Procès de la butte - Témoignage d’inculpé.e.s

Près de Strasbourg, on luttait contre un projet de contournement autoroutier complètement absurde, détruisant 300ha de terres agricoles, deux forêts tout ça pour l’unique profit des entreprises du BTP et avec le soutien des élus locaux. Après l’expulsion de la ZAD en septembre 2018, on a cherché à réoccuper le terrain en construisant une cabane sur le chantier au printemps 2019 ! C’était un beau moment de solidarité, de puissance, de rires, de joie partagée ! Mais la répression s’est violemment abattue sur nous avec ses 7 brigades de gendarmes, ses flashball et autres gazage en espace clos et finalement 13 copaines en garde à vue 48h !!...

Suite au procès en appel des 13 zadistes, les condamnations sont lourdes : 8 personnes ont pris 300€ d’amende avec sursis et 3 ont pris 300€ de jours amendes. Une personne a pris 4 mois ferme, une autre 4 mois de sursis et ces 2 personnes ont 2000€ de dommages et intérêts à payer aux gendarmes.
Ces 13 militant.e.s sont injustement accusées de "recel de bien provenant d’un vol, avec destruction ou dégradation". Voici leur témoignage.

Pour rappel :
Vidéo de l’action

Voici le témoignage de certain.e.s d’entre elleux :

V : « En première instance, nous avions voulu légitimer notre résistance en rappelant la catastrophe environnementale et le déni de démocratie que représente le GCO, ainsi que l’immobilisme du pouvoir face à l’urgence climatique. En retour, outre les condamnations, nous avons eu droit à des remarques condescendantes et des allusions à Gandhi de la part d’un tribunal qui visiblement ne connaît pas si bien la révolution indienne.
Lors de l’appel, nous avions pourtant eu l’impression d’être mieux écouté.e.s. Le tribunal semblait moins nous prendre de haut, nous avons même eu la surprise d’entendre l’avocat général (le représentant de l’État) oser avouer que l’intervention illégale des gendarmes était plus motivée par la volonté de pouvoir reprendre les travaux que par de réelles charges contre nous. Et pourtant, au final, le résultat fut le même. Nous avons été condamnés par un tribunal refusant de se positionner politiquement face à l’urgence climatique, ou pire, par un tribunal se positionnant du côté de l’autorité. Quoi qu’il en soit, j’ai ressenti contre nous une volonté de répression afin d’écraser notre militantisme plus qu’un jugement équitable.
Ma condamnation pour violence quant à elle rappelle un autre problème de société : L’irréfutabilité de la parole policière. Même si dans mon cas les dépositions des gendarmes sont floues, contradictoires, et ne correspondent pas à ce que l’on voit sur les vidéos. Même si sur les images on voit une autre personne faire ce que les gendarmes décrivent que je fais. Même si les témoignages des gendarmes frôlent le ridicule quand ces armoires à glace en armure lourde expliquent que du haut de mes 60kg, je les ai chargés si fort que j’en ai renversé un, brisé son bouclier, et blessé son collègue derrière lui par onde de choc. Du moment où quand les juges demandent au gendarme « reconnaissez-vous votre agresseur » et que ce dernier se retourne et me pointe du doigt, l’affaire est pliée. Pourtant, que vaut ce doigt ? Étant masqué et habillé différemment lors de l’action, comment peut-il me reconnaître au tribunal ? De plus, cela fait un an et demi que les enquêteurs lui répètent à tort « Ton agresseur c’est V, ton agresseur c’est V ». Il n’est pas difficile d’imaginer que devant les juges, visiblement intimidé et peut-être sous la pression de ses collègues, il pointe presque par réflexe la personne qui lui a été désignée. J’oserais même pousser une hypothèse plus terne : Je dois lui verser 1100€ de dommages et intérêts. Son véritable agresseur n’ayant pas été attrapé, s’il avait avoué ne pas le reconnaître, il aurait dû faire une croix sur cette jolie somme. Il est temps de nous rendre compte que ce ne sont que des humains derrière l’uniforme, qu’ils ont leurs propres intérêts, qu’il ont un pouvoir pour les défendre, et une institution entière pour les protéger.
Pour conclure j’aimerais dire qu’à partir du moment où on constate cette volonté de nous montrer comme agressif, de gonfler la réalité, et d’arrêter arbitrairement et parfois sans motif les militants, on ne peut plus nier la volonté de faire de la répression politique. Et un pouvoir qui réprime, ce n’est pas un pouvoir que l’on résonne, c’est un pouvoir que l’on combat. Je sais au plus profond de mon être que notre résistance ce jour là était juste. Juste pour l’humain et pour la planète. L’histoire nous donnera raison.

Note

Pour en savoir plus sur la ZAD du Moulin : http://zaddumoulin.fr/

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