NDDL - ZAD - Et TOC ! Récit d’un jour de victoire

À NDDL, les tensions au sujet de la D281 nous auraient presque fait oublier notre émotion à l’annonce de l’abandon. Les lignes qui suivent, écrites à chaud, entendent combler cette lacune...

Dans la zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes , l’euphorie de la victoire, pour être fracassante, fut cependant de courte durée. Dès le lendemain soir, lors de son assemblée extraordinaire, le mouvement dut prendre à bras-le-corps un sujet à propos duquel il se dispute depuis de nombreuses années : la route des chicanes.
Jeudi 26 janvier, après une semaine de travaux, de discussions interminables et de franches engueulades, nous avons finalement démonté les derniers édifices qui obstruaient la chaussée, tout en nous réengageant à la bloquer si de nouvelles menaces d’expulsion se faisaient sentir. Le lendemain, la préfète, après un bref passage en voiture, a annoncé l’ouverture de négociations, conjurant ainsi la possibilité d’une intervention policière contre les habitats illégaux avant le 31 mars.

Ces tensions au sujet de la D281 nous auraient presque fait oublier notre émotion à l’annonce de l’abandon. Les lignes qui suivent, écrites à chaud, entendent combler cette lacune.

Pourquoi y avait-il tant de gendarmes autour de la zad le 17 janvier ? Pourquoi l’hélico faisait autant de bruit dans le ciel enfin bleu au-dessus du bocage ? Pourquoi les journalistes parlaient-ils tant d’évacuation, de futurs blessés, de morts même, alors que dans la zone, pas un flic ne montrait le bout de sa matraque ? Pour couvrir l’événement. Couvrir le bruit retentissant que cette victoire allait faire résonner, ici, partout. Couvrir de peur et d’angoisse la liesse qui s’est emparée de tout un mouvement de lutte, endiguer cette énergie pour ne pas qu’elle déborde des écrans, des ondes, des éditoriaux. Couvrir, comme un voile de menace pour que ce triomphe n’apparaisse pas comme tel. Mais il est des instants qui ne se laissent pas aisément recouvrir. La victoire contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est de ceux-là.

La veille, à la radio, une habitante de la zad avait dit : « demain, nous avons rendez-vous avec l’histoire ». Ça fait peur, l’histoire, quand elle déchire bruyamment les plateaux remplis d’experts, les sondages, le calme plat qu’ils entretiennent. Quand elle crève enfin l’écran.

À midi, on était presque une centaine dans la salle d’accueil de la Rolandière à attendre la déclaration du Premier ministre. Dehors, derrière les rideaux trop courts, les journalistes avaient faim. Et nous, dedans, bien que cachés du spectacle, nous en formions le cœur. On écoutait à la radio des envoyés spéciaux en direct de notre pas de porte. Ambiance spéculaire. Il nous a fait longtemps languir, Édouard Philippe, puis il l’a dit, enfin, que nous avions gagné, il a craché avec difficulté ces mots-là qui prenaient effet immédiatement sur nos vies. « C’est aussi dur pour lui que de chier un oursin ! » a dit le naturaliste, toujours friand de métaphores animalières. Après de longues embrassades agrémentées de cris de joie, nous avons couru en haut du phare qui surplombe la ferme. Quelqu’un a sorti de son épaisse veste une bouteille de mousseux qu’il a sabré avec une serpette. Puis dans le rougeoiement des fumigènes, nous avons hurlé, chanté. On pouvait voir au loin la tour de Bretagne, symbole hideux de leur empreinte. Et pour tous ceux-là qui ont voulu réduire au silence nos existences, nous avons déployé ces mots : Et toc !

En redescendant, les marches n’avaient plus tout à fait la même consistance, parce qu’alors on savait que jamais il n’y aurait à leur place une tour de contrôle. Il nous aura fallu un demi-siècle pour l’effacer définitivement du futur, et ça y est, elle n’est plus là. Le phare, lui, tourne encore.

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Note

Vous trouverez toutes les informations à propos de la grande journée carnavalesque du 10 février sur Zad nadir : Le 10 février à midi, grandes déambulations carnavalesques à la zad de Notre-Dame-des-Landes

Mots-clefs : luttes environnementales | ZAD

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