Sur l’attaque des fascistes au sein de la manif des Gilets jaunes, et sur l’offensive fasciste en général

Une trentaine ou plus de fascistes ont attaqué un cortège du NPA au sein d’une des manifs de ce samedi 26 janvier. L’occasion de faire un petit point sur la présence de l’extrême droite dans le mouvement et son influence sur la société.

Les Zouaves, un groupuscule parisien d’extrême droite, issu des tribunes du Parc des Princes, qui fraie avec Génération identitaire, le GUD/Bastion social, l’Action française… Ils ont revendiqué l’attaque extrêmement violente contre un cortège du NPA au sein d’une des manifs de Gilets jaunes. La cinquantaine de fafs à fondu sur les personnes derrière la banderole avec matériel de chantier et pavés, qu’ils ont balancé sur les manifestants.

Plusieurs personnes ont été blessées, certaines hospitalisées.

D’abord, il s’agit d’exprimer notre solidarité la plus totale avec ces camarades blessé·e·s. Quels que soient les désaccords politiques que nous pouvons avoir avec le NPA, nous voyons très bien la place de ses militant·e·s aux côtés des luttes des prolétaires, et de l’importance de combattre, avec elles et eux, le fascisme - qu’il soit conquérant, comme ici, ou sournois avec sa propagande électoraliste ou sur Internet.

Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, les fascistes sont présents, virtuellement surtout, en manif parfois, et dans les têtes beaucoup. Une alliance opportune et stratégique s’est créée d’une majorité de fascistes, du Front national / Rassemblement national - en particulier ses jeunes comme Jordan Bardella, qui recycle les leaders de Génération identitaire - et les groupuscules éparpillés de l’extrême droite ultra violente.

Médiatiquement, l’extrême droite a fait son trou, à travers leur stratégie de dédiabolisation, et la faillite des partis de gauche à la nommer et à la combattre. Les « barrages » et fronts « antiracistes » républicains n’ont créé que des boulevards au FN et à leurs idées, représentant autant de voix à gagner en épousant leurs polémiques et leurs faux débats, à tel point que l’on a oublié que le FN a été créé par d’anciens collabos et SS, auteurs de crimes racistes sur les trois décennies qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre.

Idéologiquement ensuite. Les leaders de ces mouvements jouent les populos, mais ils se sont efforcés, à partir des années 2000, de refonder un terreau théorique et stratégique sur l’idée gramscienne de l’hégémonie culturelle. Prenant acte de l’échec de la « Nouvelle Droite » et ses théories racialisatrices alambiquées qui s’était cantonnée aux milieux bourgeois et au Figaro littéraire, les petits nouveaux ont développé un fascisme plus « populaire », porté par des notions pourtant foireuses comme « le grand remplacement », « la guerre de civilisation », « la France des périphéries ». C’est par exemple l’éditeur Ring, qui produira le corpus idéologique nécessaire au développement de ces idées, maniant les références de gauche et la complaisance avec le fascisme. Ses promoteurs ont des noms connus de tous, éditorialistes et auteurs de renom ou « subversifs », qui déversent jour après jour leur poison à petite goutte.

Sur Internet, l’extrême droite a pris une importance considérable. D’une part à travers ses stratégies de trolls, commentaires à répétition, sur-représentation sur les réseaux sociaux, les listes mails, ou sur les forums « apolitiques ». Ensuite à travers des sites qui drainent, avec des informations complètement bidonnées, souvent complotistes, un nombre effrayant de personnes. Fdesouche ou Égalité et réconciliation en sont la tête de proue la plus visible. Ces sites totalisent à eux deux près de 10 millions de visites mensuelles. D’autres font la basse besogne de colporter leurs fausses informations, le mensonge, leurs allégations complotistes. Cette composante est très présente au sein des groupes de Gilets jaunes sur Facebook.

