Communiqué du mouvement contre la loi fichage

En réponse à l’appel à l’union contre le ’Titre Électronique Sécurisé’ un mouvement contre la loi fichage prend forme et propose le texte suivant aux militants et organisations qui souhaiteraient s’y joindre.

Nous, individus et citoyens attachés à nos droits, apprenons depuis trop longtemps à encaisser les coups que l’État assène à nos libertés les plus fondamentales.

Depuis ce 30 octobre et le décret d’application 2016-1460, un léger bruit médiatique nous apprend qu’une fois encore nous devrions renoncer à des droits qui nous paraissaient jusqu’alors inaliénables.
Outre la remise en cause totale du droit à la vie privée c’est la liberté d’opposition qui risque, avec pour déclencheur l’application d’une loi à moitié censurée en 2012, de disparaître.

En effet, selon les informations fournies par le ministère de l’Intérieur, un fichier commun aux cartes d’identité et passeports des Français de plus de 12 ans rassemblera désormais une quantité impressionnante d’informations privées sur chaque individu au sein d’un logiciel informatique.

Ce projet a déjà fait débat en 2012, mais face à l’opposition qu’il a suscitée, c’est une version bridée du logiciel qui a été votée mais ce que la technique peut faire, la technique peut le défaire.

Parmi les informations récoltées et exploitables par les services de l’Intérieur figurent ainsi l’identité, l’adresse postale et électronique, la signature, la taille, le sexe, la couleur des cheveux, mais aussi les empreintes digitales et la filiation.

En France, chacun est censé être présumé innocent de tout acte délictueux.

Avec cette loi, tous les Français sont potentiellement soupçonnés d’avoir quelque chose à se reprocher, et sont donc tous "rangés" dans un grand tiroir administratif.

Il est toujours possible de placer des détails en face de chaque fiche. C’est exactement l’un des reproches que nous faisons au STIC ( Système de Traitement des Infractions Constatées), rempli d’erreurs et/ou d’annotations sur les personnes… qui ne devaient pas légalement y figurer.

Si jusque-là vous n’êtes dérangés :

– ni par l’idée que quelque 2 000 personnes des services de l’État puissent pratiquement tout savoir sur vous en quelques clics et obtenir des informations telles que la photo, les empreintes digitales, l’adresse, le mail ou la taille des membres de votre famille ainsi que de tous vos proches
– ni par l’existence de la possibilité d’ajouter des annotations de tous types en face de chaque fiche
– ni par l’éventualité d’un piratage du système offrant ces données au monde entier

Considérez un instant la chose comme le fait Isabelle Falque-Pierrotin :
« Quel est le risque de ce fichier ? C’est qu’il soit utilisé pour permettre l’identification des gens à la volée, dans la rue. On attrape votre photographie via une caméra de surveillance ou on récupère votre empreinte digitale sur une scène de crime ou lors d’une manifestation, et on les compare avec une base de données centrale. »

Ou bien souvenez-vous qu’il y a quatre ans, 120 parlementaires s’inquiétaient d’un fichier qui :

porte en germe la destruction pour l’avenir des possibilités d’exercice effectif du droit fondamental de résistance à l’oppression, corollaire indispensable à la liberté individuelle elle-même.

Même son de cloche chez le rapporteur du texte au Sénat, qui y voyait, lui,

une bombe à retardement pour les libertés publiques .

Les années passées ont-elles changé quoi que ce soit au sens de ces propos ?

Quand bien même soient-ils tenus par d’actuels responsables politiques.

Revenons à la censure d’une partie des propositions de l’époque. Elle ne change rien au fonctionnement de la base de données. Seules quelques applications possibles de l’outil seront bannies.

Pouvons-nous faire confiance au discours officiel et à la stabilité politique ? Faisons-nous confiance à l’usage qui est fait des services de renseignement ?

Une telle machine de gestion algorithmique de la population laisse imaginer de nombreuses possibilités, dont certaines relèveraient indéniablement de l’État policier.

Les services de renseignement se limiteront-ils à l’usage prévu de leur nouveau jouet ? Si oui, pour combien de temps ? Combien de temps avant une nouvelle catastrophe, prétexte à débrider la machine ?
Aujourd’hui, pensons-nous l’État assez légitime pour faire passer un tel décret ? Lui même n’en a pas l’air ! C’est pourquoi il le publie en toute discrétion un dimanche de la Toussaint, sans préavis.
Considérons-nous que le gouvernement de M. Hollande peut prendre le risque de sacrifier tous nos droits au nom de l’antiterrorisme ? Lui qui avouait, il y a peu, avoir utilisé l’état d’urgence pour étouffer la mobilisation des écologistes contre la COP21 ?

