L’AKP et Erdoğan le sultan

Éclairage sur la situation actuelle de la Turquie sous Erdoğan et l’AKP, par le GARAP (Groupe d’Action pour la Recomposition de l’Autonomie Prolétarienne).

Morceaux choisis de l’article entier ici : http://garap.org/communiques/communique56.php

Le coup d’État raté de juillet 2016

La question face à un tel événement est de savoir à qui profite le crime et quelles sont les conséquences pour le prolétariat turc. Le premier à bénéficier de l’échec de ce putsch est bien sûr Erdoğan. Cela lui permet de réprimer, sans frein de la soi-disant opposition au parlement, tous les opposants à son gouvernement qu’ils soient d’autres mouvances islamistes, alévis, kurdes ou de gauche.
Selon Erdoğan, ce coup d’État a été orchestré par la secte islamiste Hizmet (service en français) et son dirigeant Fethullah Gülen.
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La suite est une guerre de pouvoir entre deux fractions de la bourgeoisie, Erdoğan n’hésite pas à user de la violence étatique, en installant un régime autoritaire à travers l’état d’urgence. Le nombre d’arrestations est énorme : 60 000 personnes dont 15 000 fonctionnaires du ministère de l’éducation.
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L’AKP : populisme, islamisme...

Erdoğan aime les symboles et rassembler ses fidèles, notamment sur la place Taksim à Istanbul haut lieu des manifestations ouvrières, pour tenir des discours totalement réactionnaires. L’AKP s’adresse aux turcs noirs pauvres, religieux et immigrés de l’Anatolie vers les grandes villes par opposition aux turcs blancs riches, éduqués à la vie politique et laïcs (cette vision de la société doit plaire aux sous-fascistes en tout genre...).
L’AKP est allé chercher un électorat conservateur et musulman et particulièrement les femmes au foyer. Le parti revendique 4 millions de militantes sur un total de 10 millions d’adhérents.
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Erdoğan, dans sa mégalomanie, a charmé une partie de la population en lançant des grands projets (qui profitent d’abord à ses copains du patronat bien sûr), payés par une croissance de 4 % et le triplement du PIB sur les 10 dernières années. L’exemple le plus frappant est la construction de son palais présidentiel démesuré à Ankara, la capitale institutionnelle. Mais c’est à Istanbul, la capitale économique (20 % du PIB et 55 % des IDE), que se concentre le plus de projets en vue de célébrer le centenaire de la République.
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... et libéralisme !

Erdoğan a su surfer sur une situation économique favorable.
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L’économie turque souffre d’un déficit de sa balance commerciale, elle importe plus qu’elle n’exporte principalement du fait qu’elle ne possède pas de réserves pétrolifères et pas assez d’industrie de pointe, et elle souffre aussi d’une lourde dette extérieure.
Elle a donc fait appel massivement ces dernières années aux IDE (Investissements Directs de l’Etranger en provenance majoritairement de l’Union Européenne) pour financer les entreprises ainsi qu’aux crédits afin de soutenir la consommation des ménages. Le rôle de l’AKP, à travers ses réformes politiques, est :

  1. d’intégrer au marché et de prolétariser des populations qui en étaient jusque là exclues (accumulation primitive), de par l’ancienne structure de la société anatolienne basée sur un secteur primaire dominant, composé de petits paysans, en promouvant une reproduction sociale élargie teintée des valeurs islamiques (la réussite personnelle et la famille),
  2. de stimuler le marché national en développant les infrastructures nécessaires de fluidification des marchandises, des capitaux et des travailleurs (TGV, autoroutes, aéroports et ports), en faisant appel aux partenariats publics-privés,
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Capitalisme autoritaire et lutte de classes

A première vue, on pourrait penser qu’il existe une certaine hégémonie dans la vie politique turque étant donné que l’AKP règne sans partage depuis 2002. Mais ce n’est pas le cas, l’AKP s’est heurté dès le début à l’État profond (Derin devlet) et le réseau Ergenekon, le pouvoir militaire laïc associé aux ultranationalistes, et il peut paraître étonnant que les gardiens autoproclamés du kémalisme n’aient pas organisé un coup d’état (comme en 1960, 1971, 1980 et 1997) pour renvoyer les islamistes hors du pouvoir.

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Mais l’AKP se heurte à la lutte de classes. Le gouvernement doit faire face à un mécontentement grandissant du prolétariat, conséquence de sa politique libérale qui selon le rapport du Conseil de Santé des Travailleurs et de la Sécurité au Travail (ISIG) compte 1049 morts sur leur lieu de travail durant les sept premiers mois de l’année 2016.
Depuis le mois de janvier, les métallurgistes des usines Schneider, ABB et Alstom sont en grève malgré l’interdiction ordonnée par le Conseil des ministres sous prétexte de «  sécurité nationale  » et malgré les menaces de licenciements des grévistes.
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Diviser pour régner fonctionne toujours et particulièrement en Turquie où le nationalisme est ancré en chacun dès la naissance.
Le racisme qui en découle vise en premier lieu les Kurdes, les réfugiés et les minorités ethniques et religieuses. La religion et le nationalisme sont deux outils de la bourgeoisie pour nier les classes au profit, soit de la communauté des croyants «  tous frères et sœurs  », soit du citoyen patriote chauvin.

Les exploités aliénés, divisés, empêchent l’émergence de la recomposition du prolétariat en classe révolutionnaire face au capital et permettent au patronat de faire baisser le salaire global en jouant sur la concurrence entre travailleurs.

Les événements qui se déroulent en Turquie sont l’expression, comme partout ailleurs, des contradictions du capital à l’échelle mondiale, qui n’arrive plus à reproduire socialement les développements qu’il engendre dans la productivité du travail. Et pour maintenir l’ordre capitaliste, la répression, appliquée par la police, l’armée et les milices d’extrême-droite (dont les Loups Gris), voudrait devenir la normalité d’une vie sous État d’urgence.

Note

Militants autonomes, nous nous inspirons de ce que le mouvement révolutionnaire a produit jusqu’ici de plus radical (conseillisme, Internationale Situationniste, opéraïsme…). Nous ne sommes pas des représentants de commerce : nous ne vendons ni des cartes d’adhérent ni de la critique pseudo-radicale en sachet (pour ça, il y a le NPA !).

Tu ne veux pas perdre ta vie à la gagner ? Tu te demandes comment détruire cette société qui te détruit à petit feu ? Tu veux en finir avec la malédiction du travail ? Ou tu te poses juste des questions ?
Contacte-nous.
Hésite-pas, on n’est pas cannibales ;)

http://garap.org/annexe/presentation.php

Mots-clefs : luttes des classes | Turquie

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