Point de vue sur la mobilisation contre le G7 et son monde mortifère

Point de vue libertaire d’une personne impliquée dans le coordination anti-G7, qui aura lieu du 19 au 23 août. Analyse du rapport de force, dès la composition de la mobilisation et des aspects techniques. Texte initialement paru sur le mensuel Courant alternatif

Sommaire

  1. Le lieu est encore problématique
  2. Encadré Appel commun des plates-formes Pays basque et hexagonale contre le G7, pour un autre monde !
  3. Le programme est à affiner
  4. Encadré Appel général pour la 3e semaine intergalactique - Connectons les luttes - Pays basque, du 19 au 26 août 2019
  5. Le thème récurrent de la violence
  6. Un rappel des objectifs
  7. Encadré Un pré-G7 sur l’environnement, à Metz, les 5 et 6 mai. Toujours une affaire de « com » !
  8. Dernière minute

Le lieu est encore problématique

Le lieu pose toujours problème, à moins de trois mois du sommet. C’est un point évidemment essentiel et il y a eu plusieurs rencontres et discussions avec les maires, le préfet et le sous-préfet, pour qu’il en soit trouvé un une bonne fois pour toutes. Mais il n’y a pas eu, à ce jour (19 mai) de réelle avancée sur le sujet. Il en va de l’intérêt des autorités, en termes de « maintien de l’ordre » et de respect (formel) de « la liberté d’expression », de trouver un lieu pour le contre-sommet ; en cas de manquement, ce seront ces mêmes autorités qui devront assumer les problèmes de désorganisation que cela génèrera.
Les anti-G7 ont refusé les lieux extérieurs au Pays basque et très éloignés, tels que ceux proposés il y a quelque temps par les autorités (Dax-Landes, Orthez-Béarn). À présent, fatigués d’attendre, et même si « tout n’est pas calé à 100% », ils passent à la vitesse supérieure, parce qu’il y a urgence par souci d’organisation. Ils ont tranché : le contre-sommet sera à Hendaye/Irun [1].
Les deux plateformes, Pays basque (CA n° 288) et hexagonale (CA n° 290), semblent sur la même longueur d’onde et vont donc travailler ensemble. Le contre-sommet reprend le slogan :
"G7 Ez, euskal herritik beste mundu bat sortzen / Non au G7, pour un autre monde / No al G7, construyendo otro mondo / Against G7 building another world."
Un appel commun a été rendu public, le 16 mai, pour confirmer/annoncer le plus largement possible qu’il y aura un contre-sommet avec ses différentes déclinaisons (village, alter-sommet, manifestation) à Hendaye/Irun.

Appel commun des plates-formes Pays basque et hexagonale
contre le G7, pour un autre monde !

Rejoignez les mobilisations du 19 au 26 août à Hendaye-Irun !

Du 24 au 26 août, sept chefs d’État les plus riches de la planète (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada) se retrouvent à Biarritz, sous la présidence de la France. Ces sept puissances, de plus en plus autoritaires et bellicistes, se retrouveront pour perpétuer un système au service des plus riches et des multinationales. Ces États mettent le feu à la planète, augmentant les inégalités et la pauvreté qu’ils ont générées et qu’ils entretiennent, détruisant le vivant et le climat, au mépris des droits humains fondamentaux.

Avec un cynisme à toute épreuve, ils déclarent se donner comme objectif la lutte contre les inégalités. Face à l’écran de fumée de leurs beaux discours, nous leur opposerons l’urgence sociale et écologique.
Du 19 au 26 août, nous organisons un contre-sommet au Pays basque. Nous y construirons des alternatives solidaires, écologiques, humaines, antiracistes, décoloniales, féministes, et anti-impérialistes.
Nous appelons toutes et tous à nous rejoindre à Hendaye-Irun pour faire échec au G7 et construire un autre monde !

Le programme est à affiner

Début juin, sera lancé un appel local à une non-collaboration avec le G7 allant jusqu’à la désobéissance. Le 13 juillet, une grande manifestation est appelée à Biarritz.

Dans la semaine du 19 au 24 août :

Deux villages sont envisagés.
L’un, avec campement pour l’hébergement ; un autre, plus urbain dans la ville d’Hendaye avec plusieurs lieux d’échanges, de débats autour de « la défense et la construction d’autres modèles pour un monde où justice sociale, solidarité et égalité sont des exigences et des réalités concrètes ». Il s’agira d’espaces « agglutinants » (places publiques ou autres en centre-ville) où les collectifs qui veulent monter leurs propres événements seront intégrés au contre-sommet. La semaine intergalactique se déroulera dans un de ces espaces, de même que l’assemblée des assemblées des Gilets jaunes si elle décide d’appeler au Pays basque.

