« Les caisses de grève donnent confiance aux grévistes et effraient leurs adversaires. »

Les caisses de grève foisonnent à travers le pays depuis le début du mouvement contre la réforme des retraites. Plus qu’un outil de soutien financier, elles sont une manifestation et un indicateur de la solidarité de la population envers les grévistes. Depuis leur genèse au début du XIXe siècle, les caisses de grève ont connu des heures de gloire et des périodes d’éclipse au sein du répertoire d’action syndicale, tout en voyant leur forme s’adapter aux mutations aussi bien technologiques que politiques.

Entretien avec Gabriel Rosenman, ancien cheminot et militant à SUD-Rail qui réalise une thèse de science politique sur l’histoire et l’actualité des caisses de grève.

Qu’est-ce qu’une caisse de grève ? Quel rôle peut-elle endosser lors d’un mouvement social ?

Une caisse de grève est un dispositif qui permet d’aider des grévistes à réduire les pertes financières dues aux retenues sur salaire. Elle peut prendre trois formes principales, dont chacune véhicule des images différentes et correspond à un mode de financement spécifique. On pense bien sûr à la traditionnelle boîte à chaussure — pour collecter de l’argent liquide, sur le piquet de grève ou lors des manifestations — et à son équivalent numérique, la cagnotte en ligne, qui permet de recueillir des virements à distance. Dans ces deux cas, la caisse est généralement créée au cours de la grève et l’argent provient principalement de personnes extérieures qui souhaitent soutenir les grévistes. Enfin, la caisse de grève peut également prendre la forme d’une ligne budgétaire dans la comptabilité des structures syndicales. La caisse est alors permanente, et l’argent provient des cotisations des adhérent·e·s : c’est le cas pour les caisses « statutaires » de la CFDT telle la Caisse nationale d’action syndicale (Cnas) ou de la CGT des hôtels de prestige et économiques, impliquée dans les récentes grèves de femmes de chambre, comme en ce moment à l’hôtel Ibis Batignolles. Aujourd’hui, la plupart des grèves qui mettent en place des caisses combinent ces trois formes : collectes « physiques », cagnottes en ligne et contributions des structures syndicales.

Les caisses de grève ne se limitent pas à compenser (partiellement et a posteriori) les pertes financières des travailleurs mobilisés, elles donnent confiance aux grévistes et effraient leurs adversaires : patronat, directions, gouvernements. Leur fonction n’est donc pas seulement financière, mais aussi politique, notamment lorsque les sommes récoltées atteignent des montants importants. En effet, ces grandes collectes permettent aux grévistes d’espérer des versements conséquents, ce qui facilite la décision de poursuivre la grève, mais elles démontrent également l’existence d’un soutien large dans la population, aussi bien aux yeux des grévistes qu’à ceux de leurs adversaires.

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