Crime d’État à Tempe : dissimulation, négligence meurtrière de l’État et privatisation
Quelques explications sur la collision de trains du 28/02/2023 en Grèce.
-Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Le 28/02/2023, une collision de trains à causé 57 mort.es, majoritairement des étudiant.es, dans la région de Tempé, en Thessalie. Un train de passager.es et un train de marchandises se sont retrouvés sur la même voie, ce qui a causé une collision frontale.
L’affaire de Tempi pourrait se résumer en une phrase : Dans un pays où deux trains transportant des centaines de passager.es circulent pendant 12 minutes sur la même voie, en sens opposé l’un vers l’autre, sans que personne ne s’en aperçoive, causant une collision avec des dizaines de mort.es, où il n’existe aucun système de sécurité pour empêcher cela : le gouvernement doit être tenu responsable et renversé.
Mais le débat n’est pas aussi simple.
-Efforts de dissimulation
Dès le départ, l’État grec, les médias et la compagnie ferroviaire ont lancé un grand effort pour cacher ce qui s’est réellement passé et couvrir le crime.
Le gouvernement a commencé à dissimuler le crime, affirmant qu’il s’agissait d’un accident, d’une « erreur humaine tragique ». Dans les médias, une discussion modifiée circule pour tenter de remettre ce crime seulement sur le dos de "l’erreur individuelle” du chef de gare. L’erreur du chef de gare est incontestable, mais toute enquête sur un événement aussi grave ne devrait en aucun cas se limiter à une simple erreur.
Des inquiétudes concernant la sécurité du réseau ferré grec avaient été soulevées bien avant le crime, mais elles ont été étouffées. Les cheminot.tes se sont mis.es en grève trois mois avant le crime, soulevant de graves problèmes de sécurité. Comme iels l’ont dit ell.eux-mêmes : « Il était certain qu’un accident se produirait, mais nous ne savions pas quand ». Malgré les multiples mises en demeure des travailleur.ses adressées au ministre des transports, le ministre en charge (K. A. Karamanlis) a refusé de prendre en compte leurs préoccupations en matière de sécurité. Quelques jours avant la collision fatale, il a même été interpellé par un autre député. Il a répondu au Parlement : « C’est une honte, et j’ai honte que vous souleviez des questions de sécurité ».
-Les privatisations
La dégradation complète des chemins de fer grecs est directement liée à leur morcellement et aux privatisations, imposées par les créanciers de l’Union européenne en 2017. La Troïka – composée de l’UE, de la Banque centrale européenne (BCE) et du Fonds monétaire international (FMI), en échange d’une prétendue « aide financière », a contraint la Grèce à appliquer des mesures d’austérité néolibérales, incluant des privatisations massives. C’est dans ce contexte que l’exploitant des trains grec a été vendu à une société italienne pour 40 millions d’euros, un prix ridicule. La nouvelle entreprise privée reçoit 50 millions d’euros par an par l’État grec, pour assurer la desserte du réseau. La vente, selon le gouvernement de SYRIZA de l’époque, allait « renforcer et moderniser les chemins de fer grecs et le service des voyageurs ».
Comme on peut s’y attendre de telles privatisations, au lieu de la « modernisation du service » promise, nous avons assisté à un démantèlement complet des chemins de fer : réduction du nombre de trains, réductions du personnel à des postes cruciaux pour la sécurité, et absence de dispositifs de sécurité adéquats. La société italliene a introduit en Grèce des trains vieux de 30 ans, qui avaient été retirés de la circulation en Suisse. Par ailleurs, l’absence de systèmes de télécommunications modernes a forcé toutes les communications à se faire par téléphone.
D’autre part, la réalisation des travaux d’infrastructures au réseau grec est une blague amère : contrats avec reports de délais successifs, contrats complémentaires, dépenses exorbitantes, et tout cela avec la tolérance de l’OSE (équivalent de SNCF réseau) et du ministère des Transports.