Le 19 janvier, l’extrême droite la plus agressive a tenu un meeting, à Rungis, tentant de se fédérer sur une base antisémite. Étaient présents Alain Soral (rabatteur du FN), Yvan Benedetti (ex Œuvre française, plus ancien groupuscule antisémite de France, et collaborationnistes pendant la Seconde Guerre), Jérôme Bourbon (du journal antisémite Rivarol), Hervé Ryssen (ex FN et ex-Unité radicale, le groupuscule qui tenta d’assassiner Chirac, également négationniste convaincu) et des représentants de l’Action française (royalistes).

Sur le terrain. Les militants du FN ont largement investi les ronds-points et autres rassemblements de Gilets jaunes. La plupart en sous-marin. Certains ont été virés, d’autres y sont encore, profitant du postulat qu’il faudrait faire front contre Macron, qu’il faut de tout pour faire un peuple.
Aux manifs du samedi à Paris, d’importants contingents de fachos montaient régulièrement. Les fascistes et les royalistes se retrouvaient généralement tôt le matin à la place de l’Étoile, essayant de marquer le territoire et de faire le coup de force. La plupart essayaient de se fondre dans la masse, mais certains, comme l’Action française, n’hésitait pas à parader avec leur banderole « A bas les voleurs », le même slogan que la tentative de putsch en France, en février 1934, menées par les ligues factieuses trouvant le terrain politique européen favorable (Hitler et Mussolini étaient au pouvoir).
Plusieurs altercations ont eu lieu. Entre les fafs (l’Action française Yvan Benedetti, les Zouaves...) et les antifas revendiqués (l’Action antifasciste Paris-banlieue). Il faut dire que les fafs avaient menacé de tomber sur les cortèges formés autour du Comité Adama.
Plus tard, on a pu voir des figures du fascisme version mercenaire, avec un Victor Lenta mener le service d’ordre des Gilets jaunes, ou encore des militant·e·s syndicalistes de la CGT se faire agresser par des petits fascistes portant le gilet jaune.

Dans d’autres villes, les fascistes sortent du bois. Les agressions ont été fréquentes, en particulier contre les syndicalistes présents dans les manifs.

Les groupuscules fascistes sont portés par un contexte international qui leur semble favorable, multipliant les agressions, voire les assassinats ou les pogroms, comme au Brésil, en Italie, en Grèce, aux États-Unis…

Ces diverses attaques de groupuscules d’extrême droite pourraient sembler anecdotiques, mais elles sont le reflet de l’importance prise par l’extrême droite. Et les extrêmes droites, le FN comme les groupuscules, se renforcent mutuellement voire collaborent ensemble.

Le mouvement des Gilets jaunes n’est pas apparu sur des motivations fascistes. Ce coup de rage contre des situations sociales impossibles a rassemblé nombre de celles et ceux qui attendaient depuis tellement longtemps « que ça pète vraiment pour tout péter ». Il a pris dans bien d’endroits des formes d’organisation prolétarienne, ouverte, antiraciste et féministe. Mais le mouvement, depuis le début, est traversé par des thématiques clairement d’extrême droite. Il s’agit de ne pas le nier. Il s’agit d’aller les combattre.
Nous ne pouvons pas nous contenter de participer aux Gilets jaunes en taisant nos convictions d’émancipation collective. Nous ne pouvons pas rester là à regarder les choses se faire et à prédire le pire.
Nous ne pouvons pas réduire le combat antifasciste à une histoire de baston, et laisser le sale boulot aux antifascistes les plus costauds. « Pendant trop longtemps la lutte antifasciste a été laissée à de petits groupes qui, malgré leur courage et leur dévouement héroïques, ne peuvent à eux seuls écarter le danger nazi. »
Et ainsi, nous ne pouvons pas nous fondre dans un front antifasciste, dans une grande alliance interclassiste et républicaine.

Il est important de contre-attaquer face à cette offensive d’ampleur, pas uniquement par la présence physique lors des manifs, mais aussi par la diffusion d’analyses, les interventions lors des grèves ou assemblées, et par les actes. Toute logique d’orga sera vouée à l’échec.

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