Appel général pour la 3e semaine intergalactique - Connectons les luttes - Pays basque, du 19 au 26 août 2019 - L’équipe intergalactique.

(...) Pour sa troisième édition, la semaine intergalactique de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes s’exporte au contre sommet du G7. La perspective de savoir réunis tous les Macron du monde dans une situation encore brûlante laisse imaginer l’ampleur que pourrait prendre un acte 41, le samedi 24 août, premier jour du G7. Car la révolte globale climatique, sociale, politique est en train de monter en puissance, avec une volonté de convergence.

Dans ce contexte, nous vous invitons à rejoindre la semaine intergalactique en amont du sommet, à partir du lundi 19 août à Hendaye et à Irun. Cette semaine intergalactique sera partie intégrante des rencontres organisées par les plateformes basques et hexagonales contre le G7, et c’est l’interconnexion des luttes qui en sera le sujet majeur, avec une invitation à tous les collectifs qui ici et là se battent sur des secteurs spécifiques à venir se retrouver, échanger, partager, confronter nos imaginaires et les enrichir d’autres expériences (…)
Une série de lectures, projections et récits nous plongera aussi dans la lutte basque et son histoire, pour en faire vivre la mémoire et en comprendre les enjeux actuels.
Il s’agit, avec l’organisation des mobilisations et des blocages contre ce G7, de franchir un nouveau pas dans la résistance et la construction de pratiques anticapitalistes.
Parce que le partage de nos vies et de nos rêves vaut mieux que leur partage du monde, nous vous attendons nombreux et nombreuses sur place dès le 19.

  • Des conférences et débats de l’alter-sommet, selon un programme construit conjointement par les plateformes du Pays basque et hexagonales, se tiendront dans un centre international de conférences situé à Irun (Ficoba).
    Les thèmes choisis pour les conférences/témoignages sont au nombre de 7 ( 7 comme anti-G7 et 7 provinces du Pays basque) ; ils reprennent ceux de l’appel initial (cf. CA n° 288).

Les thématiques restent à affiner et seront communiquées en juin. Voici les grands axes :

  • la rupture avec la logique capitaliste basée sur l’exploitation ;
  • la fin du patriarcat et de la division sexuée du travail ;
  • des actions contre le dérèglement climatique et en faveur de modes de vie respectant et préservant les écosystèmes ;
  • un monde basé sur la solidarité entre les peuples, l’anti-impérialisme et l’internationalisme et des relations internationales démilitarisées ;
  • le pouvoir de décider démocratiquement de toute organisation de la vie en commun ;
  • la défense de la diversité culturelle et linguistique ainsi que le droit à l’autodétermination pour tous les peuples ;
  • l’égalité réelle des populations soumises au racisme, les mêmes droits pour tous.tes les habitant.es de la planète ;
  • les problématiques des migrations et des migrant.es.
Manifestation le 22 juin, à San Sebastian

Au programme construit en accord avec les plateformes pourront s’ajouter des activités proposées par des organisations, des collectifs, des mouvements, etc. ; ces activités seront soit intégrées au programme, soit auto-organisées.

Du 24 au 26 août :

  • Une manifestation unitaire est prévue le samedi 24 août, sûrement au départ d’Hendaye. Le préfet s’est inquiété de la présence d’un service d’ordre ; réponse lui a été faite qu’il y en aurait un pour protéger les manifestant.es contre les violences policières.
  • Le 25 août, un ou plusieurs rassemblements sont envisagés sur les places des mairies autour de Biarritz, pour le droit de manifester et contre la dérive autoritaire du gouvernement.
  • L’idée est aussi de lancer un appel général à bloquer/perturber « le G7 et son monde », ainsi que l’économie du Pays basque, durant toute la tenue du sommet, par des actions de désobéissance civile. Cependant, cet objectif fait encore l’objet de vifs débats, voire de dissensions ; certaines organisations ne souhaitant participer ni à la manifestation ni aux actions de désobéissance, celles-ci ne seront vraisemblablement pas portées par la plateforme elle-même. La discussion se poursuit…