Quelques mois après la collision de trains en 2023, le procureur européen a engagé des poursuites pénales « à l’encontre de 23 suspects pour des délits liés aux systèmes de signalisation ferroviaire ». Les accusations les plus graves concernent la non-exécution du contrat 717 - le contrat qui, selon les procureurs grecs et européens, s’il avait été exécuté, aurait empêché la collision. Le contrat était censé être terminé en 2017.
Près de deux ans plus tard, ces systèmes de sécurité ne fonctionnent toujours pas.
-Un élément supplémentaire : l’explosion
Dans la vidéo qui a circulé, au delà de la collision, on voyait également une explosion, qui laissait entendre la présence de matériel inflammable.
Aujourd’hui, après une enquête menée par des proches des victimes, nous savons que les conteneurs avant du train de marchandises transportaient potentiellement (illégalement) des matières inflammables. Le Premier ministre (et chef d’état) K. Mitsotakis, lui-même nous a assuré.es, trois semaines après le crime, que c’était impossible et qu’ils savaient avec une "certitude absolue" que cela n’avait pas eu lieu. Mais l’étude entreprise par l’université de Ghent sur les causes de l’incendie confirme que la cause de l’explosion était la présence (illégale) de Xylène, un hydrocarbure, souvent utilisé illégalement (en Grèce) dans les carburants / essence pour réduire le coût.
On sait également qu’une partie des victimes sont en fait décédées en raison de l’explosion et non de la collision. À l’approche de l’« anniversaire » de ce crime, un enregistrement a été diffusé sur les médias sociaux dans lequel on peut entendre les dernières minutes des victimes après qu’elles aient survécu à la collision, disant « Je n’ai pas d’oxygène ». C’est avec ce slogan que les manifestations organisées par les proches des victimes ont rassemblé des centaines de milliers de personnes en Grèce et à l’étranger, contre la dissimulation du crime et pour réclamer la justice.
-Cacher un crime
Le crime de Tempe n’a pas pris fin avec la dégradation complète du réseau ferroviaire, la privatisation, la négligence meurtrière gouvernementale et enfin la collision et explosion fatales. Dès les premiers jours, sans l’autorisation des juges le gouvernement de Mitsotakis a lancé l’opération de la « restauration du site », c’est-à-dire l’alteration d’une scène de crime. En effet, le sol qui pouvait être mesuré pour déterminer les causes de l’explosion n’existait plus sur le site. Ainsi, la recherche des causes de l’explosion a été rendue quasiment impossible. C’est pour cette intervention illégale sur la scène d’un crime que de principaux membres du gouvernement Mitsotakis sont aujourd’hui accusés par la procureure grecque (en plus du non-respect du contrat-717 pour le transport sécurisé). Kyriakos Mitsotakis (chef d’état) et son gouvernement majoritaire cachent les coupables, comme toujours, derrière l’immunité parlementaire (et ministérielle). L’effort de l’État pour couvrir ce crime ne doit pas rester impuni.
Rien ne nous surprend. Depuis la crise économique, on voit que nos vies sont de plus en plus dévalorisées. Les privatisations continues, de la santé aux transports, la dévalorisation des travailleur.ses qui ont des rôles clés, les richesses qui circulent du bas vers le haut. Aujourd’hui on fait le deuil de 57 personnes décédées, passagères et travailleuses, sacrifiées au nom du profit et des politiques néolibérales.
Nous appelons le 28/02/2025, à 19h, à un rassemblement sur la Place de la République à Paris, en réponse à l’appel (inter)national lancé par les proches des victimes.
Nos vies valent plus que leurs profits.
📍Paris - Place de la République -19h
📍Marseille - Vieux port à l’ombriere- 18h
📍Strasbourg - Place Broglie - 17h
📍Toulouse - Métro Jean Jaurès - 18h
📍Lyon - Hôtel de Ville - 17h30
📍Toulon - gare de Toulon - 19h
📍Nice - Place Garibaldi - 17h30
Pour plus s’informer sur la situation en français et anglais :
https://thepressproject.gr/une-breve-chronologie-de-la-catastrophe-ferroviaire-de-tempe/
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