« Le Brésil, faites un effort pendant un mois, calmez-vous ! Rendez hommage à cette belle Coupe du monde. On a été au Brésil pour leur faire plaisir. J’avais dit la dernière fois, on va au Brésil, c’est comme si les musulmans allaient à La Mecque, les chrétiens à Rome et les juifs à Jérusalem.
C’est exactement ça, d’aller à la Coupe du monde au Brésil. C’est pour ça que tout le monde se fait une joie d’aller à la Coupe du monde au Brésil. Eh bien, les Brésiliens, il faut qu’ils se mettent dans l’idée de recevoir les touristes du monde entier et que, pendant un mois, ils fassent la trêve. Pas des confiseurs, mais qu’ils fassent une trêve. Il faut dire aux Brésiliens qu’ils ont la Coupe du monde et qu’ils sont là pour montrer la beauté de leur pays et leur passion pour leur football. S’ils peuvent attendre au moins un mois avant de faire des éclats sociaux, ça serait bien pour l’ensemble du Brésil et la planète football. »
Michel Platini, président de l’UEFA et candidat à la présidence de la FIFA.
Qu’est-ce que la FIFA (Fédération Internationale de Football Association) ?
La FIFA est une association à but non lucratif fondée en 1904 à Paris qui regroupe actuellement 208 fédérations nationales. Son siège est situé depuis 1932 à Zurich en Suisse. La première coupe du monde a eu lieu en Uruguay en 1930 et elle a été mise en place par Jules Rimet (membre de la démocratie chrétienne, catholicisme social). Les idées fondatrice de la FIFA sont inspirées de la doctrine sociale de l’Église (bien commun, dignité humaine, subsidiarité, solidarité).
Depuis 1998, le président de la FIFA est Joseph « Sepp » Blatter (qui est membre aussi du Comité International Olympique), personnage controversé aux idées franchement réactionnaires :
Il a affirmé que la Coupe du monde 1978 en Argentine, avait été « une forme de réconciliation du public, du peuple argentin, avec le système politique, qui était à l’époque un système militaire ». La compétition avait eu lieu malgré des appels au boycott en France, alors que le pays vivait sous le joug du régime sanguinaire du général Videla.
En 2010, il invite les homosexuels à « s’abstenir de toute activité sexuelle » pendant la Coupe du monde de football de 2022 (organisée au Qatar, pays où l’Islam, considérant l’homosexualité comme un péché, est la religion d’État).
En parlant des footballeuses, Sepp Blatter assume sans problème son machisme : « Pourquoi ne pas les habiller avec des tenues plus féminines, comme les joueuses de volley ? ». « Elles pourraient, par exemple, avoir des shorts plus serrés. »
Le secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke, tient lui aussi à ménager sa place au palmarès de la provoc’ bien réac : « Je vais dire quelque chose de fou, mais un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une Coupe du monde. Quand on a un homme fort à la tête d’un État qui peut décider, comme pourra peut-être le faire Poutine en 2018, c’est plus facile pour nous, les organisateurs, qu’avec un pays comme l’Allemagne où il faut négocier à plusieurs niveaux. »
L’incontinence réactionnaire d’un Sepp Blatter ou d’un Jérôme Valcker ne déroge pas à cette règle informelle selon laquelle les dirigeants des grandes instances sportives comme la FIFA ou le Comité International Olympique (CIO) sont issus et/ou servent les sphères économiques et politiques les plus antidémocratiques.
Déjà Pierre de Coubertin, le grand moraliste du sport, encensait les jeux olympiques d’Hitler. Il affirmait également que « Le sport produit une élite plus ouverte avec des valeurs hiérarchiques proches de l’aristocratie ».
Le président qui régna le plus longtemps sur le CIO fut Antonio Samaranch (1980 à 2001), membre éminent du Parti Franquiste, responsable d’années de répression en catalogne. Pour en revenir à la présidence de la FIFA, rappelons-nous que Joào Havelange, le prédécesseur de Sepp Blatter n’était autre qu’un affairiste de la dictature brésilienne, un ami public des tortionnaires argentins (Amiral Lacoste), un vendeur d’armes à Banzer, lui-même chef de junte en Bolivie.