Le thème récurrent de la violence

L’inconnue reste la politique sécuritaire et son évolution. Les gares de Bayonne et de Biarritz seront fermées un peu avant et pendant le G7 et la frontière pourrait l’être également. Le CRA (centre de rétention administrative) de Hendaye sera fermé tout le mois d’août et transformé en centre de détention provisoire.
« La “menace” sera appréciée jusqu’au dernier moment », a déclaré le préfet, qui disait pourtant, dans le même temps, vouloir alléger les contrôles à la frontière… Déjà, en mai, la « zone rouge » de Biarritz, dans laquelle toute circulation sera interdite, a été étendue, soit 90 commerces impactés de plus. Rappelons que 15 000 forces de l’ordre seront mobilisées.
La préfecture cherche à entretenir le plus longtemps possible le contact avec les membres de la plateforme anti-G7 Pays basque, multipliant les rendez-vous avec eux, jouant avec le temps et les échéances, son objectif étant de maîtriser et canaliser les opposant.es au G7. Personne ne se fait d’illusion.
Le préfet fait étalage de sa « bonne volonté » pour chercher des « solutions » à l’organisation d’un contre-sommet pourvu qu’il soit éloigné de la zone de Biarritz, dans des espaces précis, confinés et contrôlés, pour des activités pacifiques se cantonnant à des débats et des conférences. La crainte des autorités n’est pas dans ces programmes de débats et autres, mais dans les actions et manifestations éventuelles.
Et tout le monde est conscient que, jusqu’au dernier moment, le préfet peut annuler toute autorisation.

La presse locale relate deux sortes de réactions et d’inquiétudes.
D’une part, elle rend compte des avis diversifiés des commerçants en zones touristiques ainsi que… des soucis des infirmières libérales. Les commerçants réagissent évidemment selon leur statut. Les hôteliers de luxe se réjouissent du G7 : il en est ainsi des tenanciers de l’hôtel Windsor, quatre étoiles, situé sur la grande plage de Biarritz et donc dans la zone de sécurité renforcée, qui titre sur son blog :
« Le G7 à Biarritz, un évènement exceptionnel pour une région d’exception. »
« Un évènement d’une telle envergure est un coup de projecteur hors-norme, et permet des bénéfices en matière d’attraction, de renommée, et de notoriété ».
Les commerçants plus modestes, eux, craignent pour leur chiffre d’affaires et doutent fortement des compensations financières qu’on leur promet ultérieurement. Les inquiétudes concernent jusqu’aux commerçants des zones côtières des Landes. Quant aux infirmières, elles regrettent le manque d’information, voire de responsabilité des autorités concernant leur activité, vitale pour de nombreux patients. Il leur faudra aller de domicile à domicile à pied, en zone rouge interdite à tout véhicule, et la zone bleue sera surchargée de véhicules en stationnement, ce qui va considérablement leur compliquer la tâche.
D’autre part, les journaux se font l’écho des préoccupations des autorités et, au vu des mouvements de contestation intense de ces derniers mois dans l’État français, posent de nombreuses questions sur les éventuels « débordements », les « éléments infiltrés », etc., quitte à en rajouter dans le discours parano sur le supposé déchaînement de violence ; discours qui vise à justifier l’occupation policière et la restriction des libertés tout autant qu’à distiller la peur pour dissuader les gens de venir participer aux mobilisations.

Un rappel des objectifs

Aussi la plateforme anti-G7 rappelle-t-elle les modes d’intervention que ses signataires ont défini : bataille des idées, mobilisations de masse et désobéissance civile. Ce qui laisse entendre que l’organisation d’actions violentes délibérées (tout en sachant que leur définition reste toujours sujette à débat…) ne fait pas partie de ses moyens d’action. Elle rappelle que la violence vient souvent de la présence massive et agressive de la police, de ses tactiques de maintien de l’ordre. Elle a aussi décidé de ne pas prendre position sur les actions organisées par d’autres, laissant chaque mouvement ou organisation libre de sa propre communication. De plus, elle tient à se démarquer du discours dominant qui focalise tout sur les violences potentielles des manifestant.es.
Un des objectifs de l’anti-G7 est de dénoncer l’opération de « com », indécente et provocatrice, des dominants de ce monde, et plus particulièrement de Macron, pour masquer le système qu’ils servent, fait d’exploitation, d’oppression et de destructions massives. Il s’agit de mettre en évidence l’énormité des moyens consacrés aux trois jours du G7 pour des résultats nuls ou de pure forme (comment expliquer l’utilité de ce caprice des riches dans un contexte social aussi tendu ?), de recentrer le débat sur les responsabilités des dirigeants du G7 dans les problèmes de la planète ; de rappeler la violence structurelle du rouleau compresseur néolibéral capitaliste ; de dénoncer la violence policière contre les personnes, beaucoup plus grave que les dégâts matériels provoqués par les manifestant.es, etc.

