Déconfinement sélectif et expérimentations sanitaires : la colère et le dégoût

L’annonce par le président Macron d’ouvrir les écoles le 11 mai dans la perspective d’un déconfinement généralisé, si elle n’est qu’un épisode de plus dans la gestion chaotique de cette crise par l’État, montre aussi comment s’articulent les niveaux sanitaires, politiques et économiques dans les décisions gouvernementales, et comment ces décisions sont prises sur le dos des plus pauvres.

La décision présidentielle de rouvrir les écoles, collèges et lycées le 11 mai n’a dupé personne, que ce soit parmi les professeurs ou ailleurs : ce dont il s’agit, ce n’est pas de pallier les inégalités scolaires qu’engendrerait l’arrêt des cours, ce qui est l’argument officiel, mais tout bonnement de remettre les parents au travail. Que cette décision intervienne deux jours après les déclarations du président du Medef invitant les entrepreneurs à « relancer l’activité » sans plus attendre n’a sûrement rien d’un hasard du calendrier.

Selon la méthode désormais classique des interventions présidentielles, le ministre Blanquer est intervenu le lendemain pour « préciser les modalités » de cette réouverture. Est alors apparu le caractère fonctionnel de ce qui pouvait n’être qu’un effet de discours parmi d’autres : la réouverture des écoles ne se fera pas d’un seul coup le 11 mai, mais d’abord dans les quartiers populaires et les régions rurales. La communication ministérielle joue elle aussi sur la corde compassionnelle, voire humanitaire : « le premier critère est d’abord social, les publics les plus fragiles ».

C’est donc ces « publics les plus fragiles » qui auront la chance de reprendre le travail en premier. Les autres, les moins fragiles, c’est-à-dire les plus favorisés, c’est-à-dire ceux qui télétravaillent actuellement depuis leur résidence secondaire en Dordogne pourront garder leurs enfants chez eux et rester à l’abri du virus. Entre ces deux catégories, tout un tas de gens se demande encore à quelle sauce ils vont être mangés.

Il est intéressant de noter que ce sont précisément ces « publics les plus fragiles » qui se trouvaient déjà être au travail, que c’est parmi ces « publics » que se trouvent ceux pour lesquels la période du confinement n’aura jamais signifié un arrêt de l’activité. La différence est qu’il s’agit là de poser les conditions d’une réouverture générale de cet indispensable vivier de main-d’œuvre bon marché que sont les quartiers populaires, de remettre tout le monde au travail.

C’est donc encore une fois sur les plus pauvres que la politique compassionnelle toute particulière du gouvernement va venir s’abattre, comme un fléau supplémentaire.

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