COP21, 21e édition d’un échec

Bref état des enjeux et des débats précédents la 21e édition de la COP.

Son nom, la COP21 la tient de ses vingt ans d’âge et d’avoir choisi Paris pour sa 21e édition. [1] 21e édition donc, c’est dire si ils sont habitués à y palabrer. Si l’on additionnait tout les débats des COP depuis 20 ans, il y en aurait pour plus d’un an de temps.

Parmi toutes ces interminables discussions, la Conférences des Nations Unies sur les changement climatiques de Paris se veut pour autant décisive, et la com’ qui l’annonce veut être à la hauteur. Suite à l’échec de celle de Copenhague en 2009, celle de Paris doit entériner un nouvel accord international, pour donner suite au protocole de Kyoto, sans en reprendre les échecs, disent-ils.

Le partage du fardeau, une responsabilité commune mais différenciée

La part humaine est aujourd’hui établie et reconnue « scientifiquement », nul n’ignore plus combien il est coupable de la pollution. Auparavant et jusque dans les premières COP (à partir de 1995), le débat portait sur la proportion entre les variations climatiques « naturelles » et la part attribuable aux actions des hommes, beaucoup refusant d’admettre l’idée d’un rôle humain dans l’affaire . Les disputes aujourd’hui ne se jouent plus sur ce déni du problème, mais sur le partage du fardeau. Le mot humain, une fois prononcé, chacun veut le remplir à sa façon.

Tout l’enjeu sans cesse manqué est alors de parvenir à s’entendre. Les uns, leur puissance bien établie, demandent des efforts de tous, les autres exigent un droit au développement et surtout une autre division des responsabilités que le partage d’une même tablée dont tout le monde aurait pollué les plats. Pour les grandes puissances le climat doit être une préoccupation commune à l’échelle mondiale. Les autres, à juste titre sans doute, défendent plutôt une "responsabilité historique commune mais différenciée".

À l’image du monde actuel, le principal clivage au sein des COP rejoue ainsi la division entre grandes puissances du Nord et pays dits en développement, dits maintenant pays émergents (dans les terminologies de la COP). Les puissants continuant de vouloir dicter leur récit de l’histoire et leurs prérogatives sans contraintes aucunes. Les autres essayant de faire reconnaitre qu’il est difficile de prétendre tant parler à égalité que de faire comme si dans le passé une égale responsabilité dans la catastrophe présente pouvait être déclarée. Dans l’ensemble, l’équilibre se cherche par l’adoption de chiffres de réduction des émissions de CO2 et de vagues objectifs de stabilisation. Tous ne s’accordent que sur une chose : la nécessité de ne jamais outrepasser les souverainetés nationales.

« Réduire la pollution carbone en bout de cheminée »

Le grand moment de la stratégie COP, c’est le protocole de Kyoto, initié en 1997 et entré en vigueur en 2005, après que 175 pays (mais non les États-Unis) l’aient ratifié. Fondamentalement, l’enjeu du climat y est pensé parallèlement à l’amincissement de la couche d’ozone, c’est à dire comme un problème environnemental de pollution carbone. Le problème écologique ne relèverait que d’un problème de pollution, et ne sont à débattre que des taux de réduction de ces émissions carbone en bout de cheminée.

« Le Protocole prévoit des objectifs d’émissions différenciés selon le niveau de développement et la force de négociation des pays : – 8 % pour l’Union européenne, – 7 % pour les États-Unis, – 6 % pour le Japon, une stabilisation pour l’Ukraine et la Russie, alors que l’Australie et l’Islande ont le droit d’augmenter leurs émissions modérément. Ces réductions se cumulent à – 5,2 % pour les pays développés et les économies en transition (pays de l’ancien bloc soviétique), répertoriés dans l’annexe B du Protocole . Elles sont calculées par rapport au niveau d’une année de référence – 1990 – et doivent être atteintes au cours d’une période allant de 2008 à 2012. »

Pour autant, la pollution n’y suffit pas les américains refusent l’accord, « notre mode de vie n’est pas négociable » dit Bush. Ils le font toutefois principalement parce que la Chine considérée comme pays en développement n’est pas soumise aux mêmes contraintes. Les pays en développement ( terme employé par la COP) ont depuis pour critère non négociable la ratification américaine pour que soit imposé toute contrainte internationale. Peu importe de toutes façons le protocole de Kyoto, il est pour tous un échec, les mesures ne sont pas suivies, beaucoup de pays ont depuis longtemps quitté ou abandonné le protocole.

