Quelques propositions contre l’exclusion des étudiant.e.s les moins favorisé.e.s de la mobilisation en cours

Si l’on peut se réjouir de l’ampleur que prend la mobilisation au sein du milieu estudiantin et du personnel précaire de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de la convergence des luttes entre conditions d’études des étudiant.e.s, conditions de travail des doctorant.e.s et jeunes chercheur.ses précaires, on est est également en droit de déplorer que ce type de mobilisation retombe toujours dans les mêmes travers excluant le plus grand nombre d’une participation active, réduit à la passivité au sein des Assemblées Générales et démuni face à la reproduction en miniature des règles élitistes du jeu politique qui fondent les institutions que nous affirmons pourtant combattre.

La simple observation d’une Assemblée Générale suffit à constater que la parole continue d’être monopolisée par les militant.e.s les plus actifs, encarté.e.s ou non, tandis que les mobilisé.e.s restent cantonné.e.s à avaliser les propositions et moyens d’action réfléchis en comité de mobilisation. Malheureusement la participation en comité de mobilisation obéit à des logiques qui ne sont pas sans rappeler celles qui régentent les régimes représentatifs, excluant de toute activité politique autre que le vote le plus grand nombre.
En effet, comment participer activement à un comité de mobilisation étudiante lorsque l’on fait partie des catégories les plus populaires, alors que les enseignements continuent de se tenir normalement et qu’il devient pour les étudiant.e.s boursier.e.s, dont l’octroi de la bourse est conditionné à l’assiduité en cours, impossible d’y prendre part sinon de se retrouver privé.e.s de ce qui leur revient de droit ?
Comment participer activement à la mobilisation pour un.e étudiant.e salarié.e qui, sa journée d’enseignement à peine terminée, doit se rendre sur son lieu de travail, ne disposant d’aucun temps libre afin de s’adonner à une activité militante ?
L’activité militante, comme l’activité politique, exige une disponibilité économique qui n’est le lot que d’une minorité qui finit par piloter un mouvement qui continue de se tenir à distance des étudiant.e.s les plus démuni.e.s.
Et c’est finalement uniquement l’annulation et/ou la banalisation des enseignements qui peuvent permettre à cette catégorie d’étudiant.e.s de pouvoir participer pleinement à un mouvement dont ils se retrouvent exclus du simple fait de leur condition sociale. Or limiter l’annulation et/ou la banalisation des enseignements les seuls jours de manifestation, comme cela est souvent décidé en Assemblée Générale, ne suffit pas à permettre à ces étudiant.e.s une participation active à la mobilisation.

Resteraient alors les Assemblées Générales comme seul lieu d’expression et de prise de parole pour une grande partie des étudiant.e.s, lorsque la non-présence en cours n’engendre pas de représailles économiques, à des horaires qui ne correspondent pas à celles de leur temps de travail salarié.
Mais de nouveau une grande part d’étudiant.e.s se retrouve exclue : Ne connaissant pas les règles du jeu militant, les codes de la prise de parole, l’éloquence des étudiant.e.s militant.e.s habitué.e.s de longue date aux longs discours, les mécanismes d’autocensure se perpétuent sans qu’aucune mesure ne soit prise pour en atténuer les effets.
Les militant.e.s trustent les listes de tour de parole, si bien que si certain.e.s, assistant parfois pour la première fois à une Assemblée Générale, commençant à bien saisir son déroulé et ses règles formelles ou informelles, finissent par se faire violence en cherchant à participer activement aux débats, ils/elles se voient renvoyé.e.s à l’impossibilité après la clôture soudaine de listes enchaînant les noms des militant.e.s les plus habitué.e.s.
Alors bien sûr, certain.e.s militants mentionnent cette question dans leur intervention, mais ne s’empêchent pourtant pas de parler à chaque Assemblée Générale, pour répéter souvent les mêmes choses, les mêmes discours formatés, les mêmes propositions, les mêmes moyens d’action. Certains vont en appeler à la « responsabilité individuelle » des militant.e.s les plus acti.f.ve.s pour signifier qu’ils/elles laissent la parole à d’autres, à la manière d’un Gouvernement qui en appelle à la responsabilité du patronat quant à sa rémunération ou des banques quant à ses pratiques dans le milieu de la finance.
Si l’on veut démocratiser la mobilisation étudiante et permettre à chacun de pouvoir s’exprimer, il faut fixer des règles, à défaut les mêmes logiques de la participation politique se reproduiront ad vitam aeternam.

Des propositions toutes simples pourraient être adoptées au sein des Assemblées Générales pour empêcher cela : impossibilité de s’exprimer plus d’une fois lors d’une même A.G., temps de parole restreint lors des interventions des militant.e.s les plus habitué.e.s, limiter le nombre de militant.e.s pouvant s’exprimer en A.G. afin de laisser d’autres étudiant.e.s mobilisé.e.s s’exprimer et avoir plus de temps pour cela, ne pas permettre à une même personne de prendre systématique la parole à chaque Assemblée Générale, etc.
Si l’idée d’une double liste de parole avait été essayée, une liste pour militant.e.s, une liste pour non militant.e, celle-ci restait insuffisante : elle réduisait la définition des étudiant.e.s militant.e.s au seul.e.s encarté.e.s, or l’on peut être un.e militant.e acti.f.ve au sein des comités de mobilisation sans être encarté.e, si bien que l’on ne voyait malgré sa mise en place que trop rarement de nouvelles têtes prendre la parole.

Un mouvement réellement démocratique suppose qu’aucun de nous ne soit irremplaçable, que nous soyons tous substituables les uns les autres, et que nous soyons toutes et tous égaux face à la participation et au sein de la mobilisation.
Si le contexte social que l’on connait met à mal son effectivité, il est de notre fait de fixer des règles qui en déjouent les mécanismes les plus inégalitaires.

Clément L.
Paris 1

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