Quelques remarques sur la révolte actuelle et ses fossoyeurs

On voudrait réagir à des prises de position qu’on a pu voir ces derniers jours de la part de nos camarades, des écueils assez récurrents quand il s’agit d’analyser les révoltes qui sortent du cadre bien classique de la gauche.

Déjà, on a du mal à comprendre ce réflexe de vouloir juger de la pertinence d’une révolte, des limites de ce qui est acceptable ou non. On voit pas quel intérêt a une telle prise de parole : ça change quoi de dire ce qui est légitime et ce qui l’est moins ? On n’est pas des juges, on n’a aucun bon point à distribuer, surtout quand on a accepté de soutenir sans réserve un mouvement social dont les objectifs et les modes d’action étaient aussi creux que celui du mouvement des retraites (nous compris).

Parfois aussi, la reconnaissance de la spécificité antiraciste de la lutte actuelle pousse la gauche à n’apporter aux insurgé•es qu’un soutien moral ou extérieur. Cette position d’extériorité est au fond une forme de désolidarisation, elle ne fait que reconduire l’isolement politique. La situation exige bien plus qu’une approbation du bout des lèvres...

Autre écueil : conseiller aux révolté•es d’adopter un objectif précis. Il faudrait aux insurgé•es des bonnes vieilles revendications, il faudrait, comme il a fallu le faire pour les gilets jaunes, faire rentrer tout ce beau monde dans le champ de la réclamation politique.
Même si on obtient jamais rien, il faut quand même le demander : la démission du président, la retraite a 60 ans, n’importe quelle connerie tant qu’il nous reste quelque chose à dire.

Selon cette même logique, il faudrait essayer de faire comprendre aux « jeunes », à « ces gamins » que le véritable ennemi est le capitalisme, c’est-à-dire, dans la plupart des esprits à gauche, en fait, une notion assez floue, relative aux inégalités. Là aussi, c’est une manière de se payer de mots. Mieux vaut des pratiques claires et fortes que des mots d’ordre flous ou creux.

En fait un mouvement n’a pas besoin d’avoir des revendications pour avoir des effets, il doit juste avoir des objectifs, et que ces derniers soient précis. Or, la révolte ne manque pas d’objectifs : comicos, mairies, prisons, casernes, boutiques, écoles. Tout ça, on aimerait suggérer à celles et ceux qui qualifient cette révolte de « nihiliste », que ça dessine une cohérence...

Souvent, une telle posture s’accompagne de la prédiction selon laquelle tout ça ne ferait que renforcer l’extrême droite. Les conséquences d’un tel raisonnement conduisent donc a dire qu’un mouvement social ne peut exister que s’il est inoffensif (c’est vrai qu’à cet égard la gauche est passée maîtresse dans cet art). On remarque quand-même que cet argument est plus souvent utilisé quand c’est les arabes et les noirs qui se bougent.

Ce n’est plaquer aucun fantasme que de dire que nous nous reconnaissons dans les objectifs de ce mouvement, que le sens de cette révolte est explicite et que son ambition dépasse de loin tout ce qui a pu émerger dans le cadre traditionnel de la gauche. Avant de juger, donc, commençons par tâcher d’être à la hauteur de ce qui se joue.

Note

Texte de positionnement écrit par la coordination antifasciste inter—universitaire (CAIU) en réaction aux révoltes ayant suivi la mort de Nahel.

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