Par le marché, cela fonctionne pour l’économie mais pas pour le climat, le protocole ayant crée le marché carbone où échanger le droit de polluer. Sur ce marché, au départ créé pour inciter à la réduction d’émission de carbone en faisant payer à l’émetteur le coût des nuisances écologiques, on peut à la demande acheter des droits de polluer en échangeant des droits d’émission de gaz à effet de serre contre quelques éoliennes si besoin.

Depuis Kyoto, d’autres tentatives de protocole n’ont pas mieux réussi. La dernière en date se noyait à Copenhague en 2009 :

« Pour certains acteurs, fabriquer Copenhague comme une échéance cruciale devait avoir des effets positifs : renforcer la conscience du risque climatique à l’échelle planétaire, réunir un nombre impressionnant de dirigeants du monde à une période forcément stratégique et favoriser la mobilisation internationale de larges pans de la société civile. Pourtant, cette fabrique a montré beaucoup d’aspects négatifs et le sentiment d’échec qui a suivi en a été d’autant plus retentissant et démobilisateur. » « Le seul résultat tangible de la conférence est un texte minimaliste, dit « accord de Copenhague », dans lequel une trentaine de pays – ceux qui représentent 80 % des émissions mondiales – reconnaissent que le changement climatique est l’un des grands défis de notre temps et exige une forte volonté politique pour éviter de dépasser la barrière des 2 °C jugée dangereuse par les scientifiques. L’accord « enregistre » officiellement, et pour la première fois, l’acceptation par les États-Unis et par les pays émergents de réduire leurs émissions, mais aucun engagement chiffré d’objectifs de réduction, aucun mécanisme contraignant ou aucune mesure de vérification ne sont mentionnés dans le texte. Aucun horizon temporel pour la barrière des 2 °C n’est assigné. Un certain nombre d’éléments sur le financement de l’adaptation dans les PED font également l’objet d’une annonce. »
« Les États ont été conduits à prendre des engagements volontaires de réductions d’émissions en 2020, mais sans perspective de règlementation ; réductions qui risquent donc d’être non comparables, non vérifiables, non contraignantes et réversibles à tout moment. »

Les discussions tant pour le protocole que dans chaque COP ne portent que sur la pollution carbone en bout de cheminée, sans aucunes contraintes en amont qui porterait par exemple sur une limitation de l’extraction pétrolière ou minière, ou sur des choix quand à la production elle-même. Cette centralité de l’émission de CO2 favorise par exemple une présentation du nucléaire comme « énergie verte", car après tout, peu de carbone sort au final des réacteurs…

Un Paris diplomate

Suite à l’échec de Copenhague, c’est la COP de 2011 à Durban (Afrique du Sud) qui a lancé un nouveau processus de négociations pour arriver à décider d’un nouvel accord international en 2015. Kyoto a échoué et le monde a changé. Si tant est que cela ne fut pas d’emblée une fiction à toutes fins utiles, la division Nord/sud, grandes puissances/pays en développement, ne fonctionne plus du tout pour décrire l’état des rapports de forces à l’échelle mondiale. L’Inde, le Brésil, la Chine par exemple, ne sont plus du tout qualifiables sans paraître mentir de « puissances émergentes » comme s’y plaisaient auparavant d’autres membres de l’ONU. Les discussions prendront donc une toute autre forme. L’Europe espère toujours jouer les bons arbitres. Depuis au moins les années 80, l’union européenne cherche à se donner l’image de « puissance douce », diplomate et moins guerrière que les États-Unis, et s’essaye en ce sens depuis longtemps à jouer un rôle central dans tous les enjeux autour du climat.

