Le coup d’après

La mobilisation pour le 10 septembre arrive à grands pas. De nombreuses actions de sensibilisations et d’appels à ses journées de blocages voient déjà le jour. Bayrou tente le baroud d’honneur en mettant en jeu le gouvernement par un vote sur le budget le 8 septembre, replaçant l’attention sur la politique institutionnelle. La gauche hésite à son habitude, plus personne ne l’attend vraiment, alors qu’un grand nombre de bases syndicales sont déjà en mouvement. Le 10 est sur toutes les bouches, faisons en sorte qu’il soit le début de quelque chose.

De nombreuses idées émergent, de la grève générale au blocage des rocades. Si l’on souhaite un dépassement du mouvement des Gilets Jaunes, il semble important de se donner quelques pistes pour que la lutte dure, grandisse et ne meurt pas, que ce soit dans la répression, l’épuisement ou le manque de perspectives révolutionnaires. Un moment de révolte est une expérience collective qui doit être un pas de côté vis-à-vis de la politique institutionnelle, celle qui décide pour nous et qui nous réprime. Ce pas de côté est notre capacité à créer autre chose, d’autres quotidiens en espérant qu’ils perdurent. Pour cela, il faut renforcer des réseaux de solidarité, il faut développer notre autonomie. Pour cela, il faut imaginer le coup d’après.

Si nous considérons cette mobilisation comme le début d’un mouvement, alors cela nécessite que chaque groupe et personne puisse agir en mutualisant ses moyens et que localement, on se retrouve pour lier nos forces, tout en restant vigilant.es à prendre soin de nous et du collectif. Concrètement, cela veut dire répondre aux besoins de base : manger et boire, se reposer, discuter, prendre soin, se défendre, attaquer et le faire dans un élan commun.

Manger : Le territoire abrite de nombreux et nombreuses personnes ayant des capacités matérielles de faire de la bouffe, en petites ou grandes quantités. Il nous semble important de s’organiser en amont pour prévoir des repas sur les points de blocages, mais aussi prévoir des banquets aux fins de manifestations pour que l’on se rencontre sans être pressé par l’agenda ou la répression, permettant aux personnes ne pouvant pas se pointer dans des actions de discuter et sentir le mouvement. Partagons nos plans récup, invitons les maraîchers, les magasins et restos à donner ou amener à manger sur les points de mobilisations proches, préparons des stocks de petits déj, du matériel de cantine et de quoi tout transporter. Déjà, de nombreuses cantines militantes se mettent en lien pour s’organiser. Rejoignons ce mouvement. Lorsqu’elles se mettent à plein régime, comme à Rennes ou à Nantes, cela change la situation. Ainsi le ventre plein, nous pourrons durer.

Le repos : la différence entre un blocage à là demi-journée et un mouvement sur le temps long est bien sur l’impact réel sur l’économie et la vie normale, mais aussi sur notre fatigue. Combien de piquets de grève finissent avec une négociation bâclée à cause d’une fatigue générale ? Il nous faut donc penser le rythme de cette mobilisation. Prévoir des relais, des matelas, des zones d’accueils pour les camarades fatigués ou blessés, des cuisines, des toilettes. De nombreuses personnes ont des ateliers, qui pourraient permettre de fabriquer en amont des cabanes, des structures ou des palais pour nous abriter, à vos outils ! Beaucoup de trésors traînent dans les greniers et dans les garages. Offrons-leur une seconde vie en les partageant pour rendre les occupations pérennes et rejoignables.

Discuter : la parole est au centre du mouvement. Des centaines de groupes Télégram, Signal, Facebook existent déjà et sont le lieu de débats, de partage et de débuts d’organisation. Bien que cela donne parfois l’impression d’une masse infinie de messages, de trolls et d’idées en tous sens, il va falloir qu’on trouve une langue commune, qu’on développe une manière de s’entendre sans que le pouvoir ne nous comprenne, qu’on puisse échanger pour le surprendre, pour toucher les endroits qui lui font mal. Cela passe par des diffusions de textes, de vidéos, de chants, d’idées, le tout sur des canaux qui nous rassurent, qui sont le plus possible sécurisés afin que cela échappe à la répression. Il faut qu’on s’apprenne à flouter les visages, à effacer les métadonnées, à chiffrer les communications, à sécuriser nos listes de contacts et nos comptes-rendus d’AG, à publier des appels, à revendiquer des actions. Signal, s’il est bien configuré, reste pour le moment la meilleur appli pour communiquer rapidement. Les sites Mutu sont des sites sécurisés, régionaux, gratuits et participatifs modérés par des gens participant aux luttes pour les gens participant aux luttes, idéals pour témoigner, appeler, revendiquer. Tout le monde peut se faire un compte, il est donc possible de se les réapproprier. Les GJ nous ont appris que le gouvernement ne ménage aucun moyen pour ficher, surveiller et réprimer. Au lieu d’en avoir peur, nous allons nous préparer. De nombreux guides existent déjà, partageons les !

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