Il est donc logique que les beaufs en costards qui organisent les grands rendez-vous sportifs mondiaux assument sans complexe leurs penchants pour des régimes dictatoriaux et ferment les yeux devant les violences étatiques systématiques à l’encontre des populations que leur business provoque (JO à Pékin en 2008, Coupe du Monde en Afrique du Sud en 2010, JO à Sotchi chez Poutine l’hiver dernier, aujourd’hui Coupe du Monde de Foot au Brésil, en 2016 JO au Brésil également, Coupe du Monde en Russie en 2018 et au Qatar en 2022).
Les positions ouvertement réactionnaires de l’actuel président de la FIFA n’étonnent pas non plus quand on analyse, même brièvement, la fonction centrale qu’occupe le sport, et le football en particulier, dans l’arsenal idéologique capitaliste. Les compétitions, en plus de véhiculer l’infâme culte de la performance, font appels au nationalisme, au chauvinisme ancrés chez des prolétaires prêts à aboyer leur abrutissement dès que « son » équipe en a battu une autre. Cette fonction ne pourrait être aussi incontournable sans la formidable envergure économique des événements sportifs tels la coupe du monde, dont la FIFA recueille à son propre compte de colossaux bénéfices.
Quelques données permettent de mesurer le poids économique considérable de la FIFA ainsi que les juteux profits engendrés par la Coupe du Monde pour cette institution et ses partenaires.
- Aujourd’hui, les réserves de trésorerie de la FIFA s’élèvent à 1,4 milliards de dollars.
- Le chiffre d’affaire de la FIFA pour 2013 est de 988 millions d’euros, les bénéfices nets ont été de 52,2 millions pour la même année.
- Sur la période 2007-2010, si l’on prend l’ensemble des activités liées à la Coupe du Monde Sud-Africaine, la FIFA a dégagé un excédent de 2375 millions de dollars, sans compter les recettes de billetterie. L’essentiel de ces ressources venant des droits de retransmission (2408 millions de dollars) et du marketing (1072 millions de dollars).
- Les principaux membres de son comité exécutif gagnent plus d’un million d’euros par an.
L’exemple de Coca-cola dans le business global de la coupe du Monde :
Coca-Cola compte investir 7,6 milliards de dollars au Brésil entre 2012 et 2016, pour développer sa marque et étendre son réseau de distribution. Il y détient déjà 27% du marché des boissons non alcoolisées, estimé à 43 milliards de dollars en 2013 et qui devrait encore grossir de 6% d’ici 2017, selon le cabinet d’analystes Trefis. Pendant un mois, le géant des boissons entend déployer une offensive de charme autour de toutes ses marques : les thés (Gold Peak et Honest), jus de fruits (Minute Maid), boissons énergisantes (Nalu Energizer et Aquarius), eaux (Dasani) et ses classiques (Coca-Cola, Fanta, Sprite).
Environ 300 millions de produits Coca-Cola et Coca-Cola Zero porteront l’image du Mondial. Le groupe va offrir des articles de sport, des bracelets connectés. Et il y aura même un hymne Coca-Cola, à l’appui d’un slogan, « le mouvement c’est le bonheur ».
Pour vendre sa marque grâce au foot et au Mondial, Coca-Cola a déjà dépensé plusieurs millions de dollars dans différentes opérations, comme cette tournée officielle du trophée de la Coupe du monde, un voyage de 267 jours à travers le monde, jusqu’au 12 juin.
« La Coupe du Monde de football 2014 est notre initiative marketing la plus importante cette année », confirme Kate Hartman, une porte-parole du groupe, en soulignant que Coca-Cola va « dépenser plus en 2014 qu’en 2010 en Afrique du Sud et lors du dernier championnat d’Europe de foot ».
Selon le cabinet IEG, le budget marketing de Coca-Cola pour ce Mondial se chiffre à « plusieurs millions de dollars », auxquels il faut ajouter une trentaine de millions par an versés à la FIFA dans le cadre d’un partenariat pluriannuel.
