La guerre des universités

Article tiré d’ On a faim n°7, le bulletin syndical de l’Union locale CNT Chelles et Marne la Vallée (77).

A Champs-sur-Marne, l’université Paris-Est de Marne-la-Vallée (UPEM) s’agite. D’un côté, les personnels courent tête baissée : manque d’effectif, problèmes de gestion interne, changements permanents des formations, course aux financements privés. De l’autre côté, la direction lève la tête et rêve en grand : l’UPEM et l’université de Créteil ne feraient plus qu’une grosse Université qui serait le centre de la future Communauté « Université Paris-Est ». L’État ne financera que les Communautés et chacune distribuera les sous à ses membres donc il vaut mieux être parmi les plus gros pour avoir sa part. C’est la guerre des universités.

L’Université gonfle, gonfle... et dedans, les êtres humains explosent

Les travailleurs et étudiant-es de l’UPEM voient qu’ils-elles ne courent pas dans le même sens que leurs chefs. Ils-elles se posent une question simple : à quoi ça sert d’être plus gros ? A part gagner une quadruple bureaucratie : celle de Marne, celle de l’Université Marne-Créteil, celle de la Communauté Paris-Est et celle de l’État. A part coûter des millions chaque année (une fusion sert à conquérir le monde mais pas à faire des économies : la guerre c’est pas économique). A part dégrader les conditions de travail et d’étude (on ne mutualise pas les imprimantes, on mutualise les personnels et les étudiant-es, et en période d’austérité, de sous-effectifs et de déficit, ça va faire du dégât).

Pourtant, il y a des alternatives sans même parler de désobéir à la loi : la fusion n’est pas obligatoire et la Communauté peut être remplacée par une Association sans chef de file ni bureaucratie. Lentement mais sûrement, les personnels administratifs, les enseignant-es et les étudiant-es commencent à dire que ça suffit et à le dire fort.

Les gouvernements changent, la privatisation de l’université continue

Attention, si les résistances sont locales, le problème vient du gouvernement avant d’être relayé par les chefs locaux. On s’aperçoit que le nom du parti au pouvoir ne change rien. Les problèmes et les projets de l’UPEM sont les mêmes avec Sarkozy ou Hollande car ces deux-là font la même politique.

L’UPEM avait applaudi la loi Pécresse et le pouvoir qu’elle donnait à son président : « On va choisir l’autonomie budgétaire (mais sans gérer l’immobilier, on est raisonnable) et on évitera la bureaucratie de l’État. » Résultat : plusieurs millions d’euros de déficit. Aïe. Mais c’était Sarkozy : mettre en concurrence les universités (alors qu’elles devraient coopérer) puis les privatiser en diminuant les subventions. Sarkozy se félicitait alors de n’embaucher qu’un fonctionnaire quand deux partaient en retraite. Ca change ? Non, ça continue, en pire. Hollande n’embauche presque plus de fonctionnaire à l’université. Il dit regretter cette « nécessaire » austérité mais après avoir trouvé des milliards pour les banques, il trouve des milliards pour les entreprises, surtout pour les grosses. Pendant ce temps, la direction de l’UPEM se réjouit du pouvoir qu’elle aura dans la Communauté des bureaucraties où les personnels et étudiant-es laissent leur place déjà modeste au profit des futurs financeurs de l’université, entreprises et collectivités locales. Il faut attraper les gros sous.

L’UPEM avait déjà rajouté Paris-Est à son nom pour montrer au monde qu’elle formait l’Université Paris-Est (avec d’autres, certes). C’était la « politique de l’excellence » de Sarkozy : quelques grosses universités sont hyper subventionnées et les autres se débrouillent ou disparaissent. Ca change ? Non, ça continue : « On va former une grosse université dans une très grosse Communauté (mais sans compétences, on est raisonnable) sinon on va disparaître de la carte. » La grenouille qui se voulait aussi grosse que le bœuf, à la fin de la fable, elle explose. En attendant, ce sont les êtres humains de l’université qui explosent.

La cité Descartes : la guerre économique en marche

Enfin, on ne peut pas parler de l’UPEM sans dénoncer la destruction répétée, absurde et inhumaine, des maisons de fortune de la cité Descartes, « pour le bien » des familles qui y vivaient. Là aussi, ça continue, en pire : Valls incite à la haine des Rroms et les expulse deux fois plus que Sarkozy. Entre la privatisation de l’université et le racisme d’État, la cité Descartes révèle la cohérence des gouvernements successifs : mobilisation générale pour la guerre économique c’est-à-dire construire des machines (de guerre) bureaucratiques toujours plus grosses, en donner le commandement aux grosses entreprises, envoyer au combat les travailleur-ses à force d’austérité, de bureaucratie et de concurrence, éliminer celles et ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas servir cette armée.

Armée qui se veut avant tout efficace et n’a plus besoin d’autre objectif que la victoire économique. Le bien-être, la dignité, les droits humains, l’égalité - liberté - fraternité, la justice, l’autonomie, la démocratie, l’écologie ? Plus besoin de principes moraux pour nous guider : tout découlera de notre victoire. Galeano l’Uruguayen nous prévient : dans une guerre, la seule chose immorale, c’est l’inefficacité. « Tu ne veux pas de ce boulot sous-payé ? Tu devrais avoir honte ! Tu refuses ces ordres débiles, ce rôle de petit chef, cette course folle, ces injustices, ces miettes indécentes, cette haine de l’autre ? Comment oses-tu !? » Il est temps d’oser dire non à la guerre économique. Il est temps de refuser d’être les petits soldats qu’on sacrifie « pour leur bien ». Il est temps de défendre d’autres principes. Découvrons-nous résistants, organisons la mutinerie et luttons ensemble.

Localisation : Marne-la-Vallée

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