Covid-19 : grèves en série des travailleurs américains

Alors que le pays est désormais le plus touché par la pandémie de Covid-19, avec plus de 23 000 morts le 14 avril, les États-Unis connaissent une série de grèves depuis près d’un mois, pour beaucoup sauvages, liées à la situation sanitaire. Le site d’information paydayreport.com en recense pas moins de 73 sur une carte interactive, dans un contexte où l’absence de droits sociaux surexpose les travailleurs en première ligne. Initialement publié sur Rapports de force.

« Si on va bosser malades, vous le serez aussi ! » C’est l’un des slogans qui résonne dans les rues de New York, le vendredi 6 mars 2020. Pourtant, le président Donald Trump continue à assurer, trois jours plus tard, que tout est parfaitement sous contrôle et que la vie ainsi que l’économie doivent se poursuivre comme à l’ordinaire. Business as usual.

Mais les salariés new-yorkais de Chipotle, une importante chaîne de fast-food américaine, s’attendent déjà au pire. C’est l’une des raisons qui poussent une quarantaine de ces travailleurs, d’un secteur pourtant peu habitué aux mouvements sociaux, à installer un piquet de grève devant leur restaurant, pour la quatrième journée consécutive, afin de réclamer que leur entreprise se plie aux lois de New York concernant les congés payés.

Peu de droit de grève, mais pas de droits sans grève

En effet, aux États-Unis, il n’existe presque pas de lois fédérales, s’appliquant à l’ensemble du territoire national, qui régissent le droit du travail. La loi fédérale ne garantit ainsi le droit ni aux congés payés, ni au congé maternité, ni même aux congés maladie. Ainsi, plus d’un tiers des travailleurs américains n’ont aucun droit à s’absenter de leur travail, parce que malades. Ils ne peuvent que prendre sur les quelques jours de congés, le plus souvent non payés, auxquels ils ont droit. Et parmi ceux qui ont la chance de bénéficier de congés maladie payés, la moyenne est de 7 jours par an, et nombreux sont ceux qui ne peuvent s’absenter plus de trois ou quatre jours par an pour cette raison.

Le droit de grève est lui aussi très relatif. Dans ce système judiciaire de common law, basé sur la jurisprudence, le droit de grève n’est reconnu au niveau fédéral que par une seule décision de la Cour Suprême, de 1923, et reste bien fragile. Ainsi, dans la très grande majorité des états, un employeur peut procéder à un licenciement at will, c’est-à-dire sans avoir à fournir la moindre justification. Pour qu’une action de grève soit jugée légale, cependant, elle doit, elle, avoir des revendications qui rentrent dans le cadre restreint de celles autorisées par le ministère du Travail. De plus, la loi protège le droit des employeurs de remplacer leurs salariés grévistes, et de conserver ces nouveaux salariés à leur poste une fois la grève finie. Mais les employeurs ont également le droit de supprimer des « avantages » aux salariés grévistes, par exemple leur assurance santé. Il est donc assez exceptionnel que ceux-ci se mettent en grève quand ils ne sont pas soutenus par un syndicat suffisamment puissant pour les protéger de représailles.

La restauration en première ligne

À Portland, les travailleurs de la chaîne de fast-food Burgerville ont cessé le travail le 22 mars. Ils demandent une prime de risque de 2 dollars, le droit à 2 semaines de congés et une prime de licenciement de 2 semaines de salaire pour ceux d’entre eux qui étaient renvoyés. En plus, bien sûr, de conditions de travail leur permettant d’assurer leur sécurité sanitaire. Ces salariés-là n’en sont pas à leur coup d’essai. En 2019, ils étaient les premiers employés de restauration rapide à former un syndicat.

En Caroline du Nord, face à la pandémie, une centaine d’employés de la restauration et du commerce alimentaire se sont mis en grève le 27 mars, notamment chez McDonald’s et Walmart. Tous syndiqués, ils ont organisé une manifestation en ligne pour protester contre l’absence de mesure et de matériel de protection sanitaire. En cause également : la réduction de leurs heures de travail et du salaire qui va avec. Des employés de McDonald’s ont aussi dénoncé l’interdiction qui leur a été faite de porter les masques qu’ils s’étaient procurés. Leur hiérarchie craignant que cela effraye les clients. Les employés de la restauration se trouvent pourtant surexposés aux risques de contamination. Mais bien que parmi les plus précaires du pays, nombreux sont ceux qui ont engagé un bras de fer avec leur employeur alors que la pandémie se rependait dans le pays.

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