« Ils pensent qu’aux sous, on pense qu’aux soins » : discussion avec des soignants en lutte

Beaucoup de motivation pour ce premier moment de mobilisation nationale Des prises de parole très variées et des rouleaux de PQ balancés sur le ministère de la Santé en signe de désaccord avec les annonces gouvernementales de nouvelles coupes budgétaires. On voit pas mal de banderoles d’hôpitaux en lutte, du violet Sud, du rouge et noir, des intermittents et précaires venus pour la convergence, un collectif solidarité avec les dispensaires sociaux grecs, le planning familial, et cetera... On discute avec quelques personnes venues d’un peu partout au rassemblement parisien de ce mardi matin.

Caroline (psychologue) - En tant que psychologues, on se sent concernées par la menace qui pèse sur les hôpitaux publics, notamment la diminution de la prise en compte de l’importance de la dimension psychologique dans les soins. La santé, ça ne peut pas fonctionner comme une entreprise qui produit des marchandises. On voit de plus en plus de suppressions de personnel, les détresses psychologiques (y compris celles des soignants) sont de moins en moins prises en compte, alors que tout le monde peut être concerné. C’est l’accès pour tous à des soins de qualité qui est menacé !

Linda (psychologue) - Le discours à l’hôpital a complètement changé, c’est devenu un pur discours gestionnaire. Il y a une logique de rationalisation des moyens qui empêche de penser. Avec toutes les suppressions de personnel, on est dans une logique comptable, voilà, rentable, qui nous conduit vers un hôpital low cost : on va de plus en plus vers un système de soins à deux vitesses.

Caroline (psychologue) - Nous ce qu’on veut, c’est pouvoir maintenir un système de santé de qualité à la fois pour les malades, pour les proches et pour les soignants qui en sont les garants.

Jacques (infirmier) - En fait, il y a une attaque généralisée contre le système de santé, la sécurité sociale. La dette de la sécu est artificielle puisque tous les moyens qui devraient être alloués ne le sont pas, entre les entreprises qui fraudent et les exonérations de cotisations. Et du coup, on demande aux hôpitaux de se serrer la ceinture...

Manuela (aide-soignante) - Et surtout au petit personnel !

Jacques (infirmier) - Le gâteau de la sécu, maintenant, les banques veulent se le partager. S’il y a plus de sécu, ce sera une mutuelle ou des assurances que la plupart des gens pourront pas se payer. Ils ont déjà prévu qu’il y aura trois niveaux de mutuelle. C’est une attaque généralisée contre les soins, la même qu’en Grèce tu sais, alors qu’en Grèce le système fonctionnait, en 2000 c’était le 14e système de soins devant l’Allemagne et la Suède. Et on leur a imposé de passer à 6% du PIB. Maintenant, il y a des morbidités liées au diabète, l’espérance de vie diminue, et les femmes enceintes, on leur demande carrément suivant leurs moyens péridurale ou non, voie basse ou césarienne, et si elles payent pas, elles ont les huissiers chez elles. Nous c’est ça qu’on veut éviter. Alors aujourd’hui, il devrait y avoir plus de monde. Tu vois, c’est le premier mouvement national hospitalier depuis longtemps, attends, t’as eu 1988, le mouvement des 100 000 où les infirmières avaient fait grève pendant des semaines, avec des tentes devant les ministères. C’est la première fois depuis qu’on a une aussi belle opportunité de fédérer tous les hôpitaux. Et bon, il y a des syndicats qui sont pas là, qui font de la trahison. Et c’est vrai aussi qu’on est tellement à flux tendu, tellement pris par le service minimum, que c’est difficile de se mobiliser. Mais ce que j’espère ? que les gens se réveillent et qu’il y ait une révolution, voilà.

Linda (psychologue) - Faut pas être pessimiste, c’est une première convergence entre plusieurs hôpitaux, c’est le début d’un mouvement commun qui va rassembler de plus en plus de monde. Tout ça, c’est très positif, ça va se construire, c’est ensemble qu’on ira vers une société plus juste. Il faut continuer !

Après le rassemblement, il y a eu une AG pour discuter des perspectives. La détermination était encore bien présente, la mobilisation continue, avec déjà un prochain gros rendez-vous à l’horizon, le 16 octobre, avec le vote de la future loi de financement de la sécurité sociale.

Mots-clefs : hôpital
Localisation : Paris 7e

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