Un pré-G7 sur l’environnement, à Metz, les 5 et 6 mai. Toujours une affaire de « com » !

Dans la série des « inégalités » que le G7 de 2019 prétend combattre (!), il y a « Lutter contre les inégalités par la protection de la biodiversité et du climat ».
Lors de cette session thématique devant servir à préparer le G7 « classique », prévu à Biarritz fin août, Macron entendait travailler son leadership en peaufinant, entre autres, le profil de bon élève de l’environnement qu’il cherche à se créer depuis son élection.
Une occasion à ne pas manquer : c’est peu de jours après que le groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité (IPBES) rendait public son rapport (un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction et le déclin de la nature ne pourra être enrayé sans des changements majeurs de société) que le G7 de l’environnement s’est achevé le 6 mai à Metz, dans une ville en état de siège.

Le commissaire européen à l’Environnement, les ministres de l’Environnement des 7 plus grandes puissances économiques mondiales, les plus riches et les plus polluantes, ainsi que ceux de 9 pays invités (Mexique, Chili, Niger, Gabon, Égypte, Inde, Indonésie, îles Fidji, Norvège), ont signé ensemble une « Charte pour la biodiversité ». Avec, toutefois, un paragraphe spécifique pour marquer les positions trumpiennes qui indique que « les États-Unis réitèrent leur intention de se retirer de l’Accord de Paris sur le climat »...

Deux jours pour aboutir à cette charte non contraignante, sans la moindre trace d’objectif précis ou chiffré, uniquement composée de grands principes creux : « Accélérer et intensifier nos efforts pour mettre fin à la perte de biodiversité, valoriser, conserver, restaurer et utiliser judicieusement la biodiversité, en maintenant une planète en bonne santé et en procurant des avantages essentiels pour tous »… Des États qui se disent prêts à faire des efforts financiers en termes d’investissement « vers des projets qui permettent de sauver la nature », mais avec de « l’argent privé » (B. Poirson, secrétaire d’État auprès de de Rugy).
De plus, les objectifs de cette charte ne seront présentés que lors de la COP 15 qui aura lieu en octobre 2020 en Chine et qui doit fixer un agenda pour protéger la biodiversité dans les années à venir… alors qu’est patent l’échec à remplir les engagements pour 2011-2020…
Le 4 mai à Metz, une marche internationale pour la justice écologique et sociale, sous haute surveillance policière, a rassemblé plus de 4 500 de personnes, Alter-G7 (collectif d’une quarantaine d’associations environnementales et citoyennes de différents horizons et pays - France, Allemagne, Luxembourg et Belgique -) et Gilets jaunes confondus, et ce sont ces derniers qui se sont fait le plus entendre, les manifestants venus marcher pour le climat ayant été relégués en fin de cortège. Ce sont les GJ également, alors que la manifestation était dissoute, qui ont pris la direction de l’autoroute A31 avec l’objectif de la bloquer.

Le lendemain, une cinquantaine des membres du collectif Alter G7 ont mimé une scène d’« écocide » pour dénoncer la mascarade du G7 Environnement ; une saynète très gentillette…

Dernière minute

Le 17 mai, tandis que son épouse faisait des emplettes en Pays basque intérieur et préparait des visites touristiques aoûtiennes pour les conjointes des grands de ce monde [2], Macron est venu, impromptu, faire un petit tour à Biarritz, dans une ville barricadée… pour un seul homme ! Le président souhaitait prendre la température auprès de quelques élus triés sur le volet, parler sécurité et visiter les infrastructures qui doivent l’accueillir lui et ses puissants hôtes. Le G7, c’est un petit groupe de dirigeants et de nantis qui va se retrouver dans le luxe de Biarritz… pour parler inégalités.
Plusieurs Gilets jaunes ont essayé de s’approcher du lieu, mais ils ont immédiatement été éloignés par les forces de l’ordre, en nombre très important (à lui seul Macron mobilise 13 à 15 compagnies de CRS ou de GM, quand Sarkozy n’en mobilisait « que » 10 - article du Canard du 22 mai ndcj). Un rassemblement, appelé au pied levé par le collectif anti-G7 n’a pu accéder à la place centrale qu’après le départ de Macron.

Pays basque, 19 mai

Notes

[1À la mi-mai, le sous-préfet vient de proposer un terrain se situant aux limites des communes d’Urrugne et Hendaye…

[2Une conception exemplaire de l’égalité homme-femme et de la remise en cause de la division des tâches !

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