Retour des Chambarans : quelle guerre voulons-nous ?

« Ils aimeraient nous dresser les un.es contre les autres, mais si on le veut bien ce sera les gens simples contre les ordres »

Mon premier passage sur la zad des Chambarans pour le rassemblement Open Barrikads. Je découvre les deux camps, bien délimités : « Pros center-parc contre Antis ».
Les « pros » bloquent tous les accès à la Zad en ce dimanche matin, regroupées autour de braséros. Apparemment le dialogue est impossible entre les camps. Chaque côté se sent agressé, menacé par l’autre. Flics au milieu de tout ça.
La situation est très étrange : nous passons à cinq mètres de leur groupe, en nous ignorant mutuellement. Comme si rien n’allait passer par le dialogue. Comme si nous n’étions pas de la même espèce.

Depuis le début je suis mal à l’aise avec ces camps. Autour du Testet, ici aux Chambarans. Je suis mal avec la case « fascistes de pros », autant que « djihadistes zadistes ».

Et je suis mal de constater que nous ne sommes pas capables, nous non plus, de dépasser ces clivages.
Le gouvernement et les intérêts qui y sont liés ont besoin des ces camps ennemis. C’est leur stratégie du moment. En entrant dans ce jeu-là, en affrontant les « pros » j’ai le sentiment qu’on marche à la baguette.

Encore une fois on oublie qu’il n’y a pas les Pros et les Antis : il y a des gens simples, et des grands intérêts.

Et ces groupes qui font le pied de grue dans la neige pour revendiquer le droit à choisir quoi faire autour de leur village, devraient être considérés, à priori, comme nos allié.es. Nous ne devrions jamais oublier que dans la lutte des classes nous sommes les mêmes.

Apprendre à faire preuve de finesse,
Intransigeance ou dialogue ? Savoir écouter, prendre en compte, changer d’avis.

Mettre en pratique l’autogestion. Ne pas décider à la place des autres.
Agir contre les puissants, et pas aveuglément. Abandonner les doctrines.

Garder une vision globale de la lutte

Partant de là, la recherche du dialogue est incontournable. Nous revendiquons l’autogestion. C’est à dire la capacité à régler les problèmes par les personnes concernées. Il s’agit de la vivre, et elle commence ici même, concrètement. La question du Center Parc concerne les habitant.es du coin autant que nous. Illes ont leurs mots à dire comme nous avons les nôtres. Il est nécessaire d’essayer de s’écouter et de se comprendre.

Nous reprochons aux médias de caricaturer la figure du militant ou de la militante radicale extrémiste écologiste d’ultra gauche. Allons-nous céder nous aussi à la tentation de caricaturer à la va-vite les gens qui nous entourent ?
Bien sur il y a des énervé.es, des fous furieux et quelques fachos parmi les pros, tout comme il y a parmi des zadistes des personnes avec qui je n’ai aucune affinité politique.
En face il y a aussi des gens de bonne volonté qui flippent juste pour leurs vies et celles de leurs enfants, dans des enjeux concrets qui ne sont pas les mêmes que les nôtres.

La question n’est pas de savoir qui est le plus con, mais comment on s’organise pour la suite !

Nous n’avons aucun intérêt à uniformiser les zads. Une ligne de TGV n’est pas un barrage, qui n’est pas un Center Parc. Les enjeux locaux et mondialisés ne sont pas les mêmes. Mais chaque zad implique toutes les autres.

Car il ne s’agit pas désormais de combats isolés, il ne s’agit pas d’un centre de vacances à un endroit précis, il ne s’agit pas d’un barrage ni d’un aéroport. Il s’agit de la construction d’un moyen de résistance à grande échelle géographique et temporelle, contre l’industrialisation insensée.

Les puissants ont besoin que les populations locales aient des intérêts directs dans l’aboutissement du grand projet (en l’occurrence l’emploi). Ainsi, notre contestation apparait illégitime et hors-sol, contre les locaux qui deviennent leur alibi.

La police laisse faire le sale boulot (intimidation, surveillances, violences...) par des « citoyens », et peut ainsi se placer dans le rôle d’arbitre (éviter les dérapages et même protéger les zadistes). Elle retrouve ainsi toute la légitimité qu’elle a pris le risque de perdre en assassinant Rémi.

Il est beaucoup plus difficile d’inventer des intérêts à la population locale pour des projets aussi peu locaux et aussi vastes que le TAV, ou l’aéroport, dont les bénéficiaires directs sont explicitement les investisseurs et les hommes d’affaires qui gagneront quelques heures dans leurs trajets.

Il serait dommage que la contestation massive contre ces chantiers soit à l’avance catégorisée comme « contre les populations » et « intégriste » (au sens où elle n’écoute personne d’autre qu’elle même) pour un projet comme le Center Parc.

Des forces populaires ?

Avec ce texte je ne dis pas qu’il faudrait abandonner notre contestation dès que des locaux se dressent contre nous. Je dis qu’on ne peut pas faire comme s’ils n’existaient pas, et comme si leurs revendications n’avaient aucune légitimité, aucun fondement. On ne peut pas les mépriser.

Je dis que c’est une erreur pour moi de gober les catégories hermétiques et toutes faites par les médias (« pro » contre « antis », ou « antis » contre « antis/ antis » ), car elles dissimulent les camps réels de cette guerre et les intérêts en jeu.

C’est à nous de faire le premier pas, et de le refaire autant de fois qu’il le faudra, car c’est nous qui prétendons essayer d’y voir un peu plus clair dans la stratégie médiatique, et nous devons accepter que les locaux nous voient comme des ennemis ; car illes n’ont pour le moment aucune raison de savoir que nous ne le sommes pas.

A nous de le leur faire comprendre, si nous souhaitons avancer dans nos luttes vers la constitution de solidarités populaires, seules à même de défier les puissances économiques et militaires en face de nous.

Coupées du reste du peuple, nous mourrons, comme toujours dans l’histoire passée.

Mots-clefs : ZAD

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