Les « déchets » se rebiffent : manifestation des mal-logés au Syctom

Le 22 janvier au Sénat, Hervé Marseille, sénateur-maire de Meudon, et président de l’agence métropolitaine des déchets ménagers d’Ile-de-France, s’est permis de dénoncer Paris qui « envoie de nouveau ses déchets, ses logements sociaux, ses cimetières et ses usines d’incinération » dans les communes riches des hauts de Seine.

Il fut un temps où Paris nous envoyait ses déchets, ses logements sociaux, ses cimetières, ses usines d’incinération… Et ça recommence : voyez les 2 000 logements sociaux de Paris Habitat, à Boulogne ! Construisez-les donc à Paris ! » [1]

Ces phrases ont été prononcées dans l’enceinte du Sénat, par le sénateur des Hauts de Seine, Hervé Marseille, le 22 janvier, pendant les débats sur la loi du Grand Paris.

Alors que plus de 450 personnes sont mortes dans la rue, faute de logement l’an dernier, alors que 3,5 millions de personnes sont mal-logées dans ce pays, un élu, un représentant de la République du plus haut niveau peut comparer les demandeurs de logement et les déchets, sans aucune honte.

M. Marseille est, en sus de ses autres nombreuses fonctions, président de l’agence métropolitaine des déchets ménagers d’Île-de-France. Mal-logés ou sans logis, nous sommes donc venus le rencontrer collectivement au Syctom, afin qu’il nous explique précisément en quoi nous ressemblons aux ordures qu’il est chargé de gérer, en quoi, si nous devenions des habitants de logement sociaux dans son département, notre présence serait comparable à celle d’une décharge publique ou d’une usine d’incinération.

Joint au Sénat, Monsieur le Sénateur Maire de Meudon, par l’intermédiaire de son directeur de cabinet, nous a fait savoir que nous « manquions de respect » à un homme de son importance en nous invitant au Syctom et qu’il convenait de rentrer chez nous, et éventuellement de lui écrire une lettre.

Manifestement, Hervé Marseille n’a pas appris dans sa banlieue cossue des Hauts de Seine, ce qu’était le respect mutuel. Nous avons donc refusé de partir et manifesté plusieurs heures dans les lieux.

Les mots aussi graves soient-ils ne sont pas que des mots, lorsqu’ils sont prononcés par des élus de ce niveau. Ils traduisent une politique concrète : dans les Hauts de Seine, nombreuses sont les communes qui n’ont jamais levé le petit doigt pour tenter de répondre aux objectifs, pourtant déjà insuffisants, fixés par la loi SRU [2]. Nombreux sont les élus qui utilisent tous les moyens à leur disposition, de la préemption du foncier disponible au blocage administratif et judiciaire des projets de l’État ou des bailleurs sociaux pour qu’aucun nouveau logement social ne soit construit sur leur territoire. Nombreux sont aussi les élus qui contournent la loi, en ne faisant que du PLS, le plus cher des logements sociaux. À Meudon, dont M. Marseille est maire, 73% des logements construits sont des PLS, alors que 93% des demandeurs de cette seule commune ne peuvent accéder qu’à un logement très social (PLA-I) [3]. Après les changements d’équipe municipale suite aux dernières élections , ce sont 10 000 logements en projet que des maires tentent de faire annuler. La rhétorique de M. Hervé Marseille fait écho à toutes les campagnes menées pour que les gens assimilent « logement social » à « problème social ».

Mais le problème social, ce sont les 3,5 millions de personnes qui vivent le mal-logement, alors qu’on pourrait construire des logements sociaux. Le problème social, ce sont toutes celles et ceux qui vident les poubelles dans les Hauts de Seine et ailleurs, dans les bureaux et dans les immeubles confortables où vivent notamment des élus comme Mr Marseille, ce sont celles et ceux qui construisent ces immeubles, et qui non seulement ne sont pas logées, mais doivent encore subir le mépris et les insultes.

D’ailleurs ce mépris s’est tellement banalisé que les propos de M. Marseille au Sénat n’ont guère eu d’écho. Mal-logés, nous ne les avons pas moins pris pour ce qu’ils sont, une dangereuse stigmatisation qui, parmi d’autres, ne peut qu’aggraver notre sort. Nous ne les laissons pas passer.

Note

Publié sur le blog des Mal-logés en colère

Notes

[2Loi qui fixe notamment la part de logements sociaux dans une commune à 20% - note de la modération

Localisation : Hauts-de-Seine

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