Comment la FIFA dépense son argent :
La FIFA finance Interpol :
« La Fifa a signé en 2011 un chèque de 20 millions d’euros sur dix ans pour combattre les matchs truqués. En novembre 2012, c’est le comité de la Coupe du monde 2022 au Qatar qui a octroyé un don de 10 millions de dollars à Interpol. Deux instances pourtant mises en cause par plusieurs médias européens dans l’affaire du “Qatargate”, »
qui révèle de probables cas de corruption dans l’attribution de la Coupe du monde au Qatar. » Et ce n’est pas un hasard car le jeu des chaises musicales est le fonctionnement de la FIFA et de ses partenaires policiers :
« Dans son livre-enquête Fifa Mafia, qui décrit l’opacité de la Fédération internationale de football, le journaliste allemand Thomas Kistner évoque sur tout un chapitre le partenariat avec Interpol. Il y révèle que plusieurs anciens cadres d’Interpol sont placés aujourd’hui à des postes clefs au sein de la Fifa ou au Qatar. Ainsi, Ralf Mutschke, nommé directeur de la sécurité à la Fifa en juin 2012, est un ancien directeur des services d’Interpol. À la Fifa, il succède à Chris Eaton, lui-même ancien manager des opérations chez Interpol, parti au Qatar comme expert en intégrité et sécurité dans le sport. Quant à l’ancien vice-président d’Interpol pour l’Amérique (2003-2006), Michael Garcia, il est aujourd’hui à la tête de la commission d’éthique de la Fifa. Une commission dite indépendante, chargée d’instruire l’enquête sur l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar. »
LA FIFA est dirigée par un Comité Exécutif composé d’un président, élu par le Congrès dans l’année qui suit la Coupe du Monde, de 8 vice-présidents et 15 membres, désignés par les Confédérations et Associations. Le secrétariat Général de la FIFA est assisté par 25 commissions permanentes et par deux organes juridictionnels. La commission des finances de la FIFA est composée de :
- Julio Grondona (président de la commission, président de l’Association Argentine de football )
- Issa Hayatou (président délégué, président de la Confédération Africaine de Football)
- David Chung (président de la Confédération du football d’Océanie)
- Jeffrey Webb (président de la CONCACAF, directeur de la Fidelity Bank des Iles Caïmans)
- Marios Lefkaritis (vice-président du Comité Exécutif de l’UEFA, membre du Bureau depuis 1971 du Groupe Lefkaritis, de Petrolina ltd et Petrolina Holdings ltd à Chypre)
- Salman Bin Ebrahim Al Khalifa (président de la Fédération Asiatique de football, membre de la famille royale du Barheïn).
Le Barheïn et les Iles Caïmans sont sur la liste grise des paradis fiscaux selon l’OCDE. Chypre est un centre financier offshore et fait parti des pays à fort secret bancaire. Tous les membres de cette commission sont présents au sein du Comité Exécutif de la FIFA. On comprend facilement le rôle joué par ces bourgeois.
Corruption et conflit d’intérêts
La FIFA et ses dirigeants sont régulièrement sous le coup d’accusation de corruption à chaque fois avérée. L’attribution de la coupe du monde en 2022 au Qatar en est un exemple concret :
« Au quatrième tour de scrutin, le Qatar l’avait emporté devant les États-Unis par quatorze voix contre huit. Un point clé : ces derniers mois, Sepp Blatter s’est débrouillé pour que tout le monde sache qui avait voté pour qui, alors que ce type de scrutin est censé être secret. On sait par exemple que le président de l’Union européenne des associations de football (UEFA), Michel Platini, a apporté son vote au Qatar, une démarche qui a bien plu au président français d’alors, Nicolas Sarkozy, notoirement proche des intérêts qataris (il suffit de regarder l’actionnariat des entreprises représentées lors de la fameuse soirée du Fouquet’s qui a suivi son élection en 2007). On sait aussi que Michel Platini et Nicolas Sarkozy ont dîné ensemble, accompagnés du cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, prince du Qatar, peu avant le scrutin. On est en plein dans les « influences politiques directes » dénoncées par Sepp Blatter cet été.
