L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que l’épidémie mondiale de Covid-19. Vrai ou non, retour sur la période 2020-2021, au plus fort de la crise, quand certaines personnalités politiques françaises ont rivalisé de démagogie, caressant les complotistes dans le sens du poil « à l’insu de leur plein gré ».
« Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ? » Ces paroles du Chant des partisans, écrites pendant les heures sombres de l’occupation allemande par Joseph Kessel et Maurice Druon, sont bien connues du peuple de gauche. Elles symbolisent la résistance et la lutte contre toute forme d’oppression. Au moment de la crise du Covid, Kessel et Druon ont dû se retourner dans leur tombe en entendant les complotistes de la droite de la droite reprendre les premiers mots de leur hymne à la liberté. Très actif en 2021, le « collectif citoyen » Amis entends-tu a en effet relayé à l’envi les discours bafouant l’esprit de notre démocratie et les théories du complot.
Si ce collectif présidé par Jean-Paul Bazin est apparemment en sommeil depuis mi-2021 – il n’a plus publié de news ou d’appel à la désobéissance civile sur son site web –, il est toujours actif sur Facebook où il est suivi par 5000 afficionados. Là, il continue de relayer les infos qu’il juge bon de partager, comme la dernière conférence du Pr Christian Perronne à Nantes, le 7 mai dernier. Cette politique éditoriale n’a finalement rien d’étonnant.
Les hérauts de la « dictature sanitaire »
Commençons par un petit flashback. Décembre 2020, hôpital de Garches dans les Hauts-de-Seine. Un attroupement de manifestants réclame que l’on arrête de saper la réputation d’un des deux nouveaux chouchous des médias : le Pr Christian Perronne. « Nous vivons depuis dix mois un cauchemar, s’était alors insurgé le scientifique qui, avec le Pr Didier Raoult, faisait alors vendre beaucoup de papier. Nous rentrons en dictature sanitaire. L’Assemblée nationale a un projet de loi pour supprimer toutes les libertés. Si vous n’êtes pas vaccinés, vous serez des citoyens de seconde zone. Il faut réagir. »
Un mois plus tôt, Perronne figurait parmi les principaux témoins du « documentaire » de Pierre Barnérias Hold-up, retour sur un chaos. Ce ramassis de thèses complotistes avait eu son heure de gloire durant plusieurs jours… le temps que ses fake news soient démontées une à une. À l’époque, la participation d’un ancien ministre de la Santé à ce même « documentaire », Philippe Douste-Blazy, avait beaucoup gêné le landerneau politique français. Quelques jours après la diffusion en ligne de Hold up, Douste-Blazy avait voulu faire machine arrière, officiellement scandalisé par les propos tenus dans le film. Pourtant, quelques mois plus tôt, il avait soutenu la pétition de Perronne intitulée Ne perdons plus de temps concernant l’utilisation de la fameuse hydroxychloroquine. L’ancien ministre de droite regrette alors à demi-mot : « Je n’avais pas admis le fait qu’un ministre de la Santé empêche tout médecin de prescrire un médicament, ça n’avait jamais existé encore en France. J’ai voulu combattre cette idée-là. J’ai été maladroit, les Français n’ont pas les clefs pour s’exprimer sur l’hydroxychloroquine. » Depuis, Douste-Blazy a disparu des radars.
Quand le vice-président du Sénat s’en mêle
Mais « Douste » n’est pas le seul à s’être accoquiné avec les complotistes, quitte à jouer aux oies blanches ensuite. C’est aussi le cas du sénateur de l’Essonne Vincent Delahaye (UDI). Le 22 mai 2021, l’indéboulonnable figure centriste du département francilien participe à une manifestation des anti-vax au Trocadéro, comme c’était le cas chaque samedi à l’époque. Sur l’estrade défilent des personnalités connues du grand public comme l’humoriste Jean-Marie Bigard, l’ancienne chercheuse à l’INSERM Alexandra Henrion-Claude (elle aussi pilier du documentaire complotiste Hold up) ou encore Florian Philippot, ex-nº2 du Front national.
Au micro, Bigard fait le show et amuse la galerie, en disant qu’il n’est pas une tomate et qu’il n’a pas « envie d’être modifié génétiquement ». La foule exulte et scande « Résistance ! Résistance ! » Les discours s’enchaînent, de plus en plus complotistes et nauséabonds. Trois jours plus tard, alors que ses administrés l’accusent d’avoir participé à ce rassemblement d’extrême-droite et qu’ils réclament sa démission, Vincent Delahaye botte en touche sur Twitter : « À l’invitation du collectif d’artistes Ami entends-tu, je suis intervenu lors d’un rassemblement contre le pass sanitaire. Après mon départ, des propos inacceptables ont été tenus. Je les condamne avec la plus extrême fermeté. Rien de ce qui a été dit ne me ressemble. » Dans les colonnes du Parisien, il plaide la naïveté : « J’aurais peut-être dû être plus précautionneux, mais le rassemblement ne me semblait pas du tout polémique, le mot d’ordre portait sur le pass sanitaire. » Circulez, y a rien à voir. Pourtant, en privé, il maintiendrait son opposition aux vaccins. Cela fait pourtant tache sur le pedigree de celui qui siège à la vice-présidence du Sénat…
Les farfelus de la République
Et puis il y a ceux qui ont (de toute manière) l’image revendiquée de « farfelus ». Le plus célèbre d’entre eux apparaît sur nos écrans une fois tous les cinq ans, au moment de la campagne présidentielle : l’inénarrable Jean Lassalle, désormais ex-député des Pyrénées-Atlantiques, qui avait tout de même réuni 3,1% des suffrages à la présidentielle de 2022, soit le double d’Anne Hidalgo pour le Parti socialiste ! En novembre 2020, ce chouchou des médias – avec son langage bien à lui – surfe sur la complosphère et porte aux nues le fameux « documentaire » Hold up, encore lui. Jean Lassalle est persuadé qu’une part de vérité se trouve sous nos yeux : « Ce documentaire soulève des interrogations non seulement sur la gestion de la crise du Covid, mais aussi sur les immenses puissances financières et leur influence dans la marche du monde, assure le député. En tant que citoyen, républicain et élu, j’ai ressenti l’impérieux devoir de le relayer afin de vous donner la possibilité de réfléchir par vous-même, en conscience. » Un manque de clairvoyance criant.
Les médias traditionnels – comprendre « inféodés à Big Pharma » selon les complotistes – tombent alors sur Jean Lassalle, qui ne cesse de s’enfoncer. Il est néanmoins soutenu par d’autres parlementaires, dont une députée macroniste, Martine Wonner, figure des anti-vax et poil à gratter de l’équipe Macron pendant la pandémie. Il faut bien dire qu’elle non plus n’y était pas allée de main morte, attirant l’attention des caméras : selon elle, les vaccins contre le coronavirus étaient susceptibles de provoquer des « fausses couches », de transmettre « le sida » et de favoriser de « multiples cancers ». En novembre dernier, l’ex-députée – elle a perdu son siège du Bas-Rhin lors de la débâcle d’En Marche aux législatives de juin 2022 – a été suspendue un an par l’Ordre des médecins pour avoir diffusé des protocoles de soins contre le Covid-19, « sans fondement scientifique ».
Personne ne sait d’où viendra la prochaine grande crise – sanitaire ou autre –, mais celle du Covid-19 nous aura confirmé une chose : la démagogie permet de faire parler de soi quand on manque de notoriété. Et surtout que l’incompétence et la malhonnêteté de certains de nos politiques sont décidément sans borne.