Le transformateur de vérité, Résistons ensemble, février 2017, n° 160

| Résistons ensemble

Bulletin numéro 160 (février 2017) du collectif Résistons Ensemble. Formé en 2002, Résistons Ensemble a pour but d’informer, de briser l’isolement des victimes des violences policières et sécuritaires et de contribuer à leur auto organisation.

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 160 / février 2017
à télécharger pdf A4 recto-verso sur : http://resistons.lautre.net/spip.php?article570

Le transformateur de vérité

Sous la pression de la vague de manifestations de flics de novembre (voir RE 157), le gouvernement est sur le point d’accoucher d’une loi assouplissant l’usage des armes à feu pour les forces de l’ordre. Le projet, présenté au conseil des ministres le 21 décembre 2016, vient s’ajouter à la récente série de mesures renforçant considérablement les moyens de répression : fusils d’assaut HK G36, loi du 3 juin 2016 élargissant déjà les possibilités d’usage des armes à feu, etc. Le nouveau texte permettrait de s’affranchir du principe de riposte immédiate, en offrant aux policiers les règles beaucoup plus souples s’appliquant aux gendarmes. Ces derniers bénéficient du statut de militaire régi par le code de défense. On a vu ce que ça donne, un exemple : un Rrom, Joseph Guerdner, a été tué menotté, trois balles dans le dos, par un gendarme en 2008. Un amendement propose même d’élargir la règle à la police municipale. Pour faire simple, les flics pourraient ouvrir le feu après sommation face à la menace de personnes, pour défendre un terrain, une personne, lorsqu’un individu cherche à se soustraire à leur garde et lorsqu’ils ne peuvent arrêter autrement un véhicule en fuite.
Le policier qui a tué Amine Bentounsi en 2012 d’une balle dans le dos ne serait de fait plus inquiété. Déjà à l’époque sa mise en examen avait provoqué des manifs de flics entre les deux tours de la présidentielle, réclamant la “présomption de légitime défense”, une revendication défendue de longue date par leurs syndicats. Le procès en appel se déroulera du 6 au 10 mars 2017. Un des projets de loi discutés fait d’ailleurs allusion à l’affaire sans la nommer, s’arrangeant au passage avec la vérité. Amine s’y retrouve alors « recherché pour des vols à main armée », ce qui est totalement faux. Il était recherché, car il n’avait pas réintégré le centre de semi-liberté où il purgeait une peine. Amal, la sœur du jeune homme, a porté plainte pour diffamation. « Peut-être que déposer plainte n’aboutira à rien, mais pour moi, c’est symbolique. » (Pétition à signer sur : https://www.change.org/p/une-urgence-dire-nonaupermisdetuer)
Le chiffre est plutôt stable, on peut compter 10 à 15 morts par an, tués par la police. Tous ne l’ont pas été par arme à feu, mais salir la mémoire des personnes décédées est bien une constante dans ces affaires. “Il était délinquant, drogué”… une manière pensent-ils de minimiser la responsabilité policière. Argument insultant et rance. Quand bien même le mort l’aurait-il été, cela ne peut en aucun cas justifier qu’on le tue. Mais la version officielle, savamment médiatisée, construit sa “vérité alternative”, à la Trump.
Cela aidant, on ne compte que peu de mises en examen de policiers suite à l’usage de leur arme en service. Les procès sont rares, et les condamnations encore plus. Et si l’on regarde de plus près les conditions dans lesquelles l’arme a été utilisée, on s’aperçoit qu’ils n’ont pas attendu “d’être sous le feu” pour presser la détente. Ils n’ont pas davantage attendu cette nouvelle loi pour tirer sur des individus en fuite.
On peut sans risque parier que la police continuera de tuer impunément. La loi ne changera pas grand-chose, et semble davantage là pour entériner une pratique de fait et la justifier encore davantage. C’est une déclaration de soutien de l’État à son bras armé. La loi opère un changement idéologique et consacre la version policière comme seule vérité.

> chronique de l’arbitraire

Torture sexuelle à coup de matraque
Le 16 janvier au tribunal de Bobigny a eu lieu le procès du flic municipal de Drancy accusé d’avoir brutalisé un homme de 28 ans notamment en lui introduisant sa matraque dans l’anus. Malgré les preuves accablantes : plaie ouverte à l’anus constatée par un médecin le soir même, sang retrouvé dans la voiture de police et sur le caleçon de la victime, ADN au bout de la matraque du flic (!), celui-ci nie tout incident. Le procureur demande 6 mois avec sursis, c’est moins que ce dont avait écopé la victime dix ans plus tôt pour insulte à agent !
Ce jeudi 2 février, c’est un jeune de 22 ans, Théo, qui est victime de cette même violence à Aulnay-sous-Bois. Une patrouille de 4 flics de la BST contrôlent un ado, l’un d’eux lui met une gifle, Théo proteste et se fait interpeller très brutalement comme le montrent des vidéos filmées par des témoins. Quand il sort du commissariat, c’est avec une plaie à l’anus (déchirure de 10 cm) qui lui vaudra une opération et 60 jours d’ITT. Il témoigne avoir été violé à coup de matraque par les flics, ceux-ci nient les faits. Ils ont été mis en GAV et la famille de Théo a porté plainte.
Dernière minute : après de multiples tergiversations, les quatre flics ont été mis en examen pour violences volontaires en réunion et un des quatre aussi pour viol. On attend la suite.

