La Gazette des Ingouvernables n°1

La Gazette des Ingouvernables est la gazette du Collectif A l’Abordage des élections présidentielles. Elle sortira tous les mois jusqu’aux élections de 2017. Elle se propose de donner à lire les récits de ceux qui, par leurs pratiques et à l’encontre du tapage électoral qui déjà s’annonce, souhaitent plutôt rester maîtres de leurs gestes politiques.

N’hésitez pas à l’imprimer (en A3, ou A4 si ce n’est pas possible), et à la diffuser largement. Elle se plie en deux.

La gazette des Ingouvernables n°1

Un banquet s’est tenu dimanche dernier, sur le belvédère de Belleville. Ceux qui s’y étaient réunis ont affirmé leur volonté d’entretenir les solidarités et les ambitions nées au cours du mouvement contre la Loi travail, qui nous a tant liés. Aussi, furent discutées les nouvelles formes d’engagement politique que ce mouvement vit naître et qu’il s’agit désormais de défendre et de faire grandir, dans ces temps à venir marqués par les élections présidentielles.
Ces derniers mois, différentes initiatives ont en effet laissé voir que les volontés de rupture avec les formes traditionnelles de la politique étaient de plus en plus répandues : à Nuit Debout, dans le cortège de tête des différentes manifestations contre la loi travail et aux assemblées inter-luttes ou inter-pro, mais aussi sur les piquets de grève, à la ZAD ou à Calais : nombreux sont celles et ceux qui ont partagé des formes d’action et une idée de la politique qu’ils ne pourront plus jamais troquer contre un bulletin dans l’urne présidentielle. Ceux qui ont refusé de s’en remettre à un parti, à une direction syndicale ou à un candidat providentiel, estimant ces derniers bien trop distants des problèmes auxquels ils prétendent s’affronter, capables seuls d’édicter d’en-haut les façons adéquates d’agir politiquement. Qu’aurions-nous imaginé, qu’imaginerions-nous en leur absence ? Si nous ne nous ressaisissons pas de notre propre capacité d’intervention politique, nous n’en saurons jamais rien.

En nous opposant à la tenue de ces élections, nous affirmons la volonté de recouvrir un geste politique dont nous nous trouvons chaque jour davantage dépossédés. Cette dépossession politique, nous l’appréhendons tout particulièrement en ces temps d’agitation politico-médiatique autour de la campagne présidentielle. On pense aux contenus mêmes de la campagne, dont nos oreilles seront assurément saturées, ou au discours condescendant et culpabilisant invitant toutes et tous à « prendre ses responsabilités » en allant voter. Face à l’un ou l’autre, nous aimerions faire entendre qu’il existe une infinité d’autres façons plus justes d’être « responsable » politiquement aujourd’hui – en luttant aux côtés des migrants qui traversent les frontières sous nos yeux, en s’attachant à détruire quotidiennement le poids de l’économie sur nos vies, en se mobilisant sur nos lieux de travail, en protégeant la ville contre ses assauts immobiliers, etc. Une infinité d’autres façons que les incitations au vote – où devrait venir s’échouer l’ensemble de nos aspirations poli-
tiques – tendent à étouffer.

Pour autant, nous ne souhaitons pas tant détourner nos regards de la folle agitation médiatique de la campagne présidentielle, que de mettre en lumière sa profonde nocivité. Des débats politiques y seront artificiellement soulevés (la « crise des migrants », la « réforme du code du travail », « l’immigration » ou « l’islamisme ») face auxquels l’enjeu pour chaque candidat ne sera, comme il est d’usage, pas tant d’apporter ses propres éléments de réponses, que de profiter des clivages identitaires et des diverses stigmatisations qui en émanent pour accroître propre popularité.

Loin de ces médiocres calculs électoraux, c’est à ces autres façons d’agir politiquement que nous aimerions donner une voix, c’est elles que nous aimerions voir diffusées, discutées, inventées. Non pas pour les ramener toutes derrière un masque uniformisant, mais plutôt pour que, ajoutées les unes aux autres, elles offrent à voir la richesse des formes d’organisation et de résistance déjà à l’œuvre aujourd’hui – et que celles-ci se conjuguent, s’articulent, et gagnent ainsi en force et en détermination.

Jusqu’à rendre impossible, ou sans importance, le rite électoral et le tapage qui l’accompagne.

Localisation : Paris 19e

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