Lettre ouverte à Monsieur Ian Brossat. Contre l’abandon des mineurs et jeunes isolés étrangers

Lettre ouverte au conseiller de Paris et adjoint à la maire de Paris chargé du logement et de l’hébergement, le membre du PC Ian Brossat, concernant les jeunes sans pap’ laissés à la rue.

Monsieur,

Nous, habitants de la ville de Paris, souhaitons vous alerter et porter à votre connaissance des faits d’une extrême gravité. Comme vous le savez, des mineurs et jeunes isolés étrangers sont en errance dans les rues de Paris, totalement livrés à eux mêmes, et par conséquent en situation de danger. Leur survie quotidienne ne dépend que de la bonne volonté des gens, de militants, d’associations qui spontanément leur apportent aide et soutien. Mais l’entraide et la bonne volonté des gens, si importantes et précieuses soient-elles, ne sauraient se substituer aux obligations et missions des autorités publiques.

Ces jeunes, mineurs pour la plupart, sont abandonnés par la Paomie (Permanence d’accueil et d’Orientation des mineurs isolés étrangers) et par l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) qui repoussent les demandes de prise en charge, sans motif valable et font valoir des attendus mensongers. En conséquence, la loi elle-même n’est pas appliquée. L’arbitraire flagrant de la Paomie est de notoriété publique. Depuis plusieurs années et à maintes reprises, la Paomie a été l’objet de vives critiques de la part de nombreuses associations et du Défenseur des droits, lequel a établi un rapport accablant.

Ces pratiques se sont aggravées, notamment ces dernières semaines, puisque les notifications de l’Aide Sociale à l’Enfance (lesquelles s’appuient sur les évaluations de la Paomie) révèlent une augmentation très importante des refus de prise en charge. Davantage de jeunes se retrouvent sans protection et par conséquent privés d’hébergement, de vêtements, de nourriture, de soins médicaux ou dentaires, de soins d’hygiène également. Leur scolarisation ainsi que le suivi psychologique et social, pourtant indispensables en pareil cas, font défaut.

Dernièrement, les jeunes bénéficiant jusqu’alors d’un hébergement provisoire par l’association Au coeur de la Précarité, ont été brutalement remis à la rue. D’autres ont vu leurs documents administratifs, émis par les pays d’origine, contestés de manière arbitraire. Tout ceci ayant pour résultat une notification de refus de prise en charge par l’ASE, alors-même qu’ils en bénéficiaient jusqu’alors. Ces décisions sont inacceptables et expliquent qu’une soixantaine de jeunes aient décidé d’occuper spontanément la Paomie, le jeudi 26 février 2015, pour exiger « une prise une charge » et « un hébergement ». Leur colère comme leur détermination étaient d’autant plus vives que l’un d’entre eux, âgé de 14 ans, laissé sans soin pendant deux mois, a dû subir une ablation de l’oeil par l’équipe de l’hôpital des Quinze Vingt. Nous le constatons tous les jours, l’absence de prise en charge et en particulier d’hébergement, doublée d’une vie à la rue qui se prolonge entraînent inévitablement la survenue de pathologies graves et invalidantes.

La demande de prise en charge et d’hébergement, exprimée clairement par ces jeunes n’a reçu à ce jour aucune réponse : ni de la part de la directrice de la Paomie qui s’est déclarée incompétente, ni de la part du cabinet de madame Versini. Aucun responsable n’était disponible pour venir discuter avec les jeunes le jour même ; ce qu’ils demandaient expressément.

Vous conviendrez peut-être avec nous, que cette situation de non droit et d’abandon des jeunes, ne peut durer plus longtemps. Qui est responsable ? Et où sont les responsables ? La Paomie gérée par l’association France Terre d’Asile est mandatée par la Ville de Paris et L’ASE, elle dépend directement du département. Soyons clairs, ces organismes agissent selon les instructions de la Ville de Paris. En outre, la Loi relative à la protection de l’enfance indique très clairement que le département a la charge de la protection des jeunes étrangers isolés. Aucun doute ne saurait donc subsister quant à la responsabilité de la Ville dans cette affaire.

Mais, indépendamment de la loi elle même, nous considérons, comme un grand nombre de gens, que la Mairie ne peut laisser ces jeunes sans protection et totalement livrés à eux-mêmes. Ces adolescents, sans ressources propres et sans famille pour les accueillir doivent impérativement être pris en charge et protégés par la Mairie. N’est-ce pas en effet le rôle des autorités publiques et précisément ici celui de la Ville de Paris de protéger ses habitants les plus exposés au danger et de surcroît quand ils sont jeunes et fragiles ?

L’hébergement est la première priorité pour ces jeunes et nécessite que des mesures d’urgence soient prises par vos services, dans l’attente d’une prise en charge effective par l’Aide Sociale à l’Enfance. Aucun obstacle sérieux ne s’y oppose.

Collectif parisien pour la protection des mineurs et jeunes isolés étrangers. Mars 2015

collectifparisien@gmail.com

Note

Photographie issue d’une exposition du photographe Julien Faure traitant de la situation des mineurs isolés étrangers à Paris : http://www.toutpoitiers.com/agenda/exposition-photographique-de-julien-faure-mineurs-isoles-etrangers-.php

Mots-clefs : mineurs isolés
Localisation : Paris

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