Quoiqu’il en soit, la COP est surtout le moment où tout les pays pratiquent l’art de noyer les poissons dans des discours sans fin. La plupart des discussions portent moins sur le contenu que sur le processus en tant que tel, par exemple sur la nature même de l’accord qu’il faudrait éventuellement prendre..
Et quoiqu’il arrive, après Kyoto, l’idée d’un accord contraignant, voire exposant à des punitions a a été abandonné et la COP21 devrait privilégier une forme d’engagement volontaire sans chiffres précis ni contraintes définies si ce n’est l’objectif affiché de maintenir le réchauffement climatique en-dessous de 2°C. Précisons que ce chiffre, n’est en rien lié à quelque chose de bien précis scientifiquement parlant. Beaucoup d’ONG demandent d’ailleurs à ce que l’exigence descende à 1,5°C. Le débat sur les chiffres, redisons-le, il ne se pose de toutes façons que sur les émissions en bout de cheminée.

Rien avant 2030 pour la COP

Le pire, quand bien même la catastrophe est déjà là, est dans l’astuce du nécessaire long terme qui permet de ne discuter d’éventuelles mesures que pour 2030 afin d’obtenir des résultats en 2050… Le calendrier des décisions "possibles" de la COP21 ne commencent en effet qu’en 2030. La Chine, par exemple, affirme que pour des raisons de développement, elle ne commencera à réduire ses émissions qu’à partir de 2030, pas avant, le tout pour 2050 avoir quelques résultats. On reporte tout à un hypothétique futur.

Que faire ?

Le rapport d’une des commissions autour du climat de 1987 s’ouvrait sur cette phrase de l’époque de la guerre froide : « la Terre est Une mais le monde ne l’est pas ». Ils n’ont pas cessé depuis de chercher à l’unir, du moins dans les discours en cherchant à produire la fiction d’une humanité unie qui prendrait en main son destin de sauveur de la Terre. En vérité, aucun pays ne souhaite pour autant une décision internationale contraignante, il en va seulement d’un enjeu d’image, "qui va se présenter comme sauveur de ce monde ?" En pratique, il se pourrait qu’ils soient tous très actifs, en proposant d’une façon ou d’une autre, par la géo-ingénierie tout autant que par un plus grand contrôle des frontières, tant des modalités de gestion des crises futures, que des formes toujours plus précises de gouvernement du vivant (par les brevets, les OGM, etc.). Qui va proposer la néo-solution technique qui permettra de « gérer » ? Qui offrira ses services de Police ? Seront-ils comme les flics de la Nouvelle-Orléans après Katrina ?

Il n’est pas évident dans un tel contexte de savoir qu’attendre de la COP, dont les négociations seront de toutes façons décevantes, et surtout loin du problème qu’elles repoussent par définition à 2030 et 2050. Quelque part, de leur rassemblement à Paris ou ailleurs, on ne peut rien attendre, et il vaudrait mieux qu’ils n’en fassent pas trop si leurs solutions sont techniques. Que faire ? Face à la COP, il faut tant la destituer comme espace de solution possibles que l’empêcher tout court d’avoir lieu. Que serait un mouvement climatique d’ampleur qui laisse nos gouvernants dans l’ère glaciaire ? Comment faire pour ne pas délier les questions de climat du contrôle des frontières, ou des mesures d’austérité ? Si la solution n’est pas étatique, ni mondialement appliquée par des nations unies aux pouvoirs redoublés, à quoi pourrait ressembler un monde de territoires en lutte ? [2]

Note

Collectif Climatique
https://collectifclimatique.wordpress.com/

Notes

[1Et bonheur des noms, elle est d’autant plus importante qu’elle concorde par le chiffre à l’appellation « 21 », très utilisée par l’écologie gouvernementale depuis le sommet de Rio de 1992 pour désigner un vaste agenda de mise en œuvre du développement durable, "à des échelles globales, nationales, régionales et locales".

[2Toutes les citations sont de Gouverner le climat ? 20 ans de négociations internationales
Stefan Aykut, Amy Dahan Presses de Sciences Po

Localisation : région parisienne