La manifestation des flics d’Alliance perturbée

Le syndicat Alliance Police Nationale, minoritaire mais très écouté par les instances gouvernementales, a maintenu sa « grande manif nationale » le 13 novembre dernier. La veille, Rémi Fraisse était enterré. Face à cette provocation, les associations de victimes de crimes policiers ont décidé d’aller affronter la horde qui battaient le pavé parisien.

En répandant de la peinture rouge sur le bitume, symbolisant les marques de pas d’assassins potentiels, cette action avait pour objectif de rappeler que la violence policière reste impunie. Les statistiques officielles sont muettes sur la question, permettant aux autorités de perpétuer une omerta hallucinante. Mais les chiffres sont pourtant là : en près de 40 ans, 320 morts par la police ont pu être constatés (cf l’enquête de Basta d’avril 2014). Entre-temps, il faut rajouter six nouvelles morts à ce sinistre bilan — dont celle de Rémi Fraisse. Entre 2000 et aujourd’hui, 133 sont tombées sous les coups ou les balles de la police (enquête de la revue Z, n°8, printemps 2014).

Ces dernières années, la moyenne est d’environ 20 morts par an. Tous les quinze jours dans les quartiers populaires, la brutalité de la répression policière tue, blesse ou mutile. Ensuite, lorsqu’il s’agit de faire la lumière sur ces agressions meurtrières, l’impunité est la règle. Les plaintes de familles de victimes contre leurs tortionnaires de la « force publique » se terminent généralement dans l’oubli : 40% des affaires n’ont pas eu de suites judiciaires « connues ». Quant la plainte est déposée — après de multiples intimidations pour que les soutiens et les familles ne « fassent pas trop de bruit » —, dans la majorité des cas le procureur classe la plainte « sans suite », pour « insuffisance de charges ».

Quant une instruction est ouverte, cas minoritaire sur les 326 connus à ce jour, il faut alors s’armer de patience et de courage pour subir les auditions, lire les expertises, se confronter aux mensonges des agents qui tentent toujours de présenter la victime comme un excité ou un délinquant, ou qu’il se serait lui-même mis en danger en résistant ! Il faut aussi avoir le courage d’exiger des contre-expertises, oser pousser juges et avocats à demander des actes qui iront à l’encontre de la version policière. Ensuite, il y a le chef d’inculpation. Trop rares sont les juges d’instruction qui osent qualifier le crime « d’homicide involontaire », subissant lui aussi pressions et menaces pour que le ou les flics impliqués ne soient pas trop méchamment « traités ».

Souvenons-nous qu’Alliance, le même syndicat qui défilait fièrement le 13 novembre, réclamait il y a encore 2 ans, après qu’un homme fut abattu d’une balle dans le dos à Noisy-le-Sec, que les policiers puissent bénéficier, comme les gendarmes, d’une « présomption de légitime défense » dès qu’un agent est impliqué dans un acte meurtrier. Enfin, l’instruction peut mettre des années et déboucher sur un non-lieu. Depuis 2012, au moins cinq affaires ont connu ce sort, la plupart étant confirmée devant la cour d’appel. C’est ce qui est arrivé en mai 2014 à la famille de Lamine Dieng, mort en 2007 étouffé après avoir été agressé et immobilisé par une escouade de flics dans le 20è arrondissement de Paris. Sept ans d’instruction pour déboucher sur un néant judiciaire. Ce type de décision est une blessure béante de plus pour les familles. Sans doute la plus difficile à avaler.

Et après, lorsque finalement l’enquête renvoie les responsables devant la justice, l’impunité persiste. Les rares condamnations sont prononcées avec sursis. Seize cas seulement ont conduit les auteurs en prison, soit 5 % des 320 crimes évoqués par Basta. Depuis cinquante ans, on ne compterait que trois révocations fermes d’agents tueurs de la force publique. Trois des sept agents de la BAC reconnus coupables en 2012 d’avoir agressé à mort Abdelhakim Ajimi, 22 ans, à Grasse en 2008 — après avoir bénéficiés d’un non-lieu — ont écopé de six à vingt-quatre mois avec sursis. Ils n’ont été suspendus pour la forme que quelques jours. Et les meurtriers ont été réintégrés dans la même unité des Alpes-Maritimes.

Comment, en constatant une telle impunité, ne pas parler d’assassinat lorsqu’un policier tue ? Un assassinat est un meurtre avec préméditation. Lorsqu’un agent abat sa matraque, lâche sa grenade ou appuie sur la détente, la préméditation est institutionnelle : l’impunité d’un crime policier excusera le prochain.

Il est utile de rappeler que Alliance avait déjà réclamé des [« fusils à pompe pour la BAC », en 2012, s’estimant trop peu dotés face aux hordes sauvages qui les agressent dans les banlieues ! Et pourquoi pas des grenades ? La gendarmerie a tout un stock d’engins « offensifs » qui vient d’être retirées de l’arsenal du maintien de l’ordre. Alliance va-t-il réclamer ce stock pour continuer son nettoyage des quartiers ?

Il est urgent de se révolter : notre police assassine en toute impunité !

Urgence, notre police assassine


L’émission « l’Actu des luttes » était présente au coup de pression du syndicat le plus à droite de la maison poulaga, jeudi, dans les rues de Paris, alors que les défilés et les actions se multiplient contre les violences policières.

Entretien avec Amal Bentoussi à l’occasion de la manif d’Alliance
Reportage et discussion autour des violences policières.
Localisation : Bastille

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