« Vérité et justice pour Mehdi ! »
À Vénissieux, le 11 décembre 2016 trois copains rentraient chez eux sur un scooter lorsqu’ils ont croisé le chemin de la police. « Ils étaient collés à la plaque du scooter, vraiment collés collés. À la fin de cette course, on a eu un accident très grave, qui a entraîné la mort de Mehdi. » témoigne un des copains. La version policière nie toute course poursuite, conclusions : un banal accident de la route. La famille, les proches, dénonçant cette mascarade, ont créé le comité « Vérité et Justice pour Mehdi » et appelaient le samedi 28 janvier à une marche blanche. 150 personnes ont défilé encadrées par un impressionnant dispositif de gendarmerie. Les forces de l’ordre multipliant les provocations et intimidations, ainsi toute la famille de Mehdi s’est retrouvée encerclée et contrôlée par une quinzaine de flics de la BAC les menaçant de porter plainte pour “slogans non appropriés”. Infos : https://rebellyon.info/+-Verite-et-Justice-pour-Mehdi-+

Le flashball tue et mutile…
Un mort, 42 mutilés gravement ces dernières années. Des procès faits pour dédouaner les auteurs de ces crimes. Dernières nouvelles :
Rennes. Deux policiers ont été placés en garde à vue le 24 janvier à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Une enquête doit préciser leur rôle durant la manifestation du 28 avril au cours de laquelle un étudiant avait perdu un œil. La suite ?
Marseille. Un policier qui a tué d’un coup de flashball un travailleur immigré en 2010 est passé en jugement. Il avait tiré à 4,40 m en riposte à un lancement de mug d’un homme excité. Ce que le tueur a appelé une “légitime défense”. Le procureur a demandé 18 mois avec sursis. Délibéré le 3 mars. Imaginez la peine pour un homme qui tue un policier excité.

Geoffrey
Cour d’appel de Paris, 9/11 janvier 2017 : procès du flic qui a mutilé Geoffrey 16 ans. Le proc demande une peine assortie du sursis, pas d’interdiction d’exercer contrairement au jugement de la première instance. La peine serait donc à la discrétion des juges, mais tout doit être fait pour que le flic continue à officier, déjà promu, déjà muté. Tout est fait pour dédouaner le flic, jusqu’à lui faire dire que Geoffrey agressait de pauvres policiers désemparés et sans armure… Cinq minutes avant la projection de la vidéo qui incrimine le flic, Joachim Gatti, mutilé à Montreuil le 8 juillet 2009, excédé, se fait virer du tribunal. Verdict le 28 mars 2017, le délai pour le délibéré est sacrément trop long, mais comment formuler un jugement clément pour le policier face à la vidéo qui le charge !

Pour que la vérité sur la mort de Rémi Fraisse ne soit pas enterrée par la justice
Plus de deux ans après que Rémi ait été tué par une grenade offensive tirée par un gendarme : aucune mise en examen et un fort risque de non-lieu. Jean Pierre Fraisse, le père de Rémi, a donc déposé deux nouvelles plaintes : l’une vise le préfet du Tarn et son directeur de cabinet pour homicide involontaire et se fonde sur des enregistrements audio d’une scène qui a eu lieu 5 jours avant la mort de Rémi et au cours de laquelle une députée les met en garde contre un « risque de dérapage à tout instant » ; l’autre, pour faux témoignages, vise 3 gendarmes, dont celui qui a tiré et n’a pour l’instant aucunement été inquiété. Pour que le tir qui a valu la mort à son fils ne se résume pas à ce que veut en faire l’État : « un abominable accident ».

Les flics de Pantin toujours aussi agressifs
Il y a un an ils s’en étaient pris à Zohra Kraiker et à ses deux fils (voir RE 148) ce qui avait abouti à la création d’un comité de vigilance contre les violences policières à Pantin (page FB : https://fr-fr.facebook.com/CVCVPP93/).
Le 20 janvier les flics se sont attaqués à Kazbek et Kaïr, deux réfugiés tchétchènes. Vers minuit, les deux jeunes hommes sonnent à la porte du comico pour demander à récupérer leur voiture comme les y avaient invités les flics de Bobigny qui la leur avait confisquée lors d’un contrôle. Personne ne daigne leur ouvrir et de l’autre côté de la vitre, les flics les provoquent, Kazbek réplique par un bras d’honneur. 2 flics sortent alors en furie et les aspergent à la gazeuse au poivre. Celui qui a pris le bras d’honneur comme une insulte personnelle les roue de coups et leur casse leur portable. Kazbek et Kaïr ont porté plainte, soutenus par une assoc culturelle tchétchène.