Les trois votants africains ont également dû soutenir l’émirat pour peu qu’ils aient eu la reconnaissance du ventre : l’hebdomadaire France Football a révélé que le Qatar avait généreusement sponsorisé un certain nombre de manifestations de la Confédération africaine, comme son congrès de janvier 2010 en Angola. Surtout, cinq votants ont, depuis, été rattrapés par des affaires ou soupçons de corruption. Parmi eux, le Qatarien Mohammed ben Hammam, jadis opposant crédible à Sepp Blatter pour prendre la tête de la Fifa et radié à vie par l’instance en raison de « violations répétées » à l’éthique.
Toujours selon l’hebdomadaire sportif, le votant chypriote, Marios Lefkaritis, avait partie liée - via Petrolina Holdings (commerce de gaz liquéfié) et Lefkaritis & Hassapis Developers Kimonas Ltd (immobilier) - avec des fonds souverains qataris dans ses propres affaires. »
La coupe du Monde, un Attila au service des transnationales
La FIFA n’est pas qu’une association sportive. C’est aussi une machine de guerre économique qui, en préparation et à l’occasion de la Coupe du Monde se dote de prérogatives qui se substituent à celles de l’État organisateur de l’événement, dont la souveraineté est ainsi provisoirement confisquée. On assiste alors à un calibrage de l’arsenal législatif, réglementaire et répressif selon les impératifs définis par la FIFA et, derrière, les transnationales partenaires.
Le 28 mars 2012, après une longue bataille parlementaire, l’État brésilien a fini par accepter la Lei Geral da Copa mise en œuvre par la FIFA. Cette « loi générale de la Coupe » :
- impose des jours fériés aux villes hôtes lors des matchs de l’équipe du Brésil
- diminue le nombre de places et augmente leur prix
« la FIFA désire contrôler entièrement l’émission et la tarification des billets. Elle demande donc la levée de certaines dispositions du code de protection du consommateur qui autorise les étudiants et les personnes de plus de 60 ans à bénéficier d’un demi-tarif sur les événements sportifs. Le prix des places allant jusqu’à 900 dollars, ce qui représente presque le double du salaire mensuel moyen, les Brésiliens ont l’impression de ne pas être conviés à leur propre fête »
- autorise les boissons alcoolisées dans les stades
« pour éviter les débordements d’esprits échauffés, les autorités brésiliennes avaient banni l’alcool des enceintes sportives en se dotant d’une loi générale sur le statut du supporteur en 2003.
Mais en 2012, les intérêts de la FIFA et de son partenaire Budweiser ont pris le dessus, obtenant de Brasilia une suspension partielle de la loi. Ainsi, les bières Budweiser et Bud Zero, mais aussi les Brahma et Brahma Zero, (...) ont commencé à être vendues à l’Arena Corinthians de Sao Paulo.
Toutes ces marques appartiennent au leader mondial de la bière belgo-brésilien AB Inbev. Sa bière Budweiser a signé en tant que parrain de la Coupe du monde jusqu’en 2022 pour un montant estimé à plusieurs millions de dollars annuels. »
- exempte d’impôts et de charges fiscales les entreprises travaillant pour la Coupe, dont celles qui rénovent ou construisent les stades.
La loi Générale interdit la vente de toute marchandise dans les « lieux de compétition officielle (article 11), dans leur entourage immédiat et leurs voies d’accès principales » ; « pénalise les bars qui tentent de retransmettre les matchs ou qui font la promotion de certaines marques » (article 23).
- considère comme crime fédéral toute atteinte à l’image de la FIFA ou à ses sponsors ainsi que les publicités dites « d’embuscade ou d’intrusion » qui utiliseraient sans autorisation toute image reliée à la compétition et au football en général.
Afin d’appliquer le plus rapidement possible les sanctions - de la simple amende à des peines de deux ans de prison - la FIFA souhaite imposer des tribunaux d’exception pendant la Coupe du monde.
A titre informatif, la FIFA n’a payé que 1 million de dollars d’impôts en 2010, ce qui correspond à 0,004% de son résultat net de 2010, car elle est considérée comme une organisation à but non lucratif, qui plus est basée en Suisse.
