Mais où sont les poulets ?

Le mois dernier, mercredi 21 avril au soir, la police municipale de Saint-Denis a réprimé un dîner solidaire organisé sur les bords du canal de Saint-Denis. Il nous paraissait important de revenir sur ces évènements. Ce nouvel épisode, révélateur de la gestion autoritaire de la nouvelle municipalité, s’ancre dans un contexte particulier : alors que la crise sanitaire liée au Covid 19 a projeté de nombreux-ses habitant-es dans la misère, la municipalité dionysienne n’a apporté qu’une réponse sécuritaire au renforcement des problèmes sociaux de l’une des villes les plus pauvres de France.

Après plus d’un an de confinements et reconfinements, quelques dizaines de dionysien-nes ont décidé d’organiser un barbecue solidaire sur les bords du canal de Saint-Denis, près de la porte de Paris. Ce bout de nature préservé, dont l’intégrité est régulièrement menacée par divers promoteur-euses, est devenu au fil du temps un des lieux de sociabilisation majeur des dionysien-nes. Il fait partie des rares lieux de la ville où étudiant-es, travailleur-euses précaires et chômeur-euses peuvent se retrouver sans devoir consommer ou se plier à des règles préetablies concernant l’usage de l’espace. Quelques dizaines d’exilé-es, pour beaucoup expulsé-es en novembre du campement qui s’était installé à Porte de Paris, vivent également sous des tentes à proximité. L’occasion était belle, mercredi 21 avril, après une journée ensoleillée, de faire profiter à tous-tes ces oublié-es de la pandémie ces quelques poulets tout juste retirés des rayons.

Vers 20h30, alors qu’une vingtaine de personnes sont présentes sur place, dans le respect des mesures barrières liées au Covid 19, la police municipale intervient brusquement en prétextant un non-respect du confinement. Tous-tes les participant-es sont dispersé-es et une trentaine de poulets sont confisqués, ainsi qu’une quantité importante de légumes et de baguettes de pain. Autant de denrées qui devaient être partagées entre les précaires et les exilé-es présent-es.

Cette action policière, inutile étalage de testostérone, n’a même pas été faite dans le respect du droit. La confiscation des poulets a été faite en dehors de tout fondement juridique. Nous savons que la police est dans une certaine mesure une violence fondatrice du droit, les pratiques policières précédant la plupart du temps leur inscription dans un cadre juridique. Mais ceci ne peut que nous inviter à être vigilant-es face à la normalisation de nouvelles pratiques répressives.

Le fait qu’il soit désormais possible pour la police de voler impunément des prolétaires à Saint-Denis doit nous interpeller sérieusement. Ce cas particulier nous aide à cerner l’évolution du « maintien de l’ordre » à Saint-Denis, dont le glissement répressif suit une tendance nationale.

Déjà, l’ancienne mairie (aile droite du parti communiste) avait lancé, bien avant la période de pandémie, une attaque contre les vendeur-euses ambulant-es de brochettes qui animaient le parvis de la gare de Saint-Denis, utilisant le vol comme arme de dissuasion envers des vendeur-euses souvent dans une situation administrative fragile. La nouvelle mairie (aile droite du parti socialiste) a encore renforcé cette politique, luttant de concert contre toutes les pratiques de l’espace publique jugées non-conformes à son idéologie (c’est à dire non-intégrées à l’économie de marché et à sa fluidité fonctionnelle). Elle ne s’est pas arrêtée là : après avoir pris un arrêté anti-chicha dans le centre ville, la nouvelle équipe municipale a décidé d’armer la police municipale de Flashball et d’armes de poing de catégorie B, de créer une brigade cynophile (de chiens) et de faire l’acquisition d’un drone de surveillance.

Les grands projets urbains en cours, tels que les JO, les quartiers de gare du Grand Paris Express, ou encore la rénovation urbaine, rendent le logement inabordable pour les plus pauvres et précaires. Cet urbanisme marchand nie les besoins des habitant-es actuel-les, pourtant exprimés à maintes reprises durant les « concertations ». Du fait de l’augmentation des loyers et des conséquences de la pandémie sur l’emploi, de nombreuses personnes se retrouvent dans une précarité accrue. La police municipale est ainsi devenue, en l’absence de tout programme social, l’unique rempart pouvant endiguer les conséquences d’une misère rampante. La police a bien compris son rôle et c’est parce qu’elle se sait essentielle et soutenue à bout de bras qu’elle peut aujourd’hui bafouer les plus élémentaires droits des dionysien-nes.

Nous ne voulons plus de cette toute-puissance policière à Saint-Denis et nous ne permettrons pas le vol inique de nos poulets ! Où sont les poulets ? Nous exigeons qu’ils nous soient rendus immédiatement !

Localisation : Saint-Denis

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