Débat sur le fascisme aux États-Unis

Débat autour du livre « Histoire du fascisme aux États-Unis » et du film « Punishment Park ».

Les institutions et la vie politique aux États-Unis ne cessent de soulever questions, controverses et fantasmes. Un pays étendu à l’échelle d’un continent qui se proclame la première et la plus avancée des « démocraties ». Le mythe de la terre d’opportunités est certes une belle image de communication, mais ne correspond guère à une réalité historique et politique.

Les États-Unis se sont construits grâce à une politique génocidaire et ségrégationniste, par l’esclavage et la répression brutale des revendications sociales. Il n’y a pas eu de régime fasciste à la tête de l’État, cependant des pratiques et des mouvements fascistes ont existé et existent encore. C’est ce que répertorie et analyse le livre de Larry Portis, « Histoire du fascisme aux États-Unis » et que Peter Watkins illustre remarquablement dans son film, « Punishment Park ».

Samedi 24 septembre 2016 à partir de 16h30 à Publico, 145 rue Amelot, 75011 Paris (métro République, Oberkampf ou Filles du Calvaire).

Aux États-Unis, le fascisme s’est graduellement développé, notamment en réponse aux tensions et aux conflits engendrés par l’avènement rapide d’un système industriel de production. Le syndicalisme, les antagonismes ethniques et racistes, les doctrines socialistes et les pratiques communautaires ont provoqué des réactions déterminées, de plus en plus organisées. Aux réactions élitaires du dix-neuvième siècle ont succédé les mouvances inspirées et financées par les élites capitalistes et les politiques sympathisants.

À la fin de la Première Guerre Mondiale, les instances étatiques sont confrontées à un problème qui dépasse la répression sociale et politique. Dans un premier temps, la guerre brise l’Internationale socialiste et sert de prétexte à réprimer toute opposition au capitalisme, mais elle provoque également des tensions sociales et génère des mouvements contestataires dans tous les pays industrialisés. La création d’une milice est donc jugée indispensable dans certains milieux de la classe capitaliste.

Jusqu’à la fin des années 1930 et au début de la Seconde Guerre Mondiale, la Légion américaine est le groupe paramilitaire fascisant de droite le mieux organisé et le plus actif au plan national. L’organisation, composée d’anciens combattants et calquée sur le modèle des chemises noires de Mussolini, prône et pratique ouvertement la répression de tout mouvement contestataire en toute impunité.

Pour les intellectuels — journalistes, professeurs, managers et « professions libérales » —, l’attirance envers l’autorité se fait presque automatiquement car, mentalement et en raison de leur formation, les « classes intermédiaires » sont respectueuses de l’ordre. Leur travail consiste, d’une façon ou d’une autre, à « rationaliser » un processus ou à discipliner leurs subalternes. Quant à leur position hiérarchique, elle repose sur leur capacité à contrôler une situation donnée. En bref, les intellectuels constituent une élite managériale qui peut considérer les solutions autoritaires comme une nécessité rationnelle au désordre et à l’instabilité. Pour les industriels, les financiers et leurs représentants dans les institutions administratives et politiques, un tel raisonnement est secondaire car le recours à la force et à l’intimidation leur paraît naturel.

Après la Seconde Guerre Mondiale, l’évolution de la communication de masse est influencée par deux éléments essentiels : la commercialisation de la télévision et la répression de la gauche, d’abord marginalisée puis écartée du débat public. De nombreux groupes ont pour but de discréditer la pensée socialiste, le syndicalisme radical et le réformisme social. La moindre critique du capitalisme et de ses institutions débouche immanquablement sur le refus de toute discussion politique.

Depuis le début des années 1980, l’instauration d’un régime fasciste est de plus en plus envisageable aux États-Unis. Qu’une partie significative de la population soit largement préparée à se soumettre à un régime autoritaire semble évident. Mais ce n’est pas nouveau. Alors, peut-on parler d’un danger de l’émergence du fascisme aux États-Unis ? Rien n’est prédertéminé ou inévitable. Ce qui frappe en ce début du vingt-et-unième siècle, c’est la manière dont la conjoncture politique et économique semble particulièrement propice à une solution fasciste, bien que la population soit profondément divisée.

Note

« Histoire du fascisme aux États-Unis », Larry Portis, éd. CNT
« Punishment Park », Peter Watkins, 1971

Localisation : Paris 11e

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