et attaque ceux qui souhaitent bloquer la circulation. Des affrontements éclatent dans les rues adjacentes.

Je décide alors de rejoindre mon local syndical pour qu’on puisse partir en groupe avec nos banderoles.
Nous rejoignons alors la Madeleine pour tenter de rejoindre Élysée. Un cordon de flics bloque la rue Royale. Nous essayons alors de forcer un barrage de flics rue du Boissy-d’Anglas sur le boulevard Malesherbes et de rejoindre la rue du faubourg Saint-Honoré. Beaucoup de gaz et de grenades contre nous.

Nous repartons vers la rue Royale et de nouveau des affrontements avec un dressage de barricades de chaque côté de la Madeleine avec un incendie d’un chantier sur le boulevard de la Madeleine. Les flics nous attaquent et dégagent le boulevard. Nous partons vers la rue Trronchet pour nous diriger vers les grands magasins. Une agence LCL et une boutique Fauchon sont attaqués. En tentant d’atteindre la rue des Mathurins tout en bloquant avec des barricades, la BAC nous prend à revers en nous attaquant violemment. C’est la panique et la fuite pour tous. Nous nous dispersons dans des rues adjacentes au boulevard de la Madeleine. Des personnes sont blessées par une charge policière devant une barricade rue de Seze.

Nous remontons ensuite par petits groupes vers la Madeleine où les affrontements continuent avec des barricades enflammées à présent.
Afin d’éviter d’être de nouveau pris à revers nous courrons sur le boulevard Malesherbes en dressant des obstacles pour attendre l’angle de la rue de la Boétie et prenons cette rue pour rejoindre les Champs. Superbe ambiance avec des slogans connus : ET... TOUT LE MONDETESTE LA POLICE. Les keufs nous suivent comme des mouches mais nous les tenons à distance grâce à la multiplication d’obstacles dans la rue de la Boétie.

Enfin nous arrivons sans encombre sur la « plus belle avenue du monde » ce soir-là en chantant la chanson de Joe Dassin !
Vision dantesque de l’avenue enflammée de barricades gigantesques. Même affrontements que le matin avec toujours lacrymos, grenades, flash-Ball et nos deux camions à canons à eau.
Deux choses me marquent. Un geyser d’eau (d’une bouche incendie) qui inonde une partie de l’avenue et des manifestants qui s’élancent dans le ciel nocturne, des ballons avec à l’intérieur une flamme. Mais nous reculons jusqu’à à l’Étoile et nous nous dispersons par petits groupes.
Je vais dans un groupe qui emprunte l’avenue Marceau et nous bloquons en incendiant un engin de chantier et en faisant venir une grande plateforme roulante de chantier.
Les flics guettent pourtant avec un hélico qui nous suit à la trace. Dans chaque petite rue du cette partie du 16e arrondissement des barricades et des incendies et la casse d’une agence bancaire Société Générale horrifient des bourges qui pensent être à l’abri de la populace en furie. Nous tournons vers la place Victor-Hugo et revenons vers l’Arc de Triomphe. Des charges de flics nous dispersent peu à peu… Et pendant ce temps là à Bastille cela bouge aussi.

Journée ahurissante, prévisible sûrement, et sans doute marquante pour tous. Une sensation commune de colère et de défouloir des sans dents contre cette population parisienne aisée et tellement macrocompatible !

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