LE MICHTO - Le squat le plus éphémère

Le squat le plus éphémère de l’année, s’est soldé par une expulsion illégale. Parfois, vice de procédure rime avec dossier qui passe à la trappe. C’est ce qui s’est passé la semaine dernière pour le Michto, petite boutique de 65 m2, vide depuis 2008, sise au 78 rue de Charonne, dans le 11e arrondissement.

Le Michto, future librairie indépendante, free shop basé sur le troc, lieu de rencontres artistiques, rempli de projets variés, avait un réel destin politique : la démarche de créer un lieu convivial d’animation de quartier afin de mettre un peu de couleur dans cette rue connue pour ses bobos et ses restaurants asiatiques.

Hélas, ce lundi 7 novembre dernier, les squatteurs de la petite boutique donnant pignon sur rue ont été réveillés par trois gros bras se faisant passer pour des huissiers, avec un fort accent croate. Quand ces drôles d’« entrepreneurs » ont tenté de changer la serrure de force, les occupants ont alerté la police. Quand les autorités sont intervenues, l’incartade n’était pas loin, et les policiers sont arrivés juste à temps pour prendre connaissance de l’occupation, constater de manière formelle, et ont prié les gros bras en colère de vider les lieux. L’après-midi du même jour, les occupants sans droit ni titre ont fait connaissance avec la propriétaire, et les squatteurs considéraient que la procédure étaient en marche. Ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’au lieu d’entamer une procédure d’expulsion ou des négociations à l’amiable, la propriétaire repasserait à l’attaque un beau matin, avec perceuse et gros bras.

C’était ce jeudi 10 novembre, soit trois jours plus tard, la milice croate (les « entrepreneurs ») travaillant pour la propriétaire du 78 rue de Charonne, ont encore une fois forcé l’entrée de la nouvelle occupation sans droit ni titre. Rebelote, les occupants font appel aux forces de l’ordre : une brigade en VTT arrive mais la donne a changé. Ces derniers constatent une dégradation sur un bien privé et invitent tout le monde à venir faire une déposition au Commissariat du 11e pour tirer cette histoire au clair. Un agent assure la surveillance des entrées et des affaires des occupants qui vivent dans ce lieu depuis deux semaines déjà. Coup de théâtre : une fois arrivés au poste, les deux squatteurs se retrouvent en garde à vue sur instruction du Procureur pour Dégradations sur bien privé en réunion ! Après ce doux séjour d’enfermement de 20h (de 15h30 à 11h30), les occupants sont priés de quitter les lieux en une heure, la serrure a été changée (alors que leurs affaires étaient encore à l’intérieur) et une brigade surveille le déménagement. Aucun document officiel n’a été fourni, et aucune suite ne sera retenue contre les occupants…

Après seulement deux semaines d’occupation, le projet n’aura donc pas le temps d’aboutir et d’ouvrir les portes au public, car les autorités ont expulsé les squatteurs sans aucune notification physique (mandat du préfet, Procès-Verbal ou même jugement devant un tribunal).

Les occupations sans droit ni titre sont encore un statut défendable en France malgré la suppression de plusieurs lois qui les protégeaient (comme la trêve hivernale). Encore trop d’espaces sont vides pour des raisons de spéculation immobilière, abandonnés de toute vie, alors que le fossé se creuse davantage entre des classes sociales qui partagent pourtant le même air, mais le respire différemment.

Localisation : Paris 11e

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