L’antisémitisme, un combat spécifique.

Pourquoi singulariser la lutte contre l’antisémitisme au sein du combat antiraciste ?

Depuis quelques années, on assiste en France à un renouveau des luttes contre l’antisémitisme. Celles-ci sont portées par exemple par des groupes antifascistes juifs comme Juifs et Juives Révolutionnaires, des collectifs intersectionnels comme Juifves VNER ou des associations comme le Réseau d’Action contre l’Antisémitisme et tous les Racismes. L’action de ces groupes rencontre parfois le questionnement suivant : « mais pourquoi distinguer l’antisémitisme du racisme ? »

Nous jugeons cette question pertinente et voulons y répondre.

Pourquoi s’attarder sur les spécificités de l’antisémitisme ? Justement parce qu’il est un racisme comme les autres. Pas plus grave, pas moins grave, mais qui doit être reconnu dans sa singularité.

L’antisémitisme et les racismes comme la négrophobie ou l’islamophobie partagent des traits communs. Tous les racismes procèdent par essentialisation, c’est-à-dire réduction des individu.es à des identités fantasmés. Les racistes disent : « toi tu appartiens à tel groupe, donc tu as toutes les caractéristiques de ton groupe, donc je te regarde mal, je te frappe, etc etc ».

L’antisémitisme, tout comme la sinophobie procède d’un fantasme de puissance : les Juifs.ves seraient tout.es puissant.es et contrôleraient le monde via leur pouvoir financier et médiatique.

L’antisémitisme porte en lui un projet exterminateur : pour sauver la Nation, la Race, la Oumma voire l’Humanité, il faudrait exterminer les Juif.ves, source de subversion et de déclin.

Les racismes comme la négrophobie, le racisme antiarabes ou l’antitziganisme, procèdent d’un fantasme d’infériorité : les groupes sociaux et/ou ethniques sont vus comme moins civilisés, culturellement et/ou racialement inférieurs ce qui légitime leur exploitation/discrimination/déshumanisation/mise en esclavage, souvent au nom d’un discours civilisateur. De ce point de vue, ces racismes diffèrent de l’antisémitisme.

Nous pensons qu’il est important d’établir cette distinction. Ça n’en fait pas des racismes moins graves que l’antisémitisme. Parler des singularités des différents racismes permet de mieux les combattre. Il y a un enjeu stratégique, et un enjeu de respect et d’empathie pour chaque racisé.e qui a une expérience singulière de la discrimination.

Il y a des racismes d’État : c’est le cas de la négrophobie (une personne noire a plus de risques de se faire contrôler ou violenter par la police qu’une personne blanche) ou de l’islamophobie (la loi sur les signes religieux ostentatoires à l’école qui discrimine de facto les Musulman.es).

En France, il n’y a plus vraiment d’antisémitisme d’État, mais l’antisémitisme n’en reste pas moins une oppression systémique : si la population juive en France ne fait globalement pas face à des discriminations institutionnelles, les rumeurs circulant sur elle dans tous les milieux font vivre les Juifs.ves dans un climat d’angoisse latent. L’antisémitisme se traduit au quotidien par des paroles ou comportements à caractère discriminatoire, des harcèlements et agressions à l’école, à l’université, au travail, dans la rue ou sur les réseaux sociaux. Quatorze personnes ont été tuées car juives dans les quinze dernières années en France.

Aujourd’hui islamophobie et antisémitisme fonctionnent parfois ensemble (ce sont des racismes différents qui ont des traits communs, par exemple des fantasmes conspirationnistes), mais aussi antisémitisme et antiféminisme, homophobie etc. Les Juifs.ves sont accusé.es d’organiser le « grand remplacement » des populations du nord par celle du sud, d’inciter à la « féminisation » de la société par le féminisme et la « théorie du genre », d’affaiblir les nations ...

Pour nous, lutter contre l’antisémitisme implique aussi de lutter contre l’islamophobie, l’offensive antiféministe etc mais il faut comprendre le rôle et le fonctionnement spécifique de chaque oppression dans la reproduction de l’ordre social. Et disons le clairement : nous n’avons pas besoin de prouver qu’un racisme a des traits communs avec l’antisémitisme pour lutter contre celui-ci.

En défendant que l’antisémitisme est un racisme qui a ses spécificités, nous voulons aussi dire que chaque racisme a ses spécificités. Parmi les racismes, l’antisémitisme est un racisme comme un autre : un mécanisme d’oppression systémique singulier qui génère de la souffrance et que nous combattons méthodiquement afin de tendre vers une société où toutes et tous peuvent s’épanouir dans leur singularité.

Des communistes engagés dans la lutte contre l’antisémitisme.

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