Si vous n’avez pas encore lu cela dans les médias sachez enfin que la constitution d’un tel fichier n’est survenue qu’une seule fois dans l’Histoire de France : sous le gouvernement du maréchal Pétain : « La France n’a créé qu’une seule fois un fichier général de la population, c’était en 1940. Il fut d’ailleurs détruit à la Libération. »

Compte tenu des risques qui pèsent sur nous tous, individus et citoyens attachés à nos droits et qui apprenons depuis trop longtemps à encaisser les coups que l’État assène à nos libertés les plus fondamentales, une résistance doit naître.
Préservons cet héritage de la Libération, battons-nous pour nos droits, défendons la liberté, ne laissons pas un pouvoir à bout de souffle nous espionner, nous museler.

Nous devons tous nous mobiliser : intellectuels, journalistes, partis politiques, syndicats, associations, ONG, collectifs, femmes, hommes, enfants, militants, partisans, non-affiliés, citoyens, étudiants, lycéens, chômeurs, individus ou groupes affinitaires : tous unis contre le fichage — soyons réactifs.

Retournez-nous ce communiqué ou le votre signé afin de peser dans le débat à venir sans attendre que quelqu’un d’autre ne le fasse pour nous.

Syndicats et militants particulièrement visés.

Quand est publiée une liste non exhaustive de 303 procès de militants et syndicalistes il nous apparaît clair que le gouvernement de Mr Hollande a eu à cœur de faire taire la contestation et de calmer les résistances face aux assauts qu’il a porté contre l’état de droit les luttes écologistes et le droit du travail tout au long de son quinquennat.

Quand nous savons de son aveu que l’état d’urgence a servi a museler les écologistes anti-cop 21...

Quand nous connaissons la répression brutale qui a sévi tout le printemps dernier...

Quand nous connaissons le mépris du gouvernement envers les travailleurs syndiqués et la sourde oreille qu’il tend à leurs revendications...

Quand nous connaissons les méthodes qu’utilisent les services de l’Intérieur pour pousser les militants en prison...

Nous ne pouvons pas rester muets !

Si nous, la plupart d’entre nous, syndicalistes, militants, autonomes et citoyens engagés qui avons déjà porté haut et fort certaines revendications sommes déjà largement fichés, ne laissons pas l’espionnage que constitue la surveillance de masse se banaliser dans l’indifférence ; permettons aux générations engagées à venir d’exister, et soyons solidaires avec les 60 millions de français qui vont nous rejoindre dans la catégorie "potentiellement coupables".

Tout le monde est concerné !!

La limite entre ne rien avoir à se reprocher et être suspect peut basculer très rapidement. La question n’est pas de savoir si l’on a d’ores et déjà quelque chose à se reprocher ou non !
Il peut suffire d’un évènement particulier, d’une statistique d’un sondage, d’une élection, d’un phénomène médiatique, d’un changement dans l’opinion publique pour que telle action ou telle pensée soit considérée comme suspecte par les services de l’État.
À l’avenir tout à chacun pourrait se trouver privé de tout moyen d’agir selon sa liberté d’opinion et de conscience.
Pourquoi ?

Emprunter une pente si glissante est un grand danger : nous risquons de basculer dans le totalitarisme très facilement.
La combinaison de ce décret avec l’état d’urgence nous laisse imaginer l’aspect qu’aura "l’état de droit" en 2017.
Suite à quoi, si nous nous laissons faire, nous verrons ce que le nouveau gouvernement aura inventé pour dissuader et faire taire davantage de voix discordantes
critère par critère, chacun sera dénoncé par les fiches, voici la suite :

"Quand ils sont venus chercher les communistes,
je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les juifs,
je n’ai rien dit, je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
je n’ai rien dit, je n’étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher.
Et il ne restait personne pour protester..."
Pasteur Martin Niemoller (1892-1984), Dachau 1942

Note

Premier signataire : Mouvement contre la loi fichage
retournez le texte signé ou vos réactions à contrelefichage@gmx.fr

ou signez la pétition en attendant de nous retrouver !

À lire également...