Les partenaires officiels de la FIFA sont :
Adidas, Coca-Cola, Hyundai, Emirates, Sony, Visa
Les sponsors de la coupe du monde de football sont :
Budweiser, Castrol, Continental, Johnson&Johnson, Mac Donald’s, Moypark, Oi, Yingli
Les supporters nationaux au Brésil sont :
Apexbrasil, Centauro, Garoto, Itaù, Liberty Seguros, Wiseup, Fifa.com, Football for hope
Le cas brésilien : La peste/pègre footballistique démasquée au pays du ballon rond
Depuis des lustres, on connaît, ou l’on peut connaître, le florilège d’exactions auquel s’adonne le capitalisme à l’occasion de la Coupe du Monde de Football. Mais avec cet énième rendez-vous, l’événement commercial s’est fait voler la vedette par une profonde colère populaire. Le cœur du mythe footballistique, le Brésil, devient le théâtre de son effondrement. La vérité crue jaillit, pour ne plus être effacée, sur la brutale opposition entre, d’un côté les intérêts des capitalistes (État et patronat) momentanément footballisés, et de l’autre l’énorme majorité de la population.
La coupe du Monde de 2014 intervient dans un pays en crise. Après avoir connu un taux de croissance aux alentours de 5% durant les années 2000, l’économie brésilienne (la plus prometteuse des BRICS) est en récession depuis le milieu de l’année 2013.
Selon la banque mondiale, un brésilien sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté. Les inégalités sociales sont criantes et s’accroissent. Selon l’OCDE, les 10% des brésiliens les plus riches gagnent 50 fois plus que les 10% les plus pauvres. En Europe, l’écart de richesse va de 1 à 5 ; au Brésil il est de 1 à 100. 80% des brésiliens étant des citadins, ces écarts sont très visibles.
Un modèle de « socialisation des coûts et de privatisation des bénéfices »
Coût de la coupe du Monde : 11 milliards de dollars (deux fois plus que prévu).
« Au Brésil, alors que le budget prévisionnel de fonctionnement programmait 800 millions d’euros de dépenses, essentiellement à la charge du privé selon le gouvernement, les frais dépassent déjà les 2,6 milliards, et l’ardoise sera principalement réglée par le contribuable, comme pour les investissements : « 78 % des dépenses d’infrastructures pour la Coupe du monde de 2014, estimées à 18 milliards de dollars [13 milliards d’euros], sont financées par le secteur public »
.
Les bénéfices du tournoi et les profits du commerce adjacents seront empochés par la FIFA et les multinationales, l’État brésilien n’obtiendra aucun retour financier sur investissement. Les grandes entreprises qui s’implantent où bon leur semblent, pillent les populations locales et ravagent l’environnement, n’ont de cesse d’externaliser leurs coûts (faire supporter une partie de la production à des tiers, entreprises sous-traitantes ou États), et privatisent les profits tandis que les pertes sont socialisées. L’État gonfle sa dette publique, il alourdit son budget sans même subvenir aux besoins en matière d’éducation, de santé, de logement, de transports ou d’agriculture.
Les dépenses de l’État sont notamment consacrées la construction ou la rénovation des stades. Structures qui seront sous employées, voire inutilisée, après la Coupe du Monde. Ces frais sont d’autant plus choquants que le Brésil, afin de rembourser rubis sur ongle sa dette, procède depuis longtemps à des privatisations et autres restrictions budgétaires en matière de santé, d’éducation, d’environnement, de reproduction des infrastructures mais aussi de réforme agraire.
L’État brésilien dépense pour les infrastructures et son gouvernement a simultanément décrété des mesures d’exonération fiscale concernant l’industrie automobile et la circulation des marchandises et des services afférents à la compétition : les manques à gagner représentent 200 millions d’euros pour l’acquisition de matières premières, et 9 milliards d’euros pour l’industrie automobile. Ces exonérations décidées juste pour se plier aux désidératas de la FIFA suffiraient à rembourser les dépenses publiques pour les stades !