Les policiers confisquent les couvertures
À Paris, les policiers harcèlent les migrants en leur confisquant leurs couvertures, utilisant parfois des gaz lacrymogènes pour les disperser, allant jusqu’à leur interdire de s’asseoir dans la file d’attente du centre humanitaire de la Chapelle où ils attendent une place d’hébergement. Des pratiques qui mettent en danger la vie des migrants : les équipes de Médecins Sans Frontières ont dû prendre en charge huit personnes proches de l’hypothermie. Et la répression s’abat sur les personnes qui osent parler aux migrants, comme l’a fait Houssam El Assimi.

Délit de solidarité, suites…
la Vallee de la Roya entre l’Italie est la France, est un nouveau lieu de passage pour les migrants (voir RE 158). Juges, procureurs et responsables politiques s’acharnent contre les habitants qui leur viennent en aide. « Il y a des gens qui sont morts sur l’autoroute, il y a des familles qui souffrent, il y a un État qui a mis des frontières en place et qui n’en gère absolument pas les conséquences » explique Cédric Herrou lors de son procès le 4 janvier. Le procureur a requis 8 mois avec sursis, délibéré le 10 février prochain. Depuis Cédric Herrou a de nouveau été arrête avec deux autres personnes : garde à vue, perquisition, casqués, visières baissées, gilets pare-balles et armes à portée de main… À lire la lettre au procureur de la mère de Cédric : http://roya06.unblog.fr/2017/01/23/posts-de-cedric-sur-facebook-2112017-lettre-au-procureur-et-al/

À Montreuil la mairie de « gôche » expulse à nouveau
Le 18 janvier pendant la vague de « froid polaire », la police accompagnée d’employés de la mairie intervient au 119bis rue de Paris pour en sortir le collectif « Salamatane » qui occupe un bâtiment lui appartenant. Le respect de la trêve hivernale leur est refusée au prétexte que seules des associations figuraient sur la procédure d’expulsion et alors même que ce qui motivait justement cette dernière était « l’acte de solidarité qu’elles pratiquaient en hébergeant des personnes sans logement ». Les expulsés occupent la rue et continuent de réclamer un relogement.
Autre affaire : l’espace social et culturel « La parole errante » est menacé de fermeture. Le lieu risque d’être mis à disposition de deux acteurs culturels inconnus localement. Alors « qui veut la peau de la Parole Errante ? » La mairie et le conseil départemental (à qui appartient le lieu) se renvoient la balle.

Harcèlement policier dans les Foyers Adoma et Coallia
Au foyer Coallia à Rosny-sous-Bois les résidents et leurs visiteurs sont systématiquement contrôlés. Même chose à Montreuil au foyer Bara. La police traque évidemment les travailleurs en situation irrégulière… Il faut comprendre ce harcèlement policier dans un contexte plus large : incendies (Foyer rue Nationale à Boulogne), agressions extérieures (Foyer des Grésillons à Gennevilliers), délabrement et quasi-abandon des bâtiments par les gestionnaires. Le gouvernement a entrepris de récupérer le parc immobilier de la SNI (géré par Adoma et Coallia) pour y loger les exclus du logement social. Les Foyers de Travailleurs Migrants ont changé de statut, tous les espaces collectifs ont été fermés et les travailleurs actifs ou retraités sont devenus des « clients » locataires de chambres de 7,5 m2 qu’il faut chasser !

> agir

Procès en appel du policier qui a tué Amine Bentounsi
d’une balle dans le dos en 2012. Du 6 au 10 mars 2017 ; Cour d’appel de Paris, M° Cité Infos : https://paris.demosphere.eu/rv/52009

Bordeaux - Violences policières, l’État en procès
Le 19 mars 2009, M., activiste militante bordelaise, se faisait violemment interpellée lors d’un rassemblement de soutien à un squat. Défigurée, elle passe sa nuit de garde à vue à l’hôpital où on lui prescrit 7 jours d’ITT. Elle porte plainte et commence pour elle un long parcours pour obtenir justice. Classement sans suite, non-lieu, M. s’acharne. Ce 9 février 2017, elle assigne l’État au tribunal pour qu’il réponde des dysfonctionnements qui ont mené à ce cassage de gueule. Pas question de lâcher l’affaire ! RV à 9h, au Tribunal de Grande Instance de Bordeaux – 30 Rue des frères Bonie. Info : http://clap33.over-blog.com/

Bure - enfouissement de déchets nucléaires
Semaine d’actions du 14 au 18 février 2017 - samedi 18 février 2017 : Marche sur la forêt. Infos : www.vmc.camp - twitter les Ziradiés, FB Bure à Cuire

Jolie môme
Procès de Cyril et de 6 autres militants pour la dégradation imaginaire du rideau métallique du Medef. RV, le 10 février 2017 à 13h dans la 10e Chambre correctionnelle du TGI de Paris.

Concert de solidarité avec les 6 pirates somaliens incarcérés en France
Le dimanche 19 février au CICP, à partir de 17h au CICP, 21ter rue Voltaire, M° rue des Boulets, Info : https://paris.demosphere.eu/rv/52947

Localisation : région parisienne

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