Plus de 7 semaines de grève dans un studio parisien de jeux vidéo !

Secteur traditionnellement peu syndiqué, composé de nombreuses PME, les grèves y sont rares et souvent (très) courtes. C’est pourquoi cette grève reconductible de la vingtaine de travailleuses et travailleurs de Eugen Systems est remarquable : retour sur la grève la plus longue du secteur des jeux vidéo où l’omertà est la règle...

Fondée en 1998, ce studio spécialiste du RTS (Stratégie en Temps Réel) sort son premier jeu en 2000 prémonitoirement intitulé... Times of Conflict  !
La grève, elle, commence le 14 février par des revendications classiques de respect du code du travail : paiement de la cotisation à la médecine du travail, taille et nombre de salles de pauses, etc. mais aussi d’augmentation de rémunérations et de paiement des heures supplémentaires [1]...

Même si cette 9e grève en deux ans est pendant quelques temps majoritaire, la direction de cette PME de 44 salarié·es en pleine croissance [2] n’en a cure alors que le conflit dure déjà depuis 16 mois...
En effet malgré un noyau dur de 21 grévistes, elle a pu sortir une mise à jour de Steel Division : Normandy 44. Et elle peut compter sur un étonnant soutien : le député LR de la 3e circonscription du Calvados. Le mal nommé Sébastien Leclerc pose ainsi une effarante question écrite au Ministère du Travail le 6 mars 2018 où il attaque le jeune Syndicat des Travailleurs des Jeux Vidéos [3] en parlant de lui à la 3e personne : « (...) Il considère que si ce STJV a été enregistré sous la nomenclature des syndicats professionnels, il aurait été tout à fait possible de l’enregistrer également en tant que parti politique anarchiste (...) » et naturellement il s’agit d’ « une prise en otage » .
Que les lectrices et lecteurs inquièt·es se rassurent immédiatement : pour l’instant, aucun patron·e ni cadre n’a été victime d’un headshot ni même d’une séquestration, aucune chemise n’a été martyrisée...

Par contre un conflit d’intérêts évident à été mis en lumière une semaine après notamment par Le Monde mais aussi par la presse spécialisée qui explique le zèle de ce sémillant député !

Pour tenir financièrement les grévistes lancent un Pot Commun qui rassemble plus de 14.000€ ! Et tentent de faire connaître leur grève en envoyant des communiqués de presse réguliers, en mettant à jour la fiche Wikipedia de l’entreprise, en squattant les forums de jeux vidéos, etc. ce qui entraîne une certaine médiatisation et un soutien de la communauté des gamers.

Mais cela sera insuffisant pour gagner sur toute la ligne, la grève se termine le 3 avril dernier « pour conserver nos ressources en vue du futur. » (...) .
Et une nouvelle bataille s’ouvre cette fois devant les prud’hommes : une quinzaine d’(ex) salarié·es poursuivent la lutte devant les tribunaux. Affaire à suivre...

Pour plus de détails :
https://www.stjv.fr/2018/02/des-employes-deugen-systems-en-greve
https://www.stjv.fr/2018/02/511
https://www.stjv.fr/2018/02/les-grevistes-deugen-systems-tiennent-le-coup
https://www.stjv.fr/2018/03/deja-plus-de-3-semaines-de-greve-chez-eugen-systems
https://www.stjv.fr/2018/03/6-semaines-de-lutte-chez-eugen-systems

Note

Sur les conditions de travail du secteur, lire cette enquête de Mediapart ; les travailleuses et travailleurs du secteur participeront à la nouvelle enquête du STJV

Notes

[1- Minima conventionnels non appliqués

  • Classifications (grades et coefficients) dûes et non attribuées
  • Primes de vacances non versées depuis de nombreuses années
  • Non-respect des lois en vigueur sur le temps de travail

[22 CDI et un stage sont proposés rien que pour mars 2018

[3Créé en septembre 2017 et revendiquant plus de 70 adhérent·es, c’est le seul syndicat spécifique du secteur qui compte déjà deux syndicats patronaux

Mots-clefs : droit du travail | grève
Localisation : Paris 2e

À lire également...