La fête… de l’épuration sociale par la militarisation du pays
L’État brésilien généralise la militarisation du pays. Les « Unités de Police Pacificatrice » aux méthodes paramilitaires terrorisent la population des favelas. « Le gouvernement soutient une « loi anti-terrorisme » qui, aux yeux d’Amnesty International, « met à mal la liberté d’expression et le droit de réunion ».
Il veut légaliser l’arrestation des syndicalistes et des animateurs-trices des mouvements sociaux qui résistent ; l’interdiction même des grèves est envisagée…
La police et l’armée (170 000 agents, dont 57 000 militaires) occupent les favelas et plus de 170 000 familles ont été jetées à la rue, expulsées sans être relogées. Les analyses parlent d’elles-mêmes :
« Toutes les méthodes ont été utilisées : créer un climat de peur dans les quartiers, exercer des chantages et pressions psychologiques sur les familles pour qu’elles cèdent leur maison à des prix dérisoires, accaparement de terres, expulsions sans relogement, violences policières sur ceux et celles qui résistent, déplacement des populations dans des zones urbaines dangereuses ou isolées ! Pendant l’événement, le « nettoyage » des villes est annoncé : celui de tous les hommes et femmes qui vivent sur les trottoirs en les renvoyant à des dizaines de kilomètres. Il faut rendre la pauvreté invisible ! ».
Quiconque manifeste même pacifiquement contre le Mondial est alors considéré comme un terroriste.
Les prolétaires brésiliens veulent crever le ballon sous peine de crever par sa faute !
Des grèves à répétition, des manifestations, de plus en plus violentes, secouent le Brésil depuis plus d’un an. Cette contestation a été en se radicalisant et s’étendant dans les villes où se déroulent des matchs. Les forces répressives sont omniprésentes pour éviter tout débordement :
« le schéma de sécurité de la Coupe est divisé en trois axes, "la défense [des stades] par les forces armées, la sécurité publique par la police fédérale et la surveillance, coordonnée par l’agence brésilienne de renseignements (Abin). Au-delà d’un renfort de 10 000 hommes, il y a 2 500 soldats de la marine [...], les policiers des transports, les policiers municipaux et les pompiers »
et
« l’espace aérien, maritime et les structures stratégiques comme les raffineries seront également protégées par les forces armées pendant la durée de la compétition ».
Neuf ouvriers sont morts dans les chantiers de construction des stades. Des travailleurs ont organisé des grèves :
« Certains travailleurs du privé ont déjà organisé des grèves et la plus connue d’entre elles a été celle du Maracana. Leurs revendications sont légitimes parce qu’ils sont employés pour du travail temporaire. En dehors de cela, leurs conditions de logement sont précaires, l’assistance médicale est décomptée de leur salaire, il y a une disproportion de salaire et un manque de sécurité. Ils racontent que les cadences de travail sont épuisantes, parce que la construction de ces ouvrages est une course contre la montre. Ils affrontent aussi des problèmes avec les représentations syndicales, qui ne sont pas très fiables.
Mais la force du mouvement est telle que, souvent, ils obtiennent des victoires partielles. Une situation identique se répète dans les autres entreprises économiques. »
Les employés du métro de Sao Paulo ont été en grève durant plusieurs jours pour finalement se faire écraser par les pressions politiques et la capitulation syndicale à quelques heures du lancement de la Coupe :
« Après un premier mouvement de cinq jours qui avait semé le chaos dans la mégapole de 20 millions d’habitants, les employés du métro ont voté la non-reconduction de la grève en dépit de l’inflexibilité des autorités face à leur demande de réintégration de 42 employés grévistes licenciés. « Nous faisons face à un gouvernement très puissant et nous avons paralysé la plus grande ville d’Amérique latine. Nous avons obtenu des augmentations [de salaire] importantes, mais nous avons décidé d’arrêter en fonction de nos limites », a déclaré le président du syndicat, Altino Melo dos Prazeres. »
S’il en était besoin, à travers ces événements, le Parti des Travailleurs au pouvoir au Brésil montre son vrai visage d’allégeance aux volontés de la bourgeoisie et d’exploiteur du prolétariat. Le « footage » de gueule est complet quand on sait qu’une des missions de la FIFA est de : « bâtir un meilleur avenir pour tous grâce au football ».