Idéologues et militants du social-chauvinisme

Démystifier ces discours et ces organisations est essentiel dans une période où la compétition économique entre les États européens ne fait qu’attiser les régionalismes, les nationalismes, et la xénophobie sous toutes ses formes.
Analyse disponible sous la forme d’un pdf de 26 pages.

de Jean-Claude Michéa au Parti de Gauche,

de Marianne à ATTAC, de Politis au PRCF,

de Frédéric Lordon au Monde diplomatique,

d’Emmanuel Todd au MPEP et au PCF...

Le « social-chauvinisme » est une vieille expression polémique utilisée durant la Première Guerre mondiale par les socialistes marxistes internationalistes (Lénine, Luxembourg, etc.) pour dénoncer les sociaux-démocrates qui soutenaient leurs bourgeoisies nationales respectives en usant d’une phraséologie pseudo-radicale… Aujourd’hui on retrouve le même type d’arguments sociaux-patriotes chez

– des intellectuels (Todd, Lordon, Michéa, Ariès , les équipes du « Monde diplomatique » et de « Politis », à gauche mais aussi les mêmes arguments nationalistes chez des républicains de droite, Taguieff, Finkielkraut, etc.)

– et des organisations (ATTAC, PCF, Parti de Gauche, MPEP, etc.).

Les membres de cette mouvance :

– critiquent « l’oligarchie » (vieux concept d’extrême droite), la dictature de la finance et la Bourse (idem) ;

– ils prônent un capitalisme industriel, productif, national et un État fort menant une politique keynésienne d’indépendance nationale, sans oublier, bien sûr, la défense des PME « bien de chez nous ».

Pour ce faire, ils s’affublent d’un masque critique, anticapitaliste ou altermondialiste, toujours chauvin.

Démystifier ces discours et ces organisations est essentiel dans une période où la compétition économique entre les États européens ne fait qu’attiser les régionalismes, les nationalismes, et la xénophobie sous toutes ses formes.

- Lettre d’un lecteur apportant des précisions à propos de Debord

Tout en ne reprenant pas à mon compte l’expression « social-chauvinisme » (trop connotée historiquement), je suis pour l’essentiel d’accord avec ce que vous écrivez dans votre billet du 21 juillet.

En revanche, rattacher Debord à ce courant « social chauvin » (même si c’est « comme ça en passant ») est absurde, pour ne pas dire grotesque. Il paraît possible dans le cas présent que vous avez-vous été abusé, comme d’autres avant vous. Je vais m’expliquer. Mais auparavant deux mots sur Meziouz Ouldamer, puisque ce texte de Debord (repris dans ses œuvres complètes avec la mention « notes pour Mezioud ») lui est destiné.

Ce militant politique algérien, emprisonné par le régime Bendjedid, s’est réfugié en France dès sa sortie de prison en 1984. Il adresse alors un manuscrit (Offense à président) aux Éditions Gérard Lebovici. Celles-ci le transmettent à Debord pour lecture. Son avis est favorable et le l’ouvrage paraitra l’année suivante. Debord et Oublamer se rencontrent en octobre 84 et sympathisent. Durant l’automne 85 Oublamer lui envoie le plan détaillé d’un projet de livre ("Le cauchemar immigré", qui paraîtra un an plus tard aux Éditions Lebovici), projet ayant fait l’objet auparavant de discussions entre eux.

Debord lui répond le 22 novembre, et joint à cette lettre ces fameuses « notes pour Mezioud". On ne peut comprendre ces « notes » sans avoir préalablement pris connaissance de cette lettre.

Debord conseille à son correspondant d’écrire ce livre dans « le style de ce que d’aucuns pourraient appeler le cynisme », et l’incite pour ce faire à relire le Rapport de Censor (livre qui a eu d’importantes répercussions une décennie plus tôt en Italie et auquel Debord à collaboré). L’écrire comme s’il s’agissait d’un auteur au-dessus de la mêlée, au « ton parfaitement impassible », qui n’en transmet pas moins quelques vérités difficiles à entendre. Ainsi pour l’intégration des immigrés (« Il n’y aura pas d’intégration »).
Les « notes pour Mezioud » illustrent dans le détail, en l’argumentant, le contenu de la lettre de Debord. Ce qui signifie pour résumer que le propos de Debord ne peut en aucun cas être pris au pied de la lettre. Il s’agit d’un procédé auquel a déjà eu recours un Machiavel (pour ce citer que lui). Ni auparavant, ni par la suite, Debord ne c’est exprimé de cette manière. Donc citer ces « notes » sans dire un mot et plus sur le contexte dans lequel elles ont été rédigées est fautif.

Si vous avez eu entre les mains l’édition des Œuvres complètes de Debord (qui inclut ces « notes sur "la question des immigrés » » sans les faire précéder de la lettre de Debord à Oublamer, ou sans apporter les précisions que je viens d’évoquer), vous avez en toute bonne foi été abusé par ce texte (puisque l’édition se révèle ici fautive). Mais si vous connaissez le tome 6 de la Correspondance de Debord (publié quelques mois après les OC), la dite correspondance comprenant la lettre suivie des « notes », alors cela devient incompréhensible.
Un lecteur

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Mots-clefs